7, rue du Souvenir

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Mai. Après-midi. Tiède. Jardin en fleurs.

L'enfant a sept ans. Ce n'est pas son anniversaire. C'est celui de sa sœur blonde, un peu moins blonde qu'auparavant. Elle est entourée de ses amies, toutes joliment vêtues et virevoltant bêtement autour d'elle. L'enfant elle, ne tourne pas. Elle aimerait peut-être. N'ose pas peut être. Ne sait pas. Personne ne la regarde. Ce n'est pas son jour. Jamais. Rarement.

Les fillettes jouent, tournent, crient, rient, courent, minaudent, mangent un petit peu de ce bon cake blanc rose, avalent une gorgée, pour, excitées, reprendre tourbillons, babillages et cris suraigus.

Un jeu revisité. Cache maillard. C'est petite reine qui choisit qui sera aveugle en premier. Toi. Tout ce petit monde court et se cache. La maison immense. Elles ont quartier libre.

Petite reine connait un endroit parfait, elle gagnera, elle doit en être sûre. Sous la fenêtre, derrière les rideaux sombrement lourds, un petit placard, idéal pour son corps menu parfait. Elle tourne la clef, se glisse à l'intérieur, immobilise le rideau du bout des doigts graciles, et tire la porte sur elle. Recroquevillée, elle pouffe doucement, se régale de sa trouvaille. Elle n'a plus qu'à attendre et puis faire son apparition grandiose une fois la partie terminée. Elle doit s'assurer de gagner. Elle gagne toujours.

Elle entend des pas sur le vieux plancher en chevron. Le bois craque, doux. Les pas se rapprochent. Surtout, silence, elle met main sur bouche pour étouffer un rire. Il faut gagner. Les pas sont près. Son petit cœur bat plus vite. Ce jeu est excitant. Si on la découvre, elle criera fort pour faire peur à son amie.

Les pas se sont arrêtés. Aucun bruit.

Puis, le clic de la clef qu'on tourne.

Il est tard. Elle n'a pas été retrouvée. Son prénom est prononcé par tous. Petite reine crie, pleure, appelle maman, frappe contre la porte. La cachette était bonne. De peu connue. On la retrouve. Enfin. Joues rouges. Humidité. Yeux gonflés. Le corps tressaille, sursaute. Les mots incomplets. Ô le sanglot.

La fête est finie. Les petites amies sont parties. La traumatisée est dans son lit, calmée par maman qui tient encore la main.

L'enfant dont ce n'est pas l'anniversaire joue, seule, dans le grand salon. Elle joue avec la nouvelle poupée de sa sœur. Enfin.

Mais, la poupée n'a pas été très sage. Alors, arrachée la tête. Elle a l'air bien content de cet anniversaire.

L'EXCUSE DE L'AMEWhere stories live. Discover now