Ton Manque

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Mes pas me reconduisirent naturellement sur la berge. J'étais en manque. En manque de toi. Je n'avais pas réussi à m'endormir, ton souvenir s'imposant à moi dès que je fermais les yeux, comme si ton portrait avait été imprimé sur mes paupières. J'étais perdue, seule dans mon univers trop froid. La chambre d'hôtel me semblait glaciale, mon appartement toujours habité par David, hostile. J'aurais dû accepter la proposition d'accueil de Juliette, mais je pense que je n'aurais pas pu supporter la vue de son couple si heureux avec Matthieu. Ni celle de sa pitié, ni celle de sa colère contre David, ni celle de sa haine envers Margaux. Ces sentiments semblaient m'avoir déjà quittée.

Et c'est ce qui me rendait si perdue. J'aurais dû être dévastée, énervée, hurler contre le monde, hurler contre mon faux petit ami, hurler contre mon amie parjure. Mais je n'en ressentais plus aucune envie. Je n'avais plus d'animosité, ou alors simplement par instants, comme de petites gouttes de haines tombant dans un océan d'indifférence. Je ne ressentais pas d'urgence à l'idée de recontacter David, de lui dire ses quatre vérités, de rompre avec lui ou lui pardonner. Je ne ressentais même pas l'envie de me poser la question. Une seule envie me dévorait de l'intérieur, m'empêchait de dormir, me poussait à me lever en pleine nuit pour longer les berges du fleuve malgré le froid.

Je voulais te revoir. C'était un désir incontrôlable et insensé. J'avais dû être invisible à tes yeux, j'avais dû te déranger dans ta magnifique rêverie, avec mes pleurs pathétiques. Je voulais m'excuser de t'avoir dérangée, de t'avoir approchée, toi qui me paraissait plus pure que le plus pur des ange, observant le monde depuis un endroit situé au dela des limites de nos perceptions de mortels. Tu étais une déesse. Tu avais illuminé mon monde à l'aide d'un pauvre mouchoir et d'un ciel étoilé. Il me semblait ce soir beaucoup plus chaleureux qu'auparavant. Les myriades de points lumineux semblaient me sourire et m'encourager, ils me poussaient vers toi, ils me donnaient une force que je n'avais jamais ressentie.

Tous mes problèmes me semblaient insignifiants depuis que je t'avais rencontrée. J'avais essayé d'être triste, j'avais essayé de continuer à me lamenter, de haïr Margaux, d'en vouloir à Audrey, mais la vérité était là; je n'avais ressenti qu'un manque profond en ton absence. Un manque qu'il me fallait combler au plus vite; il commençait à me faire sentir nauséeuse. J'avais la fièvre rien qu'à imaginer notre nouvelle rencontre, mon ventre se tordait en imaginent tes yeux, et un sourire béat et idiot se révélait sur mes lèvres alors que mon esprit divaguait à l'imagination de tes formes, de ta voix, de ton nom.

J'étais malade de toi.

Comment expliquer ce sentiment? Comment expliquer mon détachement insensé, comment expliqué mon attachement déraisonné? Je ne le savais pas. Tout ce dont j'étais sûre, c'était que j'avais besoin de te voir. De te parler. De te sentir. De te ressentir.

Je courais, à présent. Les étoiles me portaient, le fleuve m'entrainait, la fraicheur de l'herbe m'encourageait. Je m'approchais du lieu de notre rencontre. Dieu qu'il m'avait manqué. Dieu que j'aimais cette berge. Et pourquoi donc jure-t-on au nom de Dieu, et non pas en ton nom? De cette manière, il me serait connu et je serais dans la capacité de le scander.

J'arrivais au lieu. La lune était haute dans le ciel. Il était déjà tard. Plus tard que lors de notre rencontre.

Et tu n'étais pas là.

Ton absence m'envahit et me vida de mes forces. Les pleurs semblaient prêts de me consumer, le chagrin revint à la charge plus puissant que jamais, comme s'il s'était retenu depuis notre rencontre. Ce n'avait donc été qu'un moment éphémère. Une rencontre unique, une parenthèse enchantée dans ma réalité. Une rencontre qui m'avait dit: "relève toi. Ne te laisse plus abattre. Tu sauras quoi faire désormais"

La mort dans l'âme, un creux immense dans la poitrine, je m'en retournai vers chez moi. La réalité reprenait forme. La vie reprenait son cours. Les étoiles semblaient me narguer désormais.

Je ne dormis pas, cette nuit là. Mes pensées étaient tournées vers toi. Je n'arrivais pas à me décider à t'abandonner. Mais où te trouver? Où étais tu? Où vivais tu? Que faisais tu? Allais tu revenir? Existais-tu réellement, ou avais tu été le fruit de mon imagination? Tant de questions sans réponses tourbillonnaient dans ma tête, me rendant folle de douleur et de manque. Comment avais tu pu devenir si nécéssaire à ma vie en si peu de temps? Ça n'avait aucun sens. J'étais si perturbée que je ne me rendis compte que le lendemain que j'étais rentrée chez moi.

Pas à l'hôtel.

Chez moi.

Chez nous.

Et David s'y trouvait, et fut surpris de se réveiller à côté de moi. À peu près autant que moi.

Quand je repense aux réponses que j'ai faites à son milliard de questions et de supplications, un seul sentiment m'envahit, le regret. Je n'eus aucune force de lui résister. Il s'excusa. Encore. Et encore. Me promit que c'était la première fois que ça arrivait. Et que ce serait la dernière. Qu'il avait compris son erreur.

Tant de mots vide de sens. Des paroles. Rien que des paroles. Mais je les acceptais. Sans combat. Sans résistance. Il en fut lui même surpris. Mais quelque chose était brisé en moi. Je ne t'avais pas revue. Et j'avais besoin d'oublier.

Même si cela impliquait de retourner avec cet homme qui m'avait manipulée, trompée, et le faisait sûrement encore. J'avais l'impression de ne plus rien ressentir pour lui. J'étais comme anesthésiée de toutes mes sensations, de tous mes sentiments, de toutes mes émotions.

Je pardonnai même à Margaux le lendemain. Je lui demandai simplement de ne plus approcher de David. Et, bien sûr, je ne lui garantissait plus notre amitié. Juliette ne l'aurait de toute façon jamais accepté. Elle avait déjà explosé en apprenant mon retour avec David. Elle ne me comprenait pas.

Moi non plus, je ne me comprenais plus. Je n'étais plus moi même, depuis que je t'avais vue. Et je n'étais plus moi même, depuis que tu n'étais plus là.

La tête dans les étoilesWhere stories live. Discover now