La conférence des coeurs

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-C'est vraiment une connasse de t'avoir fait ça!

-Je suis bien d'accord. Sérieusement, pourquoi devrais-je supporter Margaux? Tu vas me faire croire qu'elle a le moindre intérêt pour les sciences et l'astronomie?

Je refoulais difficilement ma rancoeur depuis l'annonce d'Audrey. Je ne pouvais de toute façon pas y échapper, mais cela ne m'empêchait pas de pester continuellement contre ma patronne et mon ex amie. Et Juliette m'accompagnait de ses commentaires de soutiens.

-Enfin... finis-je par dire. Cela me permettra peut être de revoir Elodie. Je ne lui ai pas reparlé depuis longtemps.

-La guide du planétarium? Tu es restée en contact avec elle?

-Oui, elle est géniale, toujours pétillante et joyeuse. Elle doit avoir notre âge, mais on a l'impression qu'elle a encore 20 ans.

-Pourtant, pour être employée dans un centre de recherche comme celui là, elle a dû faire des études plus longues que les nôtres.

-Surement. Bon, je dois y aller, la conférence débute dans 1h et ce n'est pas la porte à côté.

-Courage! Me lance Juliette. Et essaie de ne pas réduire Margaux en charpie.

-Je ferais de mon mieux!

Je me levais de la table du café auquel nous nous trouvions, et me dirigeais d'un pas nonchalant jusqu'à ma voiture. Je l'ouvris et conduisit jusqu'au centre de recherche. Un complexe de vieux bâtiments qui avaient bien besoin d'un ravalement de façade, jouxtant l'Université. Il y avait déjà du monde, et je me dirigeais vers l'entrée de la presse. Margaux était déjà là, mais choisit de m'ignorer royalement, ce qui me convint très bien. Depuis notre dernière discussion houleuse, où elle avait révélé m'avoir entendue parler de Véga, nous étions encore plus en froid qu'auparavant. Elle avait menacé d'en parler à David, et la discussion avait très vite mal tourné. Mais maintenant que Véga avait disparu, David était un soutient important, car je ne me sentais pas capable de vivre seule. Nos relations de couple s'étaient améliorées, et je sentais qu'il était prêt à aller plus loin. Mais j'étais frileuse à cette idée; ton souvenir me hantait trop pour que je m'engage de manière plus... définitive avec David. Juliette et Matthieu étaient déjà mariés, et David semblait vouloir suivre le même chemin. Mais pas moi.

Pas encore.

J'entrais dans le grand amphithéâtre qui allait accueillir la conférence. Les conférenciers venaient de loin, et la salle était en conséquence déjà bien remplie. Je me hasardais entre les rangs, cherchant une bonne place parmi les emplacements réservés aux journalistes. Une main se posa sur mon épaule, me faisant sursauter. Je fit volte face, et me trouva face au sourire franc d'Elodie.

-Eva! Ça fait longtemps! Tu viens pour la conférence?

-Oui, ma patronne veut que je couvre l'événement.

-Ça veut dire que tu vas faire des interviews? Fit elle avec des étoiles dans les yeux.

-Non. Dis-je en souriant. Désolée, tu ne pourras pas passer par moi pour aller parler aux conférenciers. Je suis simplement chargée d'un compte rendu et d'interroger quelques spectateurs au sujet de ce qu'ils ont vus.

-Tu pourras m'interroger alors??

Je ris. J'adorais cette fille, elle avait le don de faire disparaitre mes peurs et mon stress. Tout comme toi...

-Bien sûr! Envoie moi un message, à la fin de la conférence, et je viendrais personnellement te harceler de questions.

-Génial! A plus tard!

Elle me pris dans ses bras et me fit une légère bise sur la joue, ce qui me fit rougir légèrement. Je dois avouer que Elodie était très mignonne, et que son comportement innocent et enjoué lui donnait beaucoup de charme. Depuis que je m'étais découverte une certaine attirance pour les femmes, il m'arrivait de me sentir gênée par des marques d'affection telles que celle ci, auxquelles je ne prêtais pas attention auparavant.

Elodie s'éloigna d'un pas guilleret, et alla se placer dans les premiers rangs, auprès des autres scientifiques du centre, qui avaient les meilleures places. Je croisai le regard de Margaux, qui m'observait, et décidai de l'ignorer. Mes yeux se redirigèrent donc naturellement vers Elodie, que je venais de quitter des yeux.

Elle se glissait difficilement entre les rangs, soulevant quelques soupirs d'énervement de ses confrères scientifiques, bien plus âgés pour la plupart. Puis, elle arriva à un siège qui lui semblait réservé, et entama une discussion avec sa voisine.

Et là...

Mon coeur s'arrêta.

Des cheveux blonds cendrés, coupés courts et à peine coiffés. Un visage d'une perfection inégalée, malgré sa mâchoire un peu carrée. Des boucles à l'oreille, que je devinais malgré la distance qui nous séparait.

Mon coeur s'accélera.

Mes entrailles s'enflammèrent.

Et les larmes me montèrent aux yeux.

Des larmes de soulagement, mais aussi de culpabilité. Je tentais de les cacher du mieux que je pouvais, et je vis ton regard se tourner vers moi quand Elodie me montra du doigt.

Ton regard bleu et profond se fixa sur mon visage baigné de larmes. Je tentais de me cacher, mais j'étais happée par notre contact visuel et par la profondeur des tes yeux, ces deux lacs si calmes qui m'avaient tant manqués.

Tu étais bien là. Tu étais face à moi, et tu ne me quittais pas du regard. J'avais peur de deviner ce que signifiait notre échange. Se voulait il amical ou plein d'inimité? Était il empli de reproches, ou de promesses?

Je baissais les yeux, honteuse. Finalement, peut être aurais-je dû tenter de te retrouver, au lieu d'attendre. J'avais la sensation d'être une inconnue pour toi. Que plus jamais nous n'allions partager la douce sensation de la brise sur la berge, du toucher de l'herbe. Que plus jamais tu n'allais observer calmement le ciel nocturne à mes côtés, pendant que je fixais ton visage d'un air béat.

Les sensations de notre baiser passionné me revinrent en tête. Et je relevais timidement la tête, alors que les spectateurs commençaient à applaudir et les conférenciers à s'installer. Insensible à tout ce remue ménage, je te cherchais du regard, et croisais le tiens. Il était toujours fixé sur moi. Je te souris timidement.

Et tu me renvoya ton sourire éthéré habituel. Il m'avait tant manqué... mon coeur éclata en milliards de petites flammèches qui rallumèrent la flamme de ma vie. J'eus l'impression que tu me pardonnais. Et je comptais ne plus jamais te blesser.

Je t'avais maintenant retrouvée...

La conférence me sembla passer en un instant.

La tête dans les étoilesWhere stories live. Discover now