Chapitre 9 - "Il avait néanmoins l'air gentil... mais surtout un peu bête. "

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Un silence assez gênant s'installa dans la chambre d'hôpital. Je faisais alterner mon regard entre le visage dur du gendarme, son collègue, et cette maudite feuille. Ma première réaction fût de laisser échapper un petit soufflement. Je me mis à ricaner légèrement, pour évacuer le malaise qui m'envahissait petit à petit.

– Qu'est-ce que c'est que ce délire ? demandais-je, en le fixant avec agressivité.

Je savais que ce n'était pas franchement la meilleure réaction quand on veut prouver à des gendarmes notre innocence, mais c'était tellement... absurde. Je n'ai pas réfléchi. Le brun inspira un coup.

– Vous savez... vous n'êtes pas vraiment dans la meilleure des situations... - il se rapprocha de moi, l'air presque menaçant -, je vous conseille de nous obéir, monsieur Auswald.

– Je ne suis pas !... ce type.

J'avais crié le début de ma phrase. C'était étrange. J'avais l'impression que je ne me contrôlais plus. Sûrement le coup de stress. Ça allait retomber. 

– Bon, reposez-vous encore quelque temps, mais n'essayez même pas de filer en douce. On vous retrouvera, monsieur Auswald.

 Reprit-il d'une agaçante insolence. Son collègue ne pipait mot. Après m'avoir jaugé du regard, le brun, d'un signe de la tête, fit comprendre au blond qu'ils allaient sortir. Sans dire un mot, la chambre se retrouva bientôt vide. 

* * * 

Quelques jours étaient passés depuis, deux ou trois si ma conception du temps n'avait pas pris un trop gros coup. Je m'étais remis assez rapidement, puisque mes plus vieilles blessures avaient été pansées par l'autre taré. D'ailleurs, je me demandais s'ils n'avaient pas retrouvé son cadavre. J'espère que non, ça me mettrait dans de beaux draps. 

Je voyais régulièrement un gendarme, posté devant la porte de ma chambre, mais aucun n'était entré depuis la visite de la dernière fois... celle-ci me trottait dans l'esprit. « Camille Auswald », hein ? Ce nom me disait à la fois quelque chose, et à la fois rien du tout. Si je me souvenais bien, ce Auswald était suspect dans je-ne-sais-quelle histoire d'enlèvement – les gendarmes avaient mentionné ça d'ailleurs.– , dans le journal que m'avait donné l'autre type.

 J'espère vraiment qu'ils n'avaient pas retrouvé son corps.


 La neige avait fondu, la température s'élevant petit à petit. Apparemment, l'hiver laissait petit à petit sa place au printemps. Tant mieux. Car si je voulais me barrer d'ici, je préférais que ce ne soit pas dans une tempête de neige. J'arrivais enfin à marcher normalement, sans boiter ou serrer les dents à chaque pas. Finalement, j'allais de bonnes nouvelles en bonnes nouvelles... mais je savais pertinemment que ça n'allait pas durer.

 Je n'aurais pas dû attendre aussi longtemps. Ils étaient revenus, leur maudit fourgon était garé juste devant l'hôpital. Bon, je pouvais m'estimer heureux d'avoir une vue sur le parking. Il n'y avait pas une seconde à perdre. Je passai ma tête dans la porte. Le garde me lança un regard interloqué, du genre « qu'est-ce qu'il me veut lui ».

 – Hey, salut. Je peux aller me repoudrer le nez ? lui demandai-je de manière tout à fait naturelle.

– Pardon ? me demanda-t-il en levant un sourcil.

– Bah, me refaire une beauté, quoi...

– Non mais... je...

– Toilettes SVP. Vraiment, ces gendarmes, si peu raffinés.

Le pauvre, complètement confus, m'indiqua les toilettes, sans vraiment comprendre qu'il était en train de m'aider à m'enfuir. Il avait néanmoins l'air gentil... mais surtout un peu bête. Il n'y avait qu'avec ce genre de personne que ça marchait. 

Arrivé dans les water-closets, je m'installai sur l'une des toilettes, en faisant attention à bien fermer la porte, et à ne pas faire dépasser mes pieds. Bon, si je résumais, j'étais amnésique, qui sortait d'un hangar où un type - actuellement mort, amen – voulait me tuer, mais parfois m'aidait. Celui-ci m'avait donné un journal, où un certain Camille Auswald était mentionné... et des gendarmes me soupçonnaient d'être ce fameux Auswald. Et maintenant, ils voulaient m'embarquer. Que nenni, vous ne m'aurez pas si facilement.

 J'entendais clairement la voix du brun, qui avait l'air assez mécontent que l'autre – gentil – âne m'ait laissé « aller aux toilettes ». Bon, j'avais encore trop traîné... ça n'arrive qu'à moi. J'attendis quelques secondes, que la voix s'éloigne. Puis, je sortis des cabinets, en vérifiant s'il n'y avait pas de flics dans les environs.

 – Ok, Johnson, go.

Je marchai jusqu'au hall principal, de manière extrêmement naturelle et pas du tout tendue. Certains infirmiers me regardaient de travers, mais sans plus. Quelle bande d'ânes. 

– Eh, vous ! Ne le laissez pas sortir bon sang ! cria une voix forte derrière moi.

Je sursautai, et me retournai avec un sourire crispé. L'effet de surprise passé, je vis un infirmier se précipiter pour verrouiller la porte, tandis que le gendarme qui avait crié piquait un sprint à la Usain Bolt pour me rattraper. 

Panique à bord. Je tentai une esquive en me jetant à sa droite... ce qui marcha, à mon grand soulagement. En même temps, vu ma taille, c'était difficile de m'avoir... triste vie. Je me redressai en vitesse, et, faisant fi de mon asthme, je courus en direction d'un couloir au hasard total. J'espérais juste qu'il y avait une porte de sortie.

CAVALEWhere stories live. Discover now