𝐈𝐈 | ☂︎︎ (tome 1)

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Alors la voix enrouée, secouée par un sanglot silencieux, je m'entendis simplement dire sans aucune conviction :

— Vraiment ?

— Oui, il avait même une photo de vous sur son écran d'ordinateur, m'apprit-elle avant de se reprendre. Certes, c'était celle de votre photo de classe, mais entre nous, je crois surtout qu'il avait un gros béguin pour vous, et je comprends à présent pourquoi. Vous êtes incroyablement belle.

Craignant que la moindre connexion visuelle ne libère les torrents d'émotions qui menaçaient de déborder à tout moment, je ne dis rien, restant à observer la manière dont ses yeux erraient sur cette stèle qui méritait que je ne la blasphème pas de ma présence déplacée, où venaient à présent pleurer quelques fois les nuages.

— Vous savez, même avec le temps, je n'arrive toujours pas à m'y faire à l'idée. Pourquoi était-il si pressé de partir ?

Cette fois, elle laissa clairement transparaître son chagrin à travers sa voix tremblante.

— Quel genre d'enfant quitte ce monde avant ses propres parents ?

Et dans mon esprit, une tentation fugace émergea : m'éclipser, prendre mes jambes à mon cou et m'échapper loin. Très loin d'ici.

J'avais soudain l'impression de l'avoir enfin trouvé ; cette fameuse zone qu'on appelait « le gouffre ».
C'était ici. Ça ne pouvait qu'être là.
Je reconnaissais les contours du vide, comme si j'y avais autrefois exploré chaque recoin du néant qui le composait.

Me prenant de court, une voix aiguë explosa tout à coup à ma droite, manquant de me faire hoqueter.

— Je peux savoir ce que tu viens foutre ici ?

—  Nom de Dieu, Aria, surveille donc ton langage ! s'indigna madame St Tuan.

— Pourquoi ? Qu'est-ce que ça peut faire ? répliqua-t-elle en désignant la masse de tombe autour de nous. Au cas où tu ne le saurais pas, ils ne peuvent pas m'entendre. Ils sont tous morts.

Et le silence crispé, presque violent, qui lui répondit sembla froidement confirmer ses propos quand son regard revint à moi, paraissant plus sombre que lorsque je l'avais croisé.

J'avalai ma salive devenue soudain acide, mon cœur ponctuant mes pensées d'une pulsion douloureuse.

— Désolée, je ne voulais pas déranger...

— Oh, je t'en prie, Anylla... à d'autres, s'il te plaît. Comment oses-tu te pointer devant sa tombe ?

Ma gorge se noua affreusement et je me tendis avant de me mettre à trembler. De froid ou de peur, certainement les deux.

— Et tu diras à ta mère d'arrêter de nous envoyer son foutu pognon, cracha-t-elle durement. On n'en veut pas.

Sur quoi, je me figeai.

De quoi parlait-elle ?
Qu'est-ce que ma mère avait encore fait ?

Agacée par mon manque de réaction, un rictus traversa brièvement son regard qui se perça d'un trait d'ironie, lorsqu'elle renchérit alors d'une voix plus sèche :

LEARN TO HATE | Sentence de mort | Tome 1Where stories live. Discover now