Regarde toi

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Plusieurs heures se sont écoulées  et j'ai l'impression qu'il ne fait même pas d'efforts pour essayer de mieux marcher. Avec tout ce qu'il s'est mis comme crème, qu'il a d'ailleurs terminé, et le temps qu'il a passé avec la glace, il devrait pas aller quand même un peu mieux? Ça me paraît un peu exagéré pour des hématomes, quand même.

Mais je décide de faire un test. Assis au comptoir à réviser pendant qu'il est au salon sur son portable, sur le canapé et donc dos à moi, je lève le regard.

-Hyuck, tu veux bien passer le stabilo dans mon sac à côté de toi? S'te plaît? je n'oublie pas, en attendant sa réaction.

Je me lève sans faire de bruit et contourne la table jusqu'à atteindre le dossier du canapé, là où il est appuyé.

-T'as oublié que je pouvais à peine marcher? Ç'aurait été avec plaisir Injunnie, mais je-

Je ne le laisse pas finir sa phrase et lui arrache son portable des mains, et me mets à courir à travers la salle à manger et sans surprise, il sursaute avant de se lever d'un bond et de me courir après sans la moindre difficulté. Je souris alors en tenant l'appareil du bout des doigts, mesquin.

-Ah bah alors? On peut pas marcher mais on peut courir?

J'éclate de rire alors qu'il fulmine en retournant s'asseoir, avec ou sans son appareil. J'ai gagné.

-Attrape. je dis en lançant le téléphone à travers la pièce.

Il se retourne et l'attrape sans faute avant de se rasseoir pendant que je me penche à nouveau devant mes révisions. Quand je lève le regard pour checker ce qu'il fait, il a le menton posé sur ses mains et me fixe, surpris.

-Tu veux pas que j'm'en aille? il me demande, choqué je ne le vire pas comme ce que j'avais dit que je ferais.

-Quoi tu veux que j'te vire? je demande en récoltant un non de la tête très prononcé. Tant que tu la ferme... Pars quand tu veux.

Il secoue la tête avec sourire qui semble presque reconnaissant en retournant sa position initiale. Pendant que j'écris une nouvelle définition sur ma fiche de révision, je l'entends appeler mon nom et je rattrape de justesse ce qu'il me lance, à savoir le surligneur orange que je lui ai demandé il y a quelques minutes et que je viens de manquer de me prendre dans l'œil. Mais je le remercie quand même rapidement d'un signe de la main.

-Tu commences à devenir gentil avec moi Injunnie? demande-t-il avec sa petite voix suraiguë insupportable

Je grince des dents alors qu'il regarde devant lui, déjà assis face au mur du salon. Je lâche un bruit agacé en faisant comme si je n'avais rien entendu. Je n'ai pas envie de me battre maintenant, pas quand je travaille. Je me suis pas cassé les pieds pendant des heures à le rafistoler pour tout gâcher juste après.

-Tu nies même pas? dit-il en gloussant comme une petite fille.

Je retire ce que j'ai dit.

-Tu veux pas te barrer, non?

Il éclate de rire alors que je suis on ne peut plus sérieux et se retourne pour s'accouder au dossier du canapé, à genoux sur celui-ci. Je le regarde d'un œil mauvais œil.

-Desfois je te comprends pas, Renjun. reprend-il après quelques instants à me regarder faire mes fiches en silence. T'es vachement contradictoire.

J'arque les sourcils, prends une grande inspiration, pour faire descendre tout l'agacement contre lequel je lutte chaque fois qu'il ouvre sa bouche.

-C'est ça, c'est ça. je soupire en posant mon surligneur le plus calmement possible. À ta place je la fermerai, parce que la dernière fois qu'on s'est retrouvés dans la même maison plus d'une heure, on a essayé de s'entretuer.

Je pose enfin les coudes sur la table et le regarde droit dans les yeux. Pas longtemps, cela dit, déstabilisé par son insistance. Ou juste par lui.

-Je veux juste discuter moi! C'est toi qui me menace à chaque fois que je t'adresse la parole!

-Eh bah quoi? Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse si dès que t'ouvre ta gueule, j'ai envie de gifler? j'élève la voix en me levant, sérieusement sur les nerfs.

-Mais c'est ça que je comprends pas! il crie, sa glace fondue sur le front. Je sais pas pourquoi, tu surréagis comme ça tout le temps... T'es juste taré mec, j'y peux rien!

Je fais le tour du comptoir et je me rapproche de là où il se trouve. Il a l'air calme, juste confus alors que je sens la veine sur mon cou gonfler.

-Rappelle toi comment ça a fini quand on s'est battu l'autre fois, ça te reviens maintenant?!

-Quoi, c'est comment ça a fini qui te dérange? Tu veux une revanche, c'est ça? Tu supporte pas l'idée qu'on ait capitulé ensemble?? C'est pas le fait de m'avoir frappé que tu regrettes?? Tu regrette de pas m'avoir démoli, c'est ça Renjun??!

Je m'énerve bien trop facilement. Je m'arrête net dans mon élan et le regarde, bouche bée.

-Bah vas-y maintenant! Détruis moi!! il crie, encore plus fort, me donnant cet ordre qui sonne comme une torture. Pourquoi tu bouge pas, je suis la proie parfaite, j'peux pas me défendre alors vas-y!! T'attends quoi, Renjun!!?

Il est essoufflé, les sourcils froncés, les larmes aux yeux et je peux pas bouger. Je peux même plus le regarder, alors qu'il se lève nerveusement, je le laisse faire. Il s'éloigne vers la porte d'entrée et je ne l'en empêche pas. Même une fois qu'il s'apprête à l'ouvrir.

-Regarde toi, t'es même pas fichu de me répondre.

Il l'ouvre et disparaît derrière, la claquant au passage. Je me suis rassis devant mes révisions, me force à me concentrer à nouveau et oublier tout ce qui venait de se passer.

Le seul souci est qu'il a entièrement raison, sur toute la ligne, du début à la fin. J'écris n'importe quoi, je me trompe dans mes mots et confonds des phrases. Je repense à tout ce qu'il m'a dit, frappé par la vérité de ses mots.
Chaque mot; je n'aurais pas eu la présence d'esprit de me souvenir qu'il est blessé et je lui aurais sauté à la gorge sans attendre qu'il me le dise. Je me sais capable de le détruire, surtout s'il ne se défend pas. C'est justement ce qui m'a fait prendre du recul.

C'est en revoyant ces premières images, le voir grimacer en nettoyant son sang, l'entendre me demander de l'aide pour panser son dos, que j'ai réalisé ce qu'il a ressenti.
Son dos, son visage, sûrement aussi son torse; tout était décoré d'hématomes encore roses.

Mais il est parti avant que je n'aie le temps de lui dire que je ne comptais pas m'en prendre physiquement à lui. Que le seul moyen que je le frappe est qu'il me frappe en premier.

Mais c'est trop tard, maintenant. Il me voit juste comme quelqu'un de violent.

S'il a pas eu la patience de me laisser répondre et s'il est trop sensible pour garder son sang froid dès qu'on lève le ton, c'est son problème.

Pas... le mien...

Fuck off, sweetheart || renhyuckWhere stories live. Discover now