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Le Mensonge, mélange exquis d'éloquence et de comédie. Une discipline cruelle autant pour l'auteur que l'auditoire. L'exigence est telle qu'un simple détail peut mettre à mal l'écran de fumée si difficilement bâti et dévoiler la Vérité au grand jour.

Tout commence par une pulsion qui vicieusement m'intime de me faire passer pour une autre durant quelques minutes dérisoires. Impulsive, je le suis, et à cet instant, en déambulant parmi les œuvres centenaires, je décide de ne plus être Leah Valentini, étudiante en art. Une ébauche de mon nouveau rôle s'insinue dans mon esprit et le mécanisme s'enclenche.

Je me métamorphose en Leah, guide connaissant comme sa poche les tableaux et sculptures de la galerie d'Art, prête à déballer son savoir à quelques curieux. Là où les débutants échoueront, déstabilisés par une question un peu pointue, un bon menteur ne se laissera jamais surprendre car c'est un je-sais-tout.

Tout réside dans l'attitude. Confiante, je lève mes bras vers les cieux et agite mes mains pour attirer l'attention de tous. Un sourire chaleureux habille mon visage et rapidement un petit groupe se forme autour de moi, prêt à boire mes paroles.

— Bonjour à tous, je commence d'un ton maîtrisé.

A mes débuts, c'est mon éloquence qui me faisait défaut. La voix qui déraille, trop grave, pas assez audible, ou trop clinquante. Il faut savoir trouver la tonalité juste qui rendra le faux plus vrai que nature.

— Si vous voulez bien me suivre nous allons commencer la visite par une œuvre de Gian Lorenzo Berminiolo plus connu sous le pseudonyme Le Bernin.

Ma voix s'élève et se perd dans les hauts plafonds du Musée italien et n'est dérangée que par les quelques crépitements des appareils photos des touristes à qui j'expose ma culture. La simple prononciation des mots « Je suis votre guide » m'a procuré l'adrénaline que je recherchais. Je détaille mon assemblée d'un œil affûté. Qui ici à le potentiel pour me démasquer ?

Je balade les visiteurs de pièce en pièce, tenant mon rôle à la perfection. Je réponds à chaque interrogation puis lorsque j'aperçois au loin un véritable employé de la Villa Borghese qui se dirige vers nous, je mets fin à mon récital. L'expert sait s'arrêter au moment opportun.

— Merci à tous pour votre attention, je conclue.

De timides applaudissements fusent, comme on remercierait un comédien qui quitte la scène. Désormais seule je marche d'un pas lent jusqu'au tableau qui m'a tapé dans l'œil, Autoportrait du Bernin, sculpteur qui me fascine, avec pour ambition de reproduire cette huile sur toile.

Je me laisse glisser sur le parquet sans me soucier des vas et viens des autres visiteurs autour de moi que je dérange probablement.

Machinalement, je sors de mon sac en toile un calepin et un crayon. J'esquisse délicatement les contours du visage creusé de l'artiste et noircis au fusain ses iris brunes.

— Belle performance, me surprend une voix grave.

Je dérape et soupire devant le dessin désormais gâché. L'homme s'assoit à mes côtés, et je relève la tête vers le saboteur. Je reconnais immédiatement ce visage prétentieux encadré par quelques boucles châtains. Il s'agit d'un des visiteurs que j'ai mené en bateau quelques minutes auparavant. Quelle déception, je pensais avoir excellé.

— Qu'est-ce qui m'a trahie ?

Il affiche sans complexe sa fierté d'avoir vu clair dans mon manège et un sourire narquois se forme sur les lèvres.

— Juste une intuition.

— Juste une intuition

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Ôde au MensongeМесто, где живут истории. Откройте их для себя