Chapitre numéro 11: Paroles éphémères.

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Loin, c'était là où je m'en étais allé. J'étais parti depuis bien longtemps dans l'espoir de l'oublier. D'effacer la douleur qu'il a laissée dans mon cœur. Délaissé, voilà déjà cinq années qu'il nous a quitté, racontais-je. Ethan était là, il écoutait lacement mon discours, les poings serrés sur ses cuisses. Lui qui m'avait demandé des explications sur mon attitude quelque peu étrange devait se contenter de subir un long monologue enfantin. Je lui contais mes aventures du défunt petit Noa, de nos courses incontournables et de nos longs moments de silence au bord de la mer.

"Après sa mort, j'ai longtemps eu peur, je ne voulais plus quitter mes amis ou mes parents de peur de les perdre. J'étais petite, mais je comprenais déjà que plus jamais je ne reverrais mon frère aîné. Son accident a été tellement éprouvant qu'il a fallu beaucoup de temps pour que mes parents s'en remettent. On venait a peine de découvrir ma déficience.

- Raconte-moi, exigeait-il.

- C'était un long jour de décembre, et malgré mon jeune âge, je m'en souviens comme ci, c'était hier, dis-je en guidant mes yeux vers le sol. Mon frère devait partir rejoindre ses copains, mes parents dans la cuisine s'engueulaient. Ils ne voulaient, ni l'un ni l'autre, l'accompagner jusqu'à la maison de Jake, un ami. J'espionnais, caché derrière une porte mal fermée, je remarquais que mon père lui faisait un grand geste en désignant la porte. Mon frère s'était d'ailleurs dirigé vers elle en emmenant sa veste et son sac. Quand je suis sortie pour lui courir après il était déjà monté sur son vélo bleu et pédalé à toute vitesse. C'est la dernière fois que je l'ai vu."

Je voyais qu'Ethan était perturbé, que physiquement, il n'allait pas très bien. Il tremblait, je ne sais pas pourquoi. Je continuais à raconter les faits sur la mort brutale de mon frère. Je lui disais que le soir même nous avons reçu un coup de fil de la famille de Jake expliquant qu'il n'était jamais arrivé à destination, que tout de suite, mes parents avaient appelé les forces de l'ordre, qu'ils avaient allumé la télévision et que nous avions appris la nouvelle, confirment par la même occasion que sous les débris de cette voiture, se trouvais son vélo. Qu'après l'atroce nouvelle mes parents s'étaient effondrés, que pendant quelques mois, j'avais dû être plus forte que possible et qu'aujourd'hui encore, sa mort me touchait comme au premier jour.

"Que sont devenus les conducteurs de la voiture ?, m'avais-t-il demandé froidement.

- Je...J'en ai aucune idée. "

Ethan se levait, me prit par le poignet en m'emmena rapidement en direction de chez lui. Je ne comprenais pas ce qu'il manigançait, je me contentais de le suivre sans rien dire. Une fois entré dans sa lugubre demeure aux murs noircis par le temps, aux rideaux tombés en bribes ou encore au mégots jonchés sur le sol, ouvrait un tiroir assez poussiéreux et sortait un vieux journal. Il l'avait ouvert à la dernière page, celle qui désignait que la mort d'un jeune enfant, c'était produit. L'article disait que les conducteurs s'en étaient sorti indemnes contrairement au petit garçon. Je lisais rapidement, les larmes floutaient ma vision ''Le conducteur monsieur Morinson a déclaré la cause de l'accident... '' Mes mains laissèrent tomber le bout de papier, m'effondrant au passage, ils l'avaient tué. Sa famille avait tué mon petit frère, pour moi, il était le seul coupable.

Ethan me prit par les hanches, m'obligeait à me relever, je voulais juste m'enfuir, fuir le mal-être qui était en moi a l'instant présent, mais lui, il me serrait aussi fort qu'il pouvait. J'avais un mal affreux dans la poitrine, mon cœur battait de plus belle. J'avais l'impression que le trou qui s'était a peine refermé venait de se rouvrir. Pourquoi lui ? Mes larmes s'échouaient sur son t-shirt, son chien discrètement posé dans son panier ne comprenait pas le vacarme qui se produisait dans la maison. J'arrêtais de me débattre et tombais dans ses bras. Il était mainte et mainte fois désolée, il n'arrêtait pas de s'excuser. Mais la mort de mon petit frère ne valait pas toutes les excuses du monde.

J'avais mis plusieurs heures avant de retrouver mon calme. Nous nous étions posés sur son canapé afin que je sèche tranquillement mes larmes. J'avais posé ma tête sur ses genoux, il caressait lentement mes cheveux.

"Je sais que jamais je ne pourrais remplacer le mal que te procure la mort de Noa, mais je suis là si tu veux parler ou même plus, murmurait-il.

- Je pense que je devrais rentrer chez moi... Je ne peux pas supporter que ce soit ta famille qui .... Tu sais quoi.

- Reste, je ne veux pas que tu sois toute seule.

- Où est passé l'Ethan mystérieux, sans attache et ténébreux ?

- Quand je suis avec toi, je me sens plus calme, j'ai moins besoin de me protéger derrière une couverture. Je peux vraiment être moi-même. Je ne sais pas pourquoi ni comment, mais tu m'apaises. Être à tes côtés me calme. "

Je ne pouvais plus rien dire, il m'avait coupé le souffle. Aucun mot ne sortait de ma bouche, je ne savais pas si je devais considérer ses paroles comme une déclaration ou bien comme un texte sans valeur. Mes yeux, occupés par le vacillement d'une petite horloge, suivaient le mouvement de celle-ci. Jusqu'à ce que je décide de me redresser.

"Je suis sincère tu sais, je ne suis pas le type qui aime en retour et qui lâche après quelques semaine. Tu comptes beaucoup pour moi, mais tu n'as pas l'air de t'en rendre compte.

- Je ne suis pas habitué à avoir une port d'attache. Mon frère l'était, mais maintenant, il ne peut plus l'être, répondais-je d'une voix vacillante.

- Je n'ai pas à l'être, je peux juste être un ami.

- Ni l'un ni l'autre."

Je m'étonnais moi-même, je ne comprenais pas pourquoi j'étais aussi froide alors que lui s'ouvrait à moi. Mes propos paraissaient si cruels face aux siens que de la peine se faisait ressentir. Je mordais ma lèvre de toutes mes forces, une perle de sang frai coula en une petite fente bien précise avant de dessiner une somptueuse ligne jusqu'à mon menton. Il grimaçait, posait son index au bas de la ligne et remonta jusqu'à la source, le portait à sa bouche et l'effaça sans rien dire. Appose sa main sur ma joue, tournait ma tête vers la sienne. Il s'approchait de plus en plus de mon visage, son front touchait à présent le mien. Je sentais son souffle au plus près de moi, ses lèvres accolées aux miennes étaient douces comme du coton. C'était bien, mais si éphémère, une caresse redoutable mais aussi indomptable qu'elle ne puisse être.

Dans ma peau.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant