Ecrire?

602 32 9
                                    

J'ai une plume douloureuse. Une envie d'écrire mais pas une sorte de façon de me confier, ni comme un passe temps, ni pour vider mon sac. Une envie d'écrire comme un organe. Une envie préssente que tout sorte là, maintenant. Un recoin de mon esprit complètement esclave de l'encre, soumis à la dictature du papier. Une envie que mes mots forment des phrases, et mes phrases des textes, et mes textes des livres.

Cette envie d'écrire un peu particulière s'accentue la nuit. Quand je m'assoit face à elle, elle commence son hypnose et me rend complètement sourd, complètement aveugle. Elle m'ordonne d'écrire avec arrogance et j'obéis sans poser de questions. Ô insomnie, tu es aussi inspirante que maléfique, aussi propice à la reflexion que vaniteuse et manipulatrice. Alors je tape. Je tape une lettre puis un mot. Je noircis une page puis deux. Elle absorbe mon énergie et je n'ai aucune excuse. Dusse crucifier mon âme pour achever la dernière lettre, me trancher les veines pour peindre de la couleur de mon sang, ou me couper les cordes vocales pour chanter son hymne que seuls peuvent comprendre les sourds, je dois écrire. Elle ne me libère que quand ça tourne à l'obsession. Je passe au début par la douleur, par le sang, par la peur et par la souffrance pour enfin goûter le goût délicieusement amer de l'écriture, puis elle me rejette. Elle me rejette et me laisse les doigts salis d'encre et de larmes, le coeur noircit, usé jusqu'à la trame, jusqu'à ce que j'ai l'âme en sang. Là, elle arrête tout, et j'ai soudainement une conscience aigue de mes doigts douloureux tâchés d'encre, de ma tête qui me fait mal à en perdre la raison et de mon coeur que je n'entend plus battre au milieu des voix de tous les fantômes qui rôdent autours de moi. Vous vous demandez ce que j'écris pour me mettre dans un état pareil? Nous le connaissons tous, cet instant inévitable de la nuit où nous nous retournons de notre côté du lit pour ruminer notre journée et notre orgeuil. Pour repenser à ce qu'on a dit, à une réponse qu'on aurait pu donner, ou encore à un regret si profondément enfui qu'il ne fait surface que quand l'égo s'endort... S'endort-il jamais vraiment? Tel est le sort de celui qui vent son âme à la poésie, celui qui vend son sommeil pour trouver la paix.

Insomnies.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant