Contes des Mille et Une Nuits [BxB]

Le Deuxième Voyage de Sindbad le Marin

Source : L'oiseau rokh et la Vallée aux diamants

Au matin, Sheherazade s'étonna d'être réveillé par les rayons du soleil. Il se trouvait dans le lit du sultan et la matinée était déjà bien avancée s'il en croyait la lumière qui se glissait au travers des délicats voilages placés autour de la couche. Il se leva d'un bond mais réalisa très vite que Schahriar l'avait quitté plusieurs heures plus tôt afin de vaquer à ses royales occupations et qu'il n'avait pas souhaité le réveiller. Cette gentillesse lui tira un doux sourire et il se retint de fredonner tant son bonheur était grand. Certes, Schahriar ne l'aimerait peut-être jamais autant que lui, mais il commençait à l'appréciersuffisamment pour lui accorder ce genre de petites attentions. C'étaitencourageant.

En vérité, le sultan passa la journée à attendre que vienne enfin l'heure de rejoindre son époux dans leur chambre pour apprendre ce qui était arrivé à Sindbad le Marin et à son bien-aimé Hindbad. Il était même si impatient qu'il se montra bien plus magnanime qu'il ne l'avait été depuis la trahison de son épouse. Les gens s'en étonnèrent, et surtout le vizir qui ne savait pas s'il devait se rassurer quant au sort de son fils. Quelqu'un, plus imprudent que les autres sans doute, osa poser la question.

- Votre Majesté est-elle satisfaite de sa nouvelle épouse ?

Arraché à ses rêveries au sujet d'un certain Sindbad le Marin animé par une voix enchanteresse, Schahriar jeta un regard courroucé à ce curieux, sans remarquer à quel point son vizir était intéressé par la réponse. Un instant, il chercha ses mots, puis il répondit avec un haussement d'épaules indifférent.

- Jusqu'ici, je n'ai pas jugé bon d'ordonner son exécution. Sa compagnie m'est agréable et son esprit n'a d'égal que son humilité. Elle connaît sa place et ne prétends pas l'outrepasser.

L'homme comprit cette fois la remarque et n'insista pas davantage. Le vizir, pour sa part, se sentit soulagé d'un poids et il se prit à espérer que son fils réussisse réellement ce qu'il avait manigancé. Cela apporterait beaucoup de bonheur à leur royaume, car deux souverains qui s'aiment règnent avec justice et attention. Mais pour cela, il fallait déjà que Sheherazade parvienne à guérir le cœur du sultan...

À la nuit tombée, Schahriar regagna son appartement où son conteur l'attendait. Sans manifester lemoindre ennui, Sheherazade se contenta d'interroger son royal époux sur les affaires qui l'avaient occupé durant la journée. Schahriar en fut surpris, car jamais son épouse la sultane infidèle n'avait porté le moindre intérêt à ses tâches royales. Il contenta donc la curiosité de son compagnon, avec l'impression d'être un bien piètre conteur à côté de lui. Mais Sheherazade se montra très intéressé et lui posa plusieurs questions avec une intelligence remarquable dans laquelle Schahriar reconnaissait les manières de réfléchir de son vizir. Il songea alors que Sheherazade était de si bon conseil qu'il pourrait lui demander son avis sur certains problèmes qui le souciaient, et réalisa qu'il ne comptait déjà plus vraiment le faire exécuter. Pas tout de suite, du moins.

Ils gagnèrent leur chambre et leur couche, puis Sheherazade reprit ses récits pour le plus grand bonheur de son époux qui restait pendu à ses lèvres, impatient d'entendre à nouveau sa belle voix donner vie à ces personnages aventureux. Le jeune conteur sourit au sultan, et prit la parole.

- Le lendemain, le Voyageur s'habilla plus proprement encore que les jours précédents, et il s'en alla retrouver le généreux Sindbad qui l'accueillit comme s'il était son ami le plus cher. Les esclaves leur servirent une collation délicieuse, et le maître de maison s'enquit de son invité.

- Souhaites-tu entendre le récit de mon second voyage ? demanda-t-il. Ainsi que je te l'ai promis, te recevras pour ton attention tout l'or que tu pourras tenir entre tes mains.