8 》 good old-fashioned lover boi

594 65 20
                                    

~en média les chrysanthème et les roses trémières parce que il y en a trop des fleurs

Le parc était silencieux, Crowley parvenait à peine à entendre le vent chatouiller les feuilles des arbres. Il se dirigea lentement vers le kiosque avec un peu d'appréhension, qu'est-ce qu'Aziraphale pouvait bien avoir à lui dire ? L'avait-il inquiété à ce point ?

Lorsqu'il arriva devant la bâtisse, son cœur rata un battement.

Aziraphale se tenait là, l'attendant, entouré de centaines de roses trémières noires et de chrysanthèmes blancs. Des petites bougies traînaient par-ci par-là, sur les rambardes, et la lueur tremblante qu'elles dégageaient faisait un peu penser à la façon qu'avait Aziraphale de jouer nerveusement avec ses doigts, en attendant que Crowley ne daigne bouger ses petites fesses pour venir le rejoindre.

Le tout était un peu fouillis, un peu désorganisé et Crowley put immédiatement deviner que son ange avait tenu à tout installer lui-même. À cette pensée, un immense sourire failli se dessiner sur ses lèvres, il le retint juste à temps.

Enfin, il monta les petites marches que le séparaient - assez ironiquement - du petit paradis.

"Aurais-je loupé ton anniversaire, mon ange ?"

Aziraphale allait s'offusquer, puis détecta le second degré et se tut. Même après six mille ans de cohabitation, il ne comprenait toujours pas l'intérêt tout particulier que Crowley semblait porter au sarcasme.

Il ne savait trop quoi dire. Il était tétanisé, en réalité. Mais en aucun cas il se dégonflerait maintenant. Alors il prit une grande inspiration et fit un pas vers Crowley, réduisant l'espace entre eux à quelques bons centimètres.

De ses petites mains tremblantes, il vint doucement retirer les lunettes du nez de son vis-à-vis, qui le regardait avec incompréhension.

Leurs regards se verrouillèrent, accélérant les battements de leurs cœurs.

Puis Crowley comprit.

Aziraphale sentit l'incrédulité prendre place sur le visage du démon, il en fut presque attendri. Et sans vraiment comprendre, il le vit enfin. C'était dans ses yeux, dans son froncement de sourcils, dans ses lèvres qui tremblaient imperceptiblement. Et c'était tellement évident.

Comment avait-il pu le louper ? Eh bien parce qu'il n'avait même pas cherché à le regarder. L'amour de sa vie, l'amour de ses six mille ans. Et il avait oublié de le regardé.

Il l'aurait vu. Tout de suite. Il aurait vu les fantômes qui dansaient un peu trop dans ses yeux perçants, laissant derrière eux un voile opaque d'amertume. Il sait qu'il aurait vu l'assurance qu'il lui connaissait pourtant tant, crouler sous le poids des quelques regrets bien trop nombreux de celui qui avait toujours essayé de faire le bien, sans avoir la moindre idée de ce que le bien pouvait être. Il était persuadé qu'il aurait vu le retour de l'ange déchu, la disparition du démon.

Crowley n'était plus la confiance, l'assurance, le sarcasme. Il était la douleur, l'incompréhension et le regret. Il était le jeune ange qui avait fait une bêtise, qui avait posé les mauvaises questions, qui s'était brûlé les ailes. Le petit gamin qui s'était fait jeter du paradis sans explications, pour trouver l'enfer vide qui ne serait jamais sa maison.

Ce gamin terrorisait Aziraphale.

Ce dernier fut tiré de ses pensées par une voix tremblante que Crowley aurait tant voulue pleine d'assurance :

"Aziraphale..."

L'interpellé l'interrompit. Ces mots il devait les dire. Crowley devait les entendre.

"Crowley je souhaiterais passer le reste de l'éternité avec toi, et ce même si on en vient à s'ennuyer, et ce même si cette Terre vient à disparaître et dans ce cas on pourrait enfin faire un tour sur Alpha du Centaure. On pourrait même le faire demain, ce tour, même si la Terre ne disparaît pas. Mais je m'égare. Ce que je voulais vraiment te dire, c'est que tu es vraiment important pour moi et je suis désolé... et... et à vrai dire euh... je... sa gorge était sèche et les mots important ne sortaient pas. Tu sais bien, on a été ensemble si longtemps, j'ai perdu le compte, j'ai pris l'habitude, moi, de t'avoir tout près et je... eh bien..."

Il eut envie de se taper la tête contre un des piliers, c'était incompréhensible.

"Je t'aime, Crowley."

Alors il sortit ça d'un coup. En espérant, en espérant tant, en espérant de tout son cœur que ça serait assez.

Il lui jetait un regard plein de détresse, tout en continuant à jouer avec ses doigts maladroitement. Et par un miracle dont, pour une fois, aucun des deux n'était à l'origine, Crowley comprit. Il comprit que c'était tout, mais que c'était aussi tellement plus. Et d'un coup c'était réel, trop réel. Parce que cette scène il l'avait imaginée pendant des millénaires et qu'il n'avais jamais osé espérer qu'elle se réaliserait.

"Non, tu... tu ne peux pas..."

Répondit-il alors, parce qu'il avait si peur de se tromper, vous comprenez, il avait tant peur de se réveiller.

"Et pourtant Crowley, si tu savais..."

Avait-il eu pitié ?

"Aziraphale, je me souviens très clairement t'entendre dire exactement le contraire à cet endroit même.

- Mais tu sais bien... tu es tellement... tu es tellement toi parfois ! Ne me regarde pas comme ça, enfin. Il n'y a que toi pour dire des choses pareilles.

- Quelles choses ?

- "On est dans notre propre camp", tu sais. J'ai bien cru me désincarner lorsque tu as prononcé ces mots."

Crowley avait ce regard. Le même que lorsqu'il avait avoué à Aziraphale qu'il avait perdu son meilleur ami. Aziraphale se souvenait pourtant s'être promis de ne jamais lui-même faire se plisser si douloureusement ces sourcils. Avait-il fait une erreur.

"Ces derniers temps, c'est devenu un peu secondaire, on était tellement proche, c'est tout ce dont j'avais besoin au final. Mais je voulais au moins que tu saches que... eh bien, tu fais partie de moi, Crowley. En tant qu'ange, j'ose à peine me l'avouer, mais crois moi j'en suis fier. Je suis fier de toi Crowley, parce qu'à ta place je n'aurais jamais pu devenir... tout ce que tu es... Je ne sais pas si c'est très clair. Je t'admire tant, tu sais."

Mais Crowley avait arrêté d'écouter après le "je suis fier de toi". Parce qu'il avait trouvé. Il avait trouvé comment faire le bien. Il suffisait de faire ce qu'il fallait pour rendre Aziraphale fier. Et enfin il avait un but, et enfin il se sentait accepté. Parce qu'il savait aussi que même s'il échouait à le rendre fier, au moins son ange l'aimerait encore. Quelque part, il le savait pertinemment.

Pourtant il avait peur, même s'il mourrait d'envie de l'enlacer. Alors Aziraphale le fit pour lui, sans vraiment lui laisser le choix. Il ne pouvait simplement plus supporter la vue de ce regard si triste, si pesant. Alors il s'accrocha au cou de Crowley comme une bouée de secours et tenta de retenir ses larmes.

En vain bien-sûr, puisque toutes ses barrières cédèrent lorsque son démon glissa ses bras autour de sa taille pour les rapprocher, un peu plus encore.

"Et de tout mon être je t'aime aussi, mon ange."

Angel (ineffable husbands)Where stories live. Discover now