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Lorsque le vigile est venu nous déloger du musée, Giacomo et moi n'étions pas d'humeur à nous quitter. Une poignée de minutes plus tard, nous prolongions notre discussion autour d'un verre. Assis à la terrasse d'un bar, nous faisons connaissance et je dois avouer qu'il est de bonne compagnie. Lascivement, je lui raconte à quel point mes cours m'ennuient.

— Tu te rends compte que j'ai passé ma matinée à peindre une corbeille de fruit ? je m'offusque, j'ai pas signé pour ça de base.

Le rire du brun s'envole dans les airs et il repose sa boisson sur la table bancale. Le brusque claquement du verre contre le bois me fait sursauter et je me redresse mécaniquement.

— J'ai un ami peintre, il pourrait t'aider à progresser.

Instinctivement je fronce les sourcils devant sa proposition inattendue. On ne se connait presque pas. Cet élan de bonté cache forcément quelque chose.

—  Laisse moi jeter un coup d'œil à tes oeuvres, il poursuit, je lui en parlerai si je trouve que t'as du potentiel.

— Tu ferais ça ? je demande suspicieuse.

— Non, ça serait bien trop facile, il ricane.

Je m'avachis de nouveau sur mon siège métallique et lève les yeux au ciel. Une pointe de déception me parcours bien que la chute de sa mauvaise blague fut prévisible. L'homme pose ses deux mains à plat sur la table. Une lueur joueuse anime son regard, signe qu'il a une idée derrière la tête.

— Mais si tu me bats au poker, j'y songerai.

Les commissures de mes lèvres s'étirent spontanément. Je n'ai aucune relation dans le milieu artistique à part mes professeurs à l'université alors je ne peux que saisir cette opportunité d'être prise sous l'aile d'un artiste. Par chance, je maîtrise à la perfection les règles de ce jeu de carte.

— Je relève le défi, j'annonce.

Il serre la main que je lui tend comme pour officialiser notre accord et je l'informe que je possède une malette de jeu.

— Parfait.

Il replace ses boucles brunes d'un geste délicat et s'éloigne afin de payer l'addition. Son absence m'offre une vue dégagée sur la rue aux tons ocres précédemment occultée par sa silhouette. Mon regard se perd sur les passants qui défilent. Armés de leur appareil photos, quelques touristes capturent le charme de l'Italie sans prendre le temps de l'admirer en dehors de leur écran.

J'affiche une mine réprobatrice lorsque des éclats de voix en langue étrangère troublent la sérénité qui embaumait le cadre. Un couple régle violemment ses comptes en public et je tente d'assembler les bribes de mots que je peine à traduire afin de découvrir la raison de leur échauffement. Peut-être suis-je trop curieuse, mais c'est une caractéristique que je revendique fièrement.

Concentrée sur l'échange virulent, je ne vois pas les minutes défiler si bien que je m'étonne lorsque Giacomo ré-apparaît dans mon champ de vision. Trop absorbée par la scène de ménage, je n'avais pas entendu ses pas résonner contre les pavés.

Nous déambulons dans les rues de Rome en direction de mon immeuble tandis que la lune prend le relai du soleil. Lorsque je pousse la porte de mon appartement, l'homme ne cache pas sa surprise.

— Je m'attendais à quelque chose de plus...

— Petit ? Je propose tout en refermant derrière nous.

Il acquiesce. Il est vrai qu'il est assez rare à mon âge de vivre dans un logement d'une telle envergure, notamment au centre de la capitale. Ma grand-mère me l'a légué il y a deçà quelques années. Il ne comporte que deux pièces, mais celle rassemblant la cuisine et le salon est spacieuse et haute de plafond.

Ôde au MensongeOnde histórias criam vida. Descubra agora