Depuis l'asile...

*VIII

Mon sang ne fait qu'un tour ! Qu'est-ce que cet enfoiré à osé faire !? Je m'efforce de rester calme devant Aika et je la préviens:

- Je vais venir, mais je risque d'être long.

Je raccroche, m'en voulant de la laisser seule, mais je ne peux pas laisser passer ! Je descends comme une furie dans le salon où tous les autres se trouvent. Devant mon arrivée brusque, ils se tournent tous les quatre vers moi.

- Ça va pas, mec ?

Je ne réponds pas à mon Créateur. Je prends sa tasse de café, posée sur la table basse, et l'envoie au visage du Patron. Il a de bons réflexes, donc il esquive facilement et la tasse vient rebondir sur le dossier du canapé avant de se briser au sol, répandant du café. Il se lève d'un bond.

- Qu'est-ce qui te prend, gamin !?

- Ce qui me prend !? MAIS POURQUOI T'AS FAIT ÇA ENFOIRÉ !?

- J'ai fait quoi !?

- Ou plutôt, de quoi tu parles dans tout ce qu'il a fait, intervint Mathieu, d'un ton très léger.

Je me retiens de lui dire de la fermer.

- TU L'AS VIOLÉE !

Un sourire satisfait apparaît sur son visage, presque provocateur.

- Ah, ça ! Son mec m'a cherché, je devais me venger.

- Attends Patron, me dis pas que...

- TE VENGER !? MAIS ELLE A RIEN À VOIR LÀ-DEDANS JE SUIS SÛR QU'ELLE N'EST MÊME PAS AU COURANT !!!

- Pis calme-toi, c'est juste une meuf, c'est pas parce que tu la trouves bonne...

Mon poing dans sa mâchoire le coupe dans sa phrase.

- Tu viens de faire quoi là gamin !?

- Calmez-vous...

- MAIS MERDE TU TE RENDS COMPTE !? ELLE ÉTAIT MÊME PLUS AVEC LUI !

- J'en ai rien à foutre gamin ! Tu viens de me frapper, tu crois que je vais laisser passer !? Là je m'en bats l'oeil de cette meuf !

Il écarte le pent de sa veste mais je suis plus rapide que lui. La colère me donne ces réflexes incroyables. Je plonge ma main dans sa veste et en retire le 9mm qu'il allait chercher. Je colle le canon à son front. Mathieu s'est tu, le Geek et le Hippie sont tétanisés. Le Patron est choqué par mes réactions, et surtout par le fait que je l'ai devancé.

- Si tu tires, gamin, t'es mort.

Je suis étonnement calme. Je veux tirer. Il le mérite. Il lui a fait du mal, alors qu'elle n'est que douceur et paix. Il va payer. Il va crever comme l'erreur qu'il est. J'appuie. Je sens cette enflure, dans ses réflexes, dévier mon bras in extremis. La balle vint se loger dans le mur derrière lui. Le Geek crie, et le Patron me donne un coup dans le ventre. Je lâche l'arme qu'il ramasse.

- Mec t'as craqué !?

- C'est à moi que tu dis ça !?

Je suis choqué. Il se rend compte que c'est LUI qui a dépassé les limites !

- C'est le Patron, on ne peut pas vraiment lui en vouloir... Mais tu aurais pu faire autrement, ajouta-t-il en direction de l'homme en noir. C'est quand même sa copine.

- Ah, t'as enfin réussi à te la faire, gamin ? Alors, elle est bonne, quand elle est consentante ?

- PUTAIN TU ME DÉGOÛTES ! ET TOI AUSSI MATHIEU ! TU COMPTES RIEN FAIRE D'AUTRE, À PART TON PETIT REPROCHE DE MERDE !?

- Calme-toi, mec, me répète mon Créateur.

Je sens les migraines arriver. Ma fureur joue sûrement dessus...

- Je ne me calmerai pas...

Mon ton a soudain changé. Il est plus bas, mais sombre. Presque... Presque dément.

- Tu le défends... Tu es tout aussi coupable que lui... Tu ne mérites pas la place que tu as... C'est toi qui est au centre, toi qui dirige toujours, mais tu n'es rien.

- Je suis votre Créateur, c'est logique que...

- FERME-LA ! Tu ne mérites pas... Je vais prendre ta place. Je vais vous contrôler.

Un sourire sadique apparaît sur mon visage.

- Non, mieux... Je vais imposer ma domination sur le monde. Je serai à la tête d'un empire. J'aurai un trône, une armée, et vous... Je vous exécuterai comme vous le méritez !

- Tu délires, gamin.

- Tu crois ça ? Vous verrez bien !

- T'es au courant que si tu me tues, tu meurs, me rappela Mathieu. Et tu es une de mes personnalités, tu ne peux pas vivre sans moi.

Je bugue un instant. Merde, il a raison, cet enfoiré... Je trouverai bien un moyen... Le Geek semble terrifié, et le Hippie, bouche bée. Je ne rajoute rien et sors. Je me sens tellement trahi... Je n'attendais rien d'eux, mais à ce point... Il savait que je l'aimais. Il l'a fait quand même. Et Mathieu qui le défend... Ils paieront. J'arrive là où m'attendait Aika. À peine je m'approche d'elle qu'elle se blottit contre moi. Je la prends dans mes bras et la réconforte comme je peux.

Les jours qui suivirent, je restai à la maison juste pour dormir. Je n'addressai la parole à personne et je passai le reste du temps dehors, souvent avec Aika. Ce que lui avait fait subir le Patron l'avait traumatisée, elle n'était plus si vivante. À vrai dire, elle avait même développé une certaine forme de haine. Je me reconnaissais en elle. Je lui avais promis de la venger. Je lui avais promis qu'on la vengerait, ensemble.

Cet après-midi, je suis avec elle. On est de bonne humeur, comparé à ces derniers temps. On est si bien, ensemble. Puis, soudain, je me sens faible. Mes migraines reviennent, et j'entends la voix paniquée de mon Aika:

- Qu'est-ce qui t'arrive !?

Je ne comprends pas sa réaction, mais devine en suivant son regard vers ma main, qui commence peu à peu près à disparaître. Si rapidement, ma vue se brouille, et je me retrouve dans le noir complet.