Chapitre 201 : Une visite inattendue

1.1K 178 9
                                    

 Après avoir sauvé l'elfe des Sorvaces, Shavi avait hésité entre continuer à la surveiller pour être sûr que rien ne lui arrive ou bien aller se cacher dans sa grotte pour qu'elle ne le voie pas. Malgré sa forte envie de retourner chez lui, il décida de rester et de veiller sur elle.

Mais les choses étaient différentes à présent. Elle qui ne le connaissait pas ne cessait de scruter les environs pour espérer l'apercevoir, si bien qu'elle loupait certaines plantes sur son passage qu'elle prenait habituellement.

Plusieurs fois cette journée, son regard s'était perdu sur le flan de la montagne et aurait pu rencontrer le dragon si celui-ci ne s'était pas écarté du bord pour ne pas être vu. Pourquoi réagissait-il ainsi ? Ça n'était pourtant pas la première elfe noire qu'il voyait. Il en avait côtoyé des millions pendant sa vie et n'avait pas toujours vécu en ermite dans une caverne. Était-ce la peur qu'elle remarque que le dragon n'était pas la bête monstrueuse que les Sendriens dépeignaient. Ça devait être ça, tenta-t-il de se convaincre. Il n'avait tout simplement pas envie que son petit havre de paix soit envahi par toute sorte de gens. L'accès à cette forêt devait rester un privilège ; ! Et lui seul avait le pouvoir de l'accorder

Voyant que l'elfe cueilleuse ressortait de la forêt avec son panier rempli de plantes, Shavi sut qu'elle était à présent hors de danger et arrêta de la surveiller pour retourner dans sa grotte, déjà sombre à cette heure-ci. Cela ne lui posait pas de problème. Après tout, il y voyait aussi clair de jour comme de nuit.

Il ne suivait les cycles de sommeil des autres races que parce qu'il y avait fini par s'y habituer. Ainsi, alors que la nuit tombait peu à peu et assombrissait les nuages recouvrant le ciel, Shavi partit se coucher, sans avoir mangé ne serait-ce qu'une baie.

Au matin, tandis que le jour était déjà levé depuis plusieurs heures, le dragon avait cassé sa routine et était resté dans sa grotte, allongé sur la paille qui lui servait de lit. Les bras croisés derrière sa tête, il observait des gouttes perler sur une stalactite, tomber et s'écraser sur le sol froid de la caverne.

Sa rencontre forcée avec l'elfe l'avait fait réfléchir et, là encore, il ne cessait de se poser des questions et de douter sur ce qui allait se passer. Elle n'était peut-être pas comme il le croyait. Peut-être était-elle déjà en route vers Sendra pour raconter que le dragon n'était qu'un humain. Après tout, elle ne l'avait pas vu sous sa véritable forme. Ne pas la sauver était-il une bonne idée ?

Alors qu'il se torturait l'esprit, un bruit venant de l'entrée de la grotte le fit sortir de ses pensées. Qu'est-ce que cela pouvait être ? L'endroit était difficile d'accès pour les humains et les autres races, les animaux savaient très bien qu'il ne fallait pas passer par là sous peine de finir en repas pour le dragon et les harpies étaient toute aussi consciente du danger qu'elles encouraient en volant de ce côté de la montagne.

Bien plus intrigué qu'inquiet, d'un autre côté, il était difficile pour un dragon de trouver quelque chose capable de l'inquiéter, Shavi s'assit sur la paille et attendit de voir ce qui allait rentrer dans son sanctuaire.

Une silhouette humanoïde et fine, une robe grise parsemée de pièces de cuir marron, un regard enfantin aux iris violets... C'était elle ! Dans son panier, l'elfe avait remplacé ses plantes par des fruits que l'on pouvait trouver dans le petit bois par lequel elle était venue le jour d'avant.

— Que faites-vous là ? demanda sèchement Shavi.

Surprise, l'elfe sursauta et finit par remarquer la présence du dragon. Du moins, elle pouvait distinguer ses deux yeux jaunes qui luisaient à travers l'obscurité de la grotte.

— Je voulais vous remercier de m'avoir sauvée hier, répondit-elle. Je vous ai cueilli ceci.

Sans rien dire, le dragon hocha lentement la tête. Tout était embrouillé dans son esprit, si bien qu'il ne savait pas comment réagir. L'elfe, elle, s'approchait lentement de lui et plissait régulièrement les yeux dans l'espoir de distinguer autre chose que ses yeux.

— Vous vivez seul ici ? Demanda-t-elle.

— Je n'aime pas la compagnie des autres, répondit-il.

Si d'extérieur, il semblait aussi fermé qu'une porte de prison, à l'intérieur, Shavi ne cessait de s'insulter. Pourquoi réagissait-il de manière aussi agressive ? Il fallait qu'il fasse quelque chose, sinon...

— Oh, se désola-t-elle en baissant la tête, ses oreilles tombant en même temps. Dans ce cas, je ne vous dérange pas plus longtemps.

Arrêtant sa progression dans la direction du dragon, l'elfe déposa son panier à ses pieds et repartit dans l'autre sens. Mais qu'est-ce qu'il avait fait ? Mais qu'est-ce qu'il avait fait ? Mais qu'est-ce qu'il... Retiens-là abruti ! Entendit-il dans son esprit.

— Attendez ! s'exclama-t-il finalement à haute voix alors que l'elfe se trouvait presque sur la corniche.

Intriguée, la cueilleuse se tourna de nouveau vers lui et attendit qu'il dise ce qu'il avait à dire.

— Je... Avec Vous... C'est différent, avoua-t-il. Je vous en prie, restez.

Tandis qu'elle revenait à l'intérieur de la grotte à petit pas, lui se leva de son lit et sortit peu à peu de la pénombre. Tout deux se rejoignirent juste au niveau du panier et se dévisagèrent l'un l'autre. Enfin, il pouvait la voir aussi près sans avoir peur d'être repéré. Enfin il pouvait la détailler comme il avait tant rêvé le faire depuis qu'elle était venue la première fois dans sa forêt.

Vu leur proximité, il n'avait même pas à tendre le bras pour pouvoir la toucher et lui caresser la joue. Pourtant, il n'osait pas. Lui l'avait vu de nombreuses fois, mais tout deux restaient encore des inconnus pour l'autre. Malgré tout, l'elfe semblait avoir exactement le même regard que lui avait pour elle.

— Vous n'avez pas peur du dragon qui vit dans ces montagnes ? finit-elle par demander.

— Et vous ? Personne n'ose franchir la plaine avant la forêt, mais vous n'hésitez pas à vous y rendre tout les deux mois.

Imbécile ! Se dit-il immédiatement. Il venait de révéler qu'il l'observait depuis tout ce temps. Pour quoi allait-il passer ? Un pervers ? Un psychopathe ? Au vu du rire que cela provoqua chez elle, aucun des deux.

— Et si nous parlions de nos techniques respectives pour ne pas se faire dévorer par ce dragon autour d'un petit déjeuner ? proposa-t-elle en reprenant le panier.

— Bonne idée, sourit-il. Je n'ai rien avalé depuis avant-hier et je suis affamé.

La glace brisée par un simple rire cristallin, l'elfe et le dragon dissimulé en humain sortirent de la grotte et s'installèrent sur la corniche pour manger ensemble ce qu'elle avait apporté dans son panier.

Le violon de cristal : les partitions perdues (suite)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant