Un Amour Asymétrique

Partie 3

Au bout de quelques secondes de réflexion, la vie de sa fiancée étant en jeu, il descendit dans la rue et héla un fiacre cahotant qui le mena tout droit chez William Harsbourg.

Celui-ci était en train de discuter avec un homme d'une trentaine d'années, lorsque la sonnette retentit. William se leva pour aller ouvrir. Quelle ne fut sa surprise en voyant Eugène devant chez lui ! L'étonnement passé, il lui fit malgré tout signe d'entrer et de s'assoir.

- Avant de m'expliquer ce qui me vaut ta visite, laisse-moi te présenter un ami, déclara William.

- Je me nomme Edgard Allan Poe, dit l'homme, avec un fort accent américain. J'écris des poèmes et des romans.

- Enchanté, et moi c'est Eugène de Fombelle, et je... je suis mathématicien, bredouilla-t-il maladroitement, en se demandant secrètement s'il était possible de vivre d'une telle passion.

- Bon, maintenant que les présentations sont faites, nous pouvons entrer dans le vif du sujet. Je suppose que tu viens pour l'enlèvement d'Hélène ? questionna l'hôte.

- Exactement. Mme de Montrouge souhaiterai que nous enquêtions ensemble sur l'enlèvement de sa fille, répondit Eugène. Tu sais, elle t'estime beaucoup.

- Je pense plutôt qu'après le scandale du concours, elle souhaite redorer son blason en montrant que nous faisons équipe, malgré nos rivalités, répliqua l'intéressé. Mais c'est vrai que mener l'enquête m'amuserait beaucoup...  

- Alors c'est d'accord ? demanda le jeune homme.

- C'est d'accord, acquiesça William, mais je n'ai pas l'intention d'être ton assistant: nous enquêterons ensemble. 

Laissant M. Poe seul, les deux compères hélèrent à nouveau un fiacre pour se rendre chez Hélène de Montrouge. Une fois arrivés, il pénétrèrent dans le vestibule. L'appartement paraissait encore plus luxueux éclairé par l'immense lustre qui surplombait les deux détectives. Rien n'avait été déplacé par Scotland Yard, de ce fait on trouvait encore des traces de lutte dans la chambre. C'était bien un enlèvement. Par contre, il n'y avait pas la moindre empreinte. Le mystérieux personnage qui avait enlevé Hélène s'était bien protégé. Les deux détectives n'avaient plus rien à faire ici. Ils descendirent par l'escalier de service, et, une fois arrivés dans le hall d'entrée, Eugène aperçut quelque chose. C'était une enveloppe.

- Comment est-ce possible ? Scotland Yard n'aurait tout de même pas pu passer à côté d'un tel indice ! s'exclama-t-il.

- Je pense que cette enveloppe est seulement visible depuis l'escalier de service. La personne qui l'a placée ici devait bien connaître le bâtiment : on dirait qu'elle a calculé l'angle dans lequel elle devait la poser, répondit William. Ouvrons-la, elle pourrait nous aider, c'est peut-être un message d'Hélène...

A l'intérieur de l'enveloppe, les détectives trouvèrent un plan de Londres et une feuille de papier usée, jaunie et légèrement froissée sur laquelle était écrit d'une plume fine et serrée :

Sur le plan de cette ville tu écriras,

La clef, je l'espère, tu trouveras.

Si tu veux sauver ton amie

Tu ferais de te faire du soucis.

Pour cela, sois concentré, il te suffit

De suivre ce qui est écrit

Pour commencer, trace le triangle HAM

H correspond à l'hôtel de ville

Et A représente Westminster Abbey

Tandis que M est le manoir Montrouge.

Trace ensuite le cercle circonscrit à ce triangle

Puis la bissectrice de HÂM

Enfin , le cercle et la bissectrice formeront

Un intéressant point d'intersection

Peut-être un nouveau lieu énigmatique

Appelle le P

Les deux acolytes se regardèrent, étonnés. C'était de toute évidence un message du criminel, mais pourquoi aurait-il fait cela ? Voulait-il se compromettre ? Cela n'avait pas de sens. Alors, était-ce un piège ? De plus, celui qui avait écrit cela savait qu'ils seraient en train de résoudre l'énigme, et cette enveloppe, de toutes évidences, se trouvait ici depuis la nuit de l'enlèvement, car l'immeuble était désormais gardé nuit et jour.