On se déchire.

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Qu'est ce qui fait que nous tissons des liens ? Nous enchaînons les sourires, nous marchons côte à côte, nous nous racontons des choses intimes, des choses de tous les jours... Nous partageons nos joies, nos peines, nous nous consolons l'un l'autre, nous nous aidons, puis l'autre devient indispensable. Un manque s'installe, on a de plus en plus besoin de sa présence. On n'accepte pas le fait qu'il passe son temps avec quelqu'un d'autre, qu'il sourit à quelqu'un d'autre. Puis les années passent, les larmes tombent et sèchent, on se querelle et on se réconcilie, on fait des concessions, on se connaît si bien. Les querelles, les disputes, les réconciliations, la nuit: Insomnie.   On se dit que nous ne nous laisseront jamais tomber l'un l'autre, et on le pense vraiment. On sent les larmes nous monter aux yeux par le simple fait de penser qu'un jour, on se séparera. On essaie de ne pas y penser, on se prend dans les bras, on ne veut plus se lâcher. On se moque de nous, on s'en fout, on combat nos idéaux contre le monde et ses idées absurdes selon nous, et les années passent... Le temps s'écoule, et les souvenirs s'entassent, chaque air nous rappelle une chanson, chaque rue de la ville crie son nom, chaque place chère à notre cœur porte ses empreintes et est imbibée de son parfum, et son nom est tatoué sur notre cœur comme une cicatrice éternelle qui nous rappellera à chaque fois qu'on croira avoir oublié qu'on y pense encore. On commence à parler pareil. A utiliser les mêmes termes, à être la même personne contradictoire et complète.

Au fil du temps, il commence à faire de nouvelles rencontres, à grandir grâce au rapport qu'il continue à avoir avec le monde extérieur, tendis que j'ai passé toutes ces années à regarder le monde à travers ses yeux, à être la même fillette de quatorze ans qui court pendant la récré et qui ne veut jouer qu'avec lui. Puis, jour après jour, il commence à tenir d'autres mains, à serrer d'autres filles, à sourire de ce sourire malicieux qu'on ose en cette fin d'adolescence. Il devient un Homme pendant que je reste la petite fille. Il commence à s'absenter, n'appelle plus pendant l'été, puis ne reste plus beaucoup avec moi, ou est-ce sa présence qui a changé ?

On ne se sent plus, on s'éloigne, irrévocablement, on change, on se parle rarement, on sait qu'on se comprend et que personne d'autre ne nous comprendra comme ça, mais on ressent le besoin de prendre des chemins différents. Les pas s'écartent, on ne marche plus côte à côte. Nos jambes obéissent à nos cerveaux, déterminés, et nos cœurs se dissèquent, on pleure, on crie, on ne veut pas se quitter, mais c'est ainsi que ça doit être. On s'éloigne, l'autre n'est plus qu'un point à l'horizon, on sait que c'est une séparation irrévocable, qu'il n'y a pas de retour en arrière possible, on est engagé dans la voie, pris dans le tourbillon, notre destin scellé à jamais. On se bat, on se protège, on essaie, puis on abandonne, on arrête de crier, on arrête de se débattre, on se lâche à regret, on pleure de moins en moins, on y pense de moins en moins, on guérit lentement, mais on guérit quand même. Nos cœurs cicatrisent, on n'y croyait pas, mais finalement, on se connaît, on s'attache l'un à l'autre, on se comprend, on se désire, on s'aime, l'ennui prend le dessus sur la passion, puis on se lâche, on s'oublie, on ne ressent plus que ce petit pincement quand quelqu'un appuie là où ça fait mal, on se tue, on se trahit, on n'est pas irremplaçable, on s'écarte, on se fait de la peine, on se noie dans nos larmes, et finalement,on se déchire.


K.Benjelloun

00:51 am

Merci d'avoir lu jusqu'au bout. Ne vous privez pas de partagez votre avis dans les commentaires. S'il est négatif mais constructif, je serai plus que ravie de le prendre en compte! 


Insomnies.Where stories live. Discover now