Chapitre 198 : débarquement sur l'île d'Horn

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 Ayant embarqué en fin de matinée, l'embarcation au premier abord peu fiable atteignit tout de même sans encombre l'île d'Horn en fin d'après-midi. Celle-ci était constituée d'une petite montagne où devait se trouver la mine dont avait parlé Elyazra et d'un plateau au bord de l'eau sur lequel se trouvait un village.

Tandis que le bateau s'approchait du port de l'île, le groupe eut un léger aperçu de ce qu'était ce village. Le sol était entièrement recouvert d'une brume épaisse qui arrivait jusqu'à la moitié des mollets et empêchait de voir où l'on mettait les pieds. Les maisons, hautes d'un étage maximum, étaient en grande partie en bois et étaient recouvertes d'une mousse verte sombre.

Les lampadaires qu'ils pouvaient voir n'arrivaient pas à bien éclairer les rues, sans doute à cause de la saleté qui s'était accumulé sur leurs vitres, ce qui ajoutait au lugubre de ce village. En somme, l'embarcation sur laquelle ils se trouvaient se mariait parfaitement avec cet endroit d'apparence inhospitalière.

Actionnant une autre manette près de la barre, le capitaine jeta l'ancre et manœuvra pour l'aligner avec le ponton. Il prit ensuite la planche qui servait à débarquer et la plaça de façon à pouvoir rejoindre la terre ferme.

— Et voila, comme promis, vous n'êtes pas mort ! Dernier petit conseil gratuit avant que vous ne descendiez, laissez ici toutes vos petites babioles magiques si jamais vous en avez. Ils ne rigolent pas avec ça ici.

— Vous allez attendre notre retour ?

— Et puis quoi encore ? s'esclaffa-t-il. J'ai pas que ça à foutre de servir de navette de tourisme ! Je décharge ce que j'ai là et je repars. Je vous prendrai la prochaine fois que je viendrais ici. Vous en faites pas, je fais l'aller-retour deux fois par semaine alors l'attente ne devrait pas être trop longue.

— Merci de nous avoir emmenés, dit Shay en le suivant sur la planche.

— A la revoyure ! Tâchez de ne pas vous faire trucider. Ils ne rigolent vraiment pas avec la magie ici.

Ce dernier conseil donné, le capitaine les quitta et repartit s'occuper de son déchargement. Derrière Shay, le groupe remonta le ponton et s'apprêtait à emprunter la première rue en face d'eux. Cependant, ils ne s'y étaient pas encore engouffré qu'une personne vint vers eux en les incitant à s'arrêter là où ils étaient.

L'homme, dans sa longue toge blanche quelque peu délavée n'inspirait aucune confiance à Syara. Son visage lui inspirait deux choses. La perversité et le sadisme. Ce devait être l'un des fameux inquisiteurs de l'île.

— Vous n'êtes pas d'ici vous ! dit-il comme si ce fait était déjà un crime en soi.

— En effet, répondit Shay. Nous sommes les représentants d'une nouvelle guilde de marchands dont la spécialité est l'absence de magie dans la production de ce que nous vendons. Nous sommes venu pour voir s'il était possible de passer un accord avec l'île d'Horn.

— J'en ai rien à faire de la raison de votre venue. Mon rôle ici, c'est d'éviter qu'un mage ou qu'un objet magique se retrouve en ville, alors vous allez vous soumettre à une petite inspection ici et maintenant.

— Bien évidemment, répondit calmement le dragon.

Si Shay paraissait serein, Syara venait de se souvenir d'une chose qui la mettait quelque peu mal à l'aise. Leurs pouvoirs étaient cachés par la potion qu'ils avaient bu, mais pas leurs effets personnels. Or, presque tout le monde portait à sa ceinture au moins une sacoche enchantée qui permettait de transporter l'équivalent d'un sac de voyage entier dans une bourse qui tenait dans la main.

Essayant de ne rien laisser paraître, la beast imita ses amis et s'aligna avec eux devant l'inquisiteur. Ce dernier passa devant eux en s'arrêtant devant chaque personne, l'observant de la tête aux pieds avant de passer à la suivante. Lorsqu'il dépassa Telak, la violoniste souffla intérieurement. Il était celui qui portait le plus de sacoches de ce type. Si lui n'avait pas été démasqué, il n'y avait aucune raison que les autres le soient. Cet inquisiteur n'était rien d'autre qu'un charlatan.

Arrivé au niveau de Syara, l'homme resta un long moment à l'observer. Si la situation avait été différente, la personne qui aurait fait ça se serait déjà pris une gifle assez puissante pour que sa tête fasse un tour complet. C'était d'ailleurs ce qui allait lui arriver lorsqu'il décida de passer à la dernière personne du groupe.

À peine était-il arrivé devant Phi que Syara vit passer sur son visage une expression perverse qui ne resta qu'une fraction de seconde.

— Toi ! annonça-t-il d'un ton agressif en prenant la jeune fée par le poignet.

Avant qu'il n'ait le temps de rajouter quoi que ce soit ou de faire un autre geste, Syara dégaina la rapière qu'Elyazra portait à sa hanche, à côté d'elle, et la pointa sur la gorge de l'inquisiteur.

— Lâchez-là, ordonna-t-elle d'un ton glacial avec un regard noir.

— C'est une mage, elle doit être brûlée ! Dit-il pour toute défense, une lueur démente passant dans son regard.

— Il n'existe aucun mage de moins de dix-huit ans sur le continent, alors elle est bien trop jeune pour en être une. Vous vous êtes trompé, alors lâchez-là.

Visiblement, la présence de la lame sur sa gorge ne semblait pas le faire changer d'avis. Il tenait toujours fermement Phi par le poignet. Inquiète, la jeune fée tentait tant bien que mal de se libérer de l'emprise de ce dément, mais sa poigne était trop forte. Pour couronner le tout, cette altercation avait commencé à ramener du monde, dont des gardes du village et d'autres personnes en toge.

La potion de Shay leur permettait de passer inaperçu, mais n'annulait pas leur pouvoir. Si besoin, ils pourraient se battre à leur plein potentiel, mais devraient dire au revoir à la manière douce et furtive.

— Vous allez relâcher cette enfant tout de suite, annonça Elyazra en s'approchant de l'inquisiteur.

— Je n'ai pas d'ordre à recevoir d'étrangers !

Plus il criait et plus il y avait du monde qui s'amassait autour d'eux. La situation allait vite devenir totalement hors de contrôle. Guard avait une main sur le pommeau de son épée et tous les autres étaient prêts à user de leur magie. Seul Shay restait calme et Elyazra imperturbable. De sa poche, la demi-dragonne sortit une pièce qu'elle présenta à l'homme.

— Vous allez la relâcher, tout de suite, répéta-t-elle.

— Vous croyez pouvoir m'acheter ?

— Cette pièce n'est pas pour vous, je veux juste que vous regardiez ce qu'elle représente.

D'un rapide coup d'œil, l'inquisiteur regarda ce qu'Elyazra tenait dans ses mains. D'abord étonné, il retourna dessus une seconde fois et resta stupéfait, allant même jusqu'à lâcher le bras de Phi.

— V... Veuillez m'excuser. Je... Je ne savais pas...

— Maintenant barrez-vous avant que je ne vous conduise au bûcher que vous vouliez préparer pour mon amie.

Sans demander son reste, l'homme avide de crémation s'enfuit en courant, manquant de tomber plusieurs fois à cause de sa toge. Cela n'avait pas fait diminuer la foule qui s'était massée autour d'eux, mais au moins, le voir s'enfuir au lieu d'appeler à l'aide ne les avait pas incité à les attaquer.

— Qu'est-ce que tu lui as montré ?

— Simplement un sceau qui indique que j'ai les pleins pouvoirs ici, répondit-elle. Si Phi est une princesse dans son royaume, moi, on peut dire que je suis la princesse de ce bout de caillou pourri. Maintenant, passons aux choses sérieuses. Il est temps d'aller rencontrer... Mon père.

Le violon de cristal : les partitions perdues (suite)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant