Contes des Mille et Une Nuits [BxB]

Le Prince Ahmed et le Djinn

Source : Histoire du prince Ahmed, et de la fée Pari-Banou

Le matin suivant fut aussi exempt de sang que les précédents, Schahriar ne parvenant plus vraiment à se résoudre à faire exécuter Sheherazade, , pas alors qu'il avaitpromis de lui conter l'histoire du prince Ahmed de Nadir. Comme la veille et l'avant-veille, il songea vaguement qu'il lui serait toujours possible de donner l'ordre de le faire étrangler un autre jour, et il passa la journée à rêver distraitement aux histoire merveilleuses qu'il avait découvertes, dans lesquelles les charmants jeunes princes prenaient étrangement les traits de son époux.

Ce soir-là, Sheherazade l'attendait commechaque jour avec son histoire, et Schahriar sentit la morsure de la culpabilitéà la pensée d'être un jour responsable de la mort d'un homme si sage qui connaissait autant de choses. Résolu, il prit la décision d'entendre tout ce que Sheherazade avait à lui conter, puis de charger les scribes du palais de retranscrire toute ces histoires, afin qu'elles ne se perdent jamais. Malheureusement, cela ne permettrait pas de garder la belle voix du conteur, ni ses tendres sourires, si sa manière de se lover dans son lit lorsque le sommeil le prenait. Maisc'était un problème pour un autre jour.

Inconscient de l'effet qu'il commençait à avoir sur son époux, Sheherazade s'installa confortablement sur leur couche, et commença son nouveau récit.

- J'ai achevé hier l'histoire de Nourahanar et de l'objet le plus rare au monde en vous disant qu'Houssain et Ahmed avaient quitté le palais pour ne pas jalouser l'amour de leur frère et de leur ami d'enfance. Vous savez désormais que le prince Houssain était aimé du roi Mihrage et qu'il l'a finalement épousé, mais qu'est-il advenu du prince Ahmed, celui dont la flèche s'était perdue ? Voici ce que je vais vous conter ce soir. Car, en vérité, le plus jeune des trois princes était persuadé qu'il avait tiré plus loin que ses frères, et il voulait s'en assurer en retrouvant sa flèche. Voilà pourquoi, sitôt qu'il eut fait ses adieux aux autres, il partit seul en quête de la flèche disparue.

Ses pas le menèrent jusqu'au pied des montagnes qui bordaient la ville et, là, il trouva sa flèche fichée dans un rocher. Incrédule, il la ramassa et se retourna pour regarder derrière lui. La distance considérable entre le champ de tir et l'endroit où se trouvait sa flèche rendait difficile à croire l'hypothèse qu'elle soit arrivée là toute seule. Même le meilleur des archers n'aurait pu couvrir la moitié de ce chemin !

- Assurément, quelque chose a emporté ma flèche, soupira-t-il. Enfin, je suppose que c'est pour le mieux, étant donné qu'Ali saura rendre Nourahanar plus heureux que je n'aurais pu le faire...

Épaules voûtées, il commença à se détourner pour prendre la route lorsqu'un éclat de lumière attira son attention quelque part sur le côté. Curieux, il avança dans cette direction, pour découvrir une porte étrange sans poignée ni serrure, et qui n'était définitivement pas là un instant plus tôt. Poussé par un drôle de pressentiment, Ahmed posa la main sur la porte qui s'ouvrit sans un bruit pour dévoiler un escalier taillé dans la roche s'enfonçant dans les profondeurs de la terre.

Sa flèche toujours à la main, le jeune prince commença à descendre prudemment les très nombreuses marches, jusqu'à ne plus avoir de lumière pour se guider. Pourtant il persévéra, et finit par apercevoir une lueur au loin. Lorsqu'enfin il l'atteignit, il découvrit avec surprise un immense palais décoré de marbres et de lapis-lazuli, éclairé par une source de lumière qu'il ne parvenait pas à trouver mais qui ressemblait à s'y méprendre à la lumière du jour.

- Approchez, Prince Ahmed, appela une voix mélodieuse. Ne craignez rien, vous êtes le bienvenu en ces lieux.

Guidé par cette voix, il s'avança jusque dans un jardin merveilleux où coulait un bassin rempli d'eau claire. Au bord de ce bassin se tenait un jeune homme d'une beauté bouleversante, entouré d'une troupe de compagnons de son âge et presque aussi charmants que lui. Immédiatement, Ahmed se prosterna au pied de celui qui avait parlé.