Chapitre 220 : Visions

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 Pendant plus de quatre heures, Alan était resté en transe à jouer de son instrument lié dans l'espoir de retrouver Syara et Elyazra. À bout de force et totalement épuisé, il s'était ensuite presque affalé sur la table et peinait à retrouver son souffle. Visiblement, le commanditaire de l'enlèvement s'y connaissait en magie d'obstruction, ce qui lui avait bien compliqué la tâche. Malgré tout, sa persévérance avait porté ses fruits et l'ancien mage batteur avait réussi à les localiser.

Les deux compagnons de Guard, phi et Rael avait bien été enlevées. Avec beaucoup de difficulté, le grand-père s'était levé de sa chaise et s'était rendu jusqu'à une étagère pour en sortir un épais livre qu'il s'était mis à feuilleter. Lorsqu'il trouva enfin ce qu'il cherchait, il montra la page à ceux qui lui avaient demandé son aide.

Sur celle-ci, la carte d'un pays était représentée. À l'ouest des cotes, Alan pointa une petite île sur laquelle elles se trouvaient. Le grand-père indiqua y avoir vu une ville et un grand palais dans lequel elles étaient censées se trouver. Mais ses pouvoirs avaient leurs limites. Il lui avait été impossible de voir le visage de la personne qui était derrière tout ça.

Cependant, connaître l'endroit où elles étaient détenues était déjà un très bon début pour ceux qui avaient demandé son aide. Après s'être assuré qu'il se remettrait de cette séance épuisante, le groupe remercia Alan et se rendit directement à la place de téléportation. Leur opération de secours pouvait commencer.

Du moins, c'est ce qu'ils pensaient. Arrivés devant le guichet pour prendre un portail, ils apprirent qu'il n'y avait aucun moyen d'accéder à l'île par cette voie, que ce soit ici où depuis une autre ville. Ils prirent donc une amulette chacun pour se rendre jusqu'à la ville portuaire la plus proche et passèrent la journée entière au port, à chercher un bateau qui voudrait bien les emmener.

Encore une fois, la malchance frappa. Une autorisation était nécessaire pour s'amarrer au port de l'île qu'ils voulaient rejoindre et visiblement, personne ne l'avait. De plus, la seule navette qui faisait le lien entre les deux villes était déjà partie et ne faisait le voyage que tous les dix jours.

Un instant, l'idée de s'y rendre par les airs leur traversa l'esprit. Voler était aussi naturel que marcher pour Phi et Rael était tout aussi à l'aise vu l'élément qu'il contrôlait. Le problème qui se posait était cependant double. Il fallait que Guard arrive à maîtriser cet enchantement, sachant qu'il avait déjà eu de mal avec celui qui permettait de simplement sauter plus haut, et que l'elfe noir réussisse à maintenir un tel sort sur deux personnes pendant un trajet aussi long.

Ce fut donc avec une attente intenable qu'ils durent retourner à Léfarène et patienter. À chaque jour qui passait, Phi s'inquiétait encore plus pour ses amies. Guard pensait exactement la même chose, mais ne laissait rien transparaître pour préserver et rassurer la jeune fée.

Lorsque le jour du départ arriva, le satyre poussa un soupire de soulagement. Si Phi avait dû attendre ne serait-ce qu'une journée de plus, il n'aurait rien pu faire pour elle. Animée par une motivation qui puisait sa source dans son inquiétude, la jeune fée ne tenait plus en place et fit tout le trajet de leur appartement jusqu'à la place des téléportations en courant.

Rael et Guard avaient beau lui dire et lui répéter que cela ne servait à rien et qu'ils devraient de toute façon attendre la navette, Phi n'écoutait pas. Elle n'arrivait pas à marcher comme si de rien était.

Finalement, c'est avec une heure d'avance qu'ils se présentèrent sur le quai d'embarquement. Encore une fois, la jeune fée montrait son impatience en faisant les cent pas devant le banc où le satyre et l'elfe noir étaient assis.

Ce manège dura jusqu'à ce qu'elle donne le tournis à Guard qui finit par s'énerver et lui ordonner de s'asseoir. Malgré ses protestations, le satyre ne voulut rien entendre et agit comme un parent autoritaire. Phi cessa donc de tourner ainsi en rond et s'assit. Cependant, elle se mit à torturer ses mains et ne cessa de faire cela que lorsque la navette accosta.

Pendant le trajet, la jeune fée sembla reprendre son calme. Bercée par les vagues elle finit même par s'endormir, chose qu'elle n'avait pas beaucoup fait ces dix derniers jours. Cependant, ce fut à Guard de devenir agité. Plus il s'approchait de leur destination et plus un puissant mal de tête se faisait sentir.

La douleur atteignit son paroxysme lorsque l'île apparut à l'horizon. La tête prise dans ses mains et les yeux fermés, le satyre tenta de contenir et calmer cette douleur, mais celle-ci persista, accompagné par d'étranges visions.

Une île aux apparences normales, mais dirigée d'une main de fer par une femme. Un fanatisme de tous les habitants qui ne se voit pas de l'extérieur, mais qui est profondément ancré en eux. Un satyre, haut-gradé et fier de faire partie des proches de la dirigeante. Une corne coupée, honte de sa vie, signe de l'échec d'une mission primordiale. Un beast, celui qu'il considérait comme son plus grand ami.

Une fuite à bord d'une simple barque, avec cet homme et une jeune fille pourvue d'oreilles et d'une queue de loup. Des négociations avec un mage puissant. L'abandon de la petite, puis, de nouveau la fuite. Un terrain accidenté et du sang. Celui de ceux qui les poursuivait, mais aussi de l'homme-bête, mortellement blessé.

Une chute, fatale selon beaucoup de personnes, mais un atterrissage miraculeux en bas de la falaise. Une dernière phrase, un souvenir de son ami défunt, une promesse qui lui passe par la tête avant de sombrer dans l'inconscience.

« Protège ma fille. Protège ma Syara ».

Soudain, les mots de têtes et les visions disparaissent. Tout lui apparaît plus clair qu'avant. À l'avant du bateau, Guard s'accroche à la balustrade et fixe l'île en face de lui avec une détermination décuplée. À présent, il doit non seulement sauver ses amies, mais aussi tenir la promesse qu'il a faite au père de l'une d'elle.

Le violon de cristal : les partitions perdues (suite)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant