Voyage dans ton univers

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Que dire des jours qui suivirent? J'étais prise par une fièvre amoureuse insatiable. Rien ne pouvait m'en détacher, j'étais comme un parasite se repaissant sans cesse de ton souvenir. Chaque soir, ou presque, nous nous retrouvions sur cette berge, et nous regardions le ciel durant de longues minutes, parlant peu. Moi qui avait pourtant soif de tes paroles, ce silence était pourtant le plus grand de mes trésors. Que dit le proverbe, déjà? Ah, oui.

"La parole est d'argent, le silence est d'or"

Et tout l'argent du monde n'aurait pu remplacer l'or de ton silence et de ta beauté muette.

Je n'avais toujours parlé de toi à personne. Tu étais mon secret, mon bien le plus précieux, et je craignais que, à t'évoquer, je doive te partager. Juliette se doutait de quelque chose. Mon regard rêveur, perdu dans la lointaine contrée de ton existence, lui avait mis la puce à l'oreille, je le savais. Je sentais dans ses regards qu'elle brûlait de m'en parler, de m'harceler de questions, mais qu'elle se retenait. Mon couple avec David avait bien souffert, et elle ne voulait sans doute pas me presser de questions qui allaient mettre à jour les failles de mon attachement envers lui.

David, lui aussi, se posait des questions. Beaucoup de questions. Après tout, j'étais froide avec lui, froide de jour comme de nuit, et je m'éclipsais dans les soirées pour aller te retrouver. Il devait me soupçonner un amant, mais il ne pouvait pas être plus éloigné de la réalité. Je n'avais pas un amant, ni une amante d'ailleurs.

Je t'avais toi. Et cela voulait dire beaucoup.

Mon travail me semblait moins pénible, maintenant que je t'avais. Je commençais à écrire cet article sur l'astronomie, avec toute la passion que tu m'avais transmise pour le ciel étoilé à travers ton silence. Audrey m'avait demandé un article passionné et passionnant? J'allais lui en donner.

Mais malgré tout mon amour pour ces cieux si lointains, l'écriture de cet article ne fit que me conforter dans l'idée que ma méconnaissance du sujet était un crime odieux. Je me tenais chaque soir à tes côtés, et je regardais ce ciel si magnifique avec toi, mais j'étais incapable d'en saisir les subtilités. J'étais comme une étrangère regardant un film dans une langue que je ne comprenais pas, et essayant d'en deviner l'histoire en regardant les images. J'osais te regarder avec un oeil complice, comme si la profondeur de ce qui s'offrait à moi me transportait autant que toi; mais c'était ta présence qui me transportait. Pour mieux te comprendre et me comprendre, j'allais devoir combler ces lacunes; c'est dans cette optique que je décidais d'aller au planétarium. Et David m'accompagnait, espérant voir là une sortie capable de redynamiser notre couple.

Dans ma jeunesse, j'avais eu moult passions passagère, allant de la géologie à l'étude des coquillages; j'étais une enfant perdue dans ses pensées, et bien vite la réalité me rattrapa et me fit devenir la femme terre à terre que j'étais avant de te rencontrer. Mes passions de jeune adulte se voulaient matures. La littérature, l'histoire, notamment. Les hommes et l'alcool, également. Quand j'y pense, avant de te rencontrer, plus rien ne me faisait vibrer aussi fort. Tout m'avait lassée, tout me semblait fade et plat. Si j'avais su qu'il me suffisait de lever la tête une fois la vie venue pour voyager aussi loin... peut être t'aurais-je rencontrée plus tôt.

J'avais espéré te croiser au planétarium. Je m'étais naïvement imaginé que tu travaillais dans un endroit touchant au ciel, et c'était peut être plus cela qui m'avait guidée en ce lieu que l'écriture de mon article. Le temps était doux, ce samedi là, bercé par le soleil du printemps encore jeune, comme le montraient les bourgeons qui fleurissaient sur les arbres. Le bâtiment du planétarium n'avait rien de beau, vu de l'extérieur. Un dôme en béton plutôt immonde, mais renfermant tous les trésors de savoir que j'étais venue chercher.

David était comme un dauphin sautant dans le sillage d'un bateau. Malgré toutes ses acrobaties, le bateau continuait inlassablement sa course sans lui apporter la moindre attention. Il tentait de faire des blagues, d'attirer mon attention sur lui, de rappeler sa présence à mon esprit embrumé par la fièvre de la curiosité, alors que nous visitions le musée situé à l'entrée du planétarium. Suite à une énième blague, je cédais à l'énervement.

-David, si tu es venu pour faire le clown, ce n'est pas la peine.

-Calme toi, Eva. Tu prends les choses beaucoup trop à coeur! Tu n'es pas là simplement pour le travail, tu peux aussi t'amuser.

-Je ne suis pas là pour le travail, David. Ça ne veut pas pour autant dire que je suis là pour m'amuser.

-Pourquoi es tu là, alors?

-Pour remplir un vide, et combler un manque. Laisse moi, maintenant. S'il te plait.

Il se renfrogna, mais ne rajouta plus rien. Je pu ainsi me concentrer pleinement sur les secrets de l'univers. Et plus j'en apprenais sur cet univers, plus j'avais l'impression de gagner ma place dans le tiens. Chaque nouvelle révélation me coupait le souffle. Tous ces chiffres me semblaient improbables, tous ces ordres de grandeur bien trop élevés. J'avais réellement l'impression de n'être qu'une poussière dans l'espace temps. Mais si une poussière avait la chance de t'atteindre...

Après quelques temps à déambuler dans les quelques salles d'expositions, nous fûmes appelés pour assister à la projection. Nous entrâmes dans le grand dôme, au sein duquel se trouvaient de nombreux sièges étrangement penchés. En m'asseyant à côté de David, j'en compris la raison. Nous pouvions ainsi observer le sommet du dôme sans effort. Et, rapidement, une fois que les visiteurs épars eurent finis de s'installer, la porte se ferma, la lumière s'éteignit, et je plongeais enfin, réellement, dans ton univers.

La projection était composée, en première partie, d'un film expliquant l'origine de l'univers, la formation des galaxies et enfin, celle de notre système solaire et de la terre. C'était magnifique, à couper le souffle, et je réalisais une nouvelle fois à quel point ce monde m'était inconnu, mais était également inconnu au genre humain. De nombreuses fois, la voix du narrateur exprima les doutes ou les incompréhensions de la communauté scientifique vis à vis de tel ou tel sujet. Et je ressentis cet inconnu comme un appel.

Tu m'étais aussi inconnue que ce monde qui s'étend à portée de télescope. Et pourtant je voulais toujours en savoir plus, j'avais toujours soif de ta présence et de ta connaissance. Était ce les mêmes raisons qui te poussaient à te lever chaque nuit pour aller contempler le firmament? Était tu l'une de celles qui cherchaient à percer ces mystères irrésolus, tout comme je cherchais à percer les tiens?

J'en eu l'intime conviction ce jour là. Assise au milieu de tous ces gens dans le fauteuil incliné de la salle de projection, j'avais pourtant l'impression d'être seule.

Plus de visiteurs.

Plus de David.

Simplement moi, et le narrateur.

Le narrateur qui m'emmenait dans ton monde, dans ton univers.

La séance se finit bien trop vite. Mais tout ce qui avait rapport avec toi me semblait trop court.

La tête dans les étoilesOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz