Moment zéro.

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J'en ai besoin.

Un nouvel univers, d'autres personnes, d'autres idées, un autre monde.

Je le sens.

Ce changement colossal où la seule constante est moi... Je me sens me transformer. Ni vers le meilleur, ni pour le pire. Juste dans le sens où je ne me reconnais plus. Je deviens plus exigeante, et mon sens de la critique augmente sans pitié envers ceux qui entravent la loi. Celle de l'amour, celles de la science, celles des relations humaines aussi... Et je m'éloigne dangereusement du chemin. Plus rien ne m'intéresse et je regarde le bas monde de haut... Je me perds complètement dans ma solitude au point d'oublier comment faire pour revenir en arrière. À force de passer d'un monde à l'autre j'ai brisé ma machine à remonter le temps et me suis retrouvée prisonnière de mes propres pensées.

Au milieu de mes doutes, je regarde les gens autours de moi agir en zombies et me moque d'eux, avant de pleurer mon propre sort. Cette conscience que j'ai de ce qui m'entoure m'étouffe, je ne trouve pas moyen de la redirriger ou l'extérioriser, donc elle frappe et résonne dans les recoins creux de mon moi intérieur et elle me ronge. Comme le dit un jour J-P Sartre: "Le passé est ce qui est ce qui est hors d'atteinte et qui nous hante à distance". Je regrette tout ce que je pense, et je me méprise de le regretter.

 J'ai, comme tout le monde, besoin d'avoir une personne pour être mon guide spirituel. Mon compagnon. Ma sagesse quand je la perd, mon coeur quand il ne bat plus, ma conscience quand je dors... Et mes yeux quand je suis aveugle. J'ai besoin d'au moins un repère pour faire de lui la vérité absolue sur laquelle je baserai toutes les autres, le zéro sur la ligne que je trace en guise de nouveau départ. 

Une fois mon repère avec moi, je pourrai avancer. Savoir où j'en suis et par rapport à quoi. Mais si je dois me lever tous les jours en sachant que je suis la seule à penser à moi ce matin, si je dois me regarder dans le miroir et ne voir que la coquille vide que mon âme animait autrefois, si je dois me regarder m'effacer de la vie de tous ceux auxquels je tiens un par un... Et écouter leurs excuses les unes après les autres... Je ne serai plus que l'ombre de moi même, que le fantôme  d'un humain entre parenthèses, et je ne verrai plus, ne mangerai plus, et ne ressentirai plus rien. Parce que je ne penserai plus, et n'existerai plus qu'en théorie...

Mais qui me dit que j'existe, là maintenant, pendant le laps de temps que je prétend être mon moment zéro?

Insomnies.Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz