Chapitre 4

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Vendredi 1er novembre 2013

          Le mois d'octobre avait été très pluvieux, ce qui aurait dû me rendre maussade comme à chaque fois que je manquais aussi longtemps de soleil. Pourtant jamais encore, je n'avais eu l'impression de voir le temps défiler si vite, et cela même pendant les deux semaines de vacances scolaires que je venais de passer à gérer l'énergie débordante de mes deux petits filous. Ceci s'expliquait certainement par le fait que je n'avais de cesse de penser à cet esprit, qui d'ailleurs n'en était plus vraiment un, puisqu'il m'était physiquement apparu. En effet, l'impression d'être observée, la sensation d'être touchée, tous ses phénomènes dont je n'avais pu identifier la cause et qui par conséquent m'avaient effrayée, s'expliquaient maintenant par la présence d'un être vraisemblablement fait, de chair et de sang. Certes, le fait qu'il possède des aptitudes hors du commun lui permettant d'apparaître et de disparaître au gré de ses envies n'avait rien de rassurant, mais la tendresse avec laquelle il m'avait embrassée, me poussait à lui faire confiance. Je devinais par conséquent que même si son visage semblait presque irréel tant il était parfait, il me serait très difficile à l'avenir de l'ôter de mes pensées.

          Bien que les interrogations se multipliaient de plus en plus dans mon esprit, je renonçai à consulter de nouveau Internet, consciente que je ne pouvais me fier à cette source d'informations pour m'apporter des réponses fiables. Il me semblait en effet qu'il n'y avait qu'en attendant le retour de la nuit que je pouvais espérer en apprendre plus sur l'identité et les intentions de cet être aux caractéristiques incroyables. Mais le soleil n'étant pas prêt de décliner, il était hors de question que je laisse des raisonnements hasardeux se ressentir sur la manière dont je me comportais avec mon entourage ou sur ma façon de gérer les problèmes du quotidien. C'est pourquoi, je tâchais de me concentrer uniquement sur ce que je faisais. Seulement au moment où j'embrassai mes enfants pour leur souhaiter une bonne nuit, l'imminence du moment où cet être extraordinaire allait se glisser dans mon lit, ne me permit plus de faire abstraction de toutes les questions que je me posais à son sujet. La première étant de savoir s'il allait revenir me voir. En effet, rien ne me garantissait qu'il avait le pouvoir de me rejoindre chaque nuit, ni même qu'il en avait envie d'ailleurs. Après tout, je n'avais rien de spécial pour qu'il décide de passer autant de temps auprès de moi. Si au moins j'avais reconnu l'esprit de l'un de mes ancêtres, j'aurais pu comprendre qu'il recherche ma compagnie. Mais maintenant que j'avais vu son visage, maintenant que j'étais certaine de n'avoir aucun lien avec lui, comment pouvais-je expliquer l'intérêt qu'il me portait?

C'est un peu anxieuse que je retrouvai ma chambre. D'une part, parce que je doutais de pouvoir bénéficier plus longtemps de l'attention d'un être aussi merveilleux, et d'autre part, parce que je savais que si ce dernier décidait de passer la nuit avec moi, rien ne pourrait venir nous déranger. En effet, le père de mes enfants avait une nouvelle fois rejoint des amis pour une partie de poker. Le connaissant, il allait très certainement passer la nuit entière à s'adonner à cette passion pour laquelle il ne connaissait aucune limite. Non pas que je souhaitais sa présence pour faire fuir mon visiteur nocturne dans le cas où les événements me dépasseraient, mais parce que je n'osais imaginer la tournure qu'aurait pris le baiser de la veille, s'il n'avait dû être brutalement interrompu. Consciente par conséquent qu'il n'y avait cette fois-ci aucune contrainte, nous empêchant à cet être et à moi de nous lier davantage, j'étais nerveuse comme une adolescente se préparant à vivre son premier rendez-vous amoureux. Cependant rien n'aurait pu m'empêcher de retrouver mon lit, dans lequel je me glissai en toute hâte, avant d'éteindre la lumière. J'eus d'ailleurs à peine le temps d'accoutumer ma vue à l'obscurité de la pièce, que je sentis un corps se plaquer contre mon dos. Toujours surprise d'être incapable d'anticiper son arrivée, mon cœur se mit à faire des bonds dans ma poitrine. Ce qu'apparemment il sentit, car il s'empressa de passer sa main dans mes cheveux défaits comme pour m'apaiser. Mon rythme cardiaque parvenant ainsi à se réguler, je commençai à me demander s'il s'était matérialisé ou bien s'il avait conservé sa forme de pur esprit. Bien que la main que je sentais posée sur ma tête, semblait beaucoup plus réelle que lors des contacts précédents l'instant où il m'était apparu, je n'osais bouger pour vérifier. Soudain, alors qu'il venait de prendre l'initiative d'abandonner ma chevelure pour venir caresser ma joue, mon cœur s'emballa de plus belle. Non pas parce que je trouvais ce geste trop audacieux, mais parce que j'aperçus du coin de l'œil, qu'il y avait bien une main posée sur la peau fébrile de mon visage. Malgré l'obscurité ambiante, je pouvais voir la blancheur incomparable de ses doigts, qui se promenaient délicatement sur ma pommette devenue brûlante à son contact. J'étais si troublée que je ressentis subitement l'envie de me cacher sous la couverture. Néanmoins, je doutais que ça nous fasse avancer, c'est pourquoi je puisai en moi le courage nécessaire pour tenir un rôle un peu plus actif dans cette relation. J'entrepris alors de me retourner lentement. Seulement, au lieu de lui faire face, je me contentai de m'installer sur le dos. Il m'intimidait beaucoup trop pour que j'ose encore plonger mon regard directement dans le sien. Je restais par conséquent à fixer le plafond espérant qu'à défaut d'un contact visuel, il aurait envie d'établir un contact verbal, en admettant bien sûr qu'un être tel que lui, puisse user d'un mode de communication similaire au mien. Pendant ce temps, les questions se bousculaient dans ma tête. Surtout celles qu'il avait éludées la veille grâce à un baiser. Bien que j'appréciais la délicatesse avec laquelle il me traitait, j'avais besoin de savoir pourquoi il avait autant d'attention à mon égard. Mais surtout, il fallait que j'aie la confirmation que je n'avais pas affaire à un incube. La description que j'avais pu lire de ces créatures sur Internet, me donnait de bonnes raisons de croire qu'il fallait que je me méfie d'elles. J'espérais par conséquent qu'il ne fasse pas partie de cette catégorie de démons, sans quoi je n'avais d'autre choix que de le repousser. Mais alors que mon cœur se remettait à s'emballer face à l'état d'incertitude dans lequel il me laissait, il posa de nouveau sa main sur ma joue. Seulement cette fois-ci, ce geste n'avait pas pour but de me caresser, mais de m'encourager à tourner mon visage de son côté. Je ne résistai pas, sachant pertinemment que je ne pouvais éviter plus longtemps cette confrontation. Ses yeux avaient la même lueur que la première fois où ils m'avaient littéralement hypnotisée. J'avais l'impression de me noyer dans l'encre noire de ses prunelles, c'est pourquoi très vite je décidai de rompre moi-même le silence, de peur que ce face à face finisse par me faire perdre définitivement tous mes moyens.

Mon Incube - TOME 1 - Rendez-vous nocturnesWhere stories live. Discover now