Chapitre 3 : - " Cours tant que tu peux "

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J'ai stupidement espéré qu'il ne m'ait pas vu. Il était grand, très grand. Sa taille devait dépasser les deux mètres. Sa chemise blanche scintillait presque sous la lueur bleutée, et se détachait de son gilet, de son pantalon et de ses chaussures noires. Il portait un masque en forme de bec de corbeau, et, dans sa main droite, une longue machette. C'était la seule chose qu'il me fallait pour me faire partir en courant.

 J'ai couru comme un idiot à travers le hangar, le souffle court. Lorsque je ralentissais, je pouvais entendre de lourds bruits de pas derrière moi. Une peur panique m'envahit. J'entendais ses semelles s'enfoncer dans la neige avec un crissement sinistre. Alors j'accélérai, faisant fi de la douleur à mon bras qui repointait le bout de son nez à force de le serrer contre moi.

 Après quelques instants de flottement, je vis un escalier montant aux passerelles qui entouraient les murs du hangar. N'ayant absolument pas le temps de réfléchir, je piquai un sprint vers celui-ci, et m'y engageai. Mes chaussures faisaient un boucan d'enfer contre les marches métalliques. Je courais à en perdre haleine. Je sentais la sueur couler le long de mon visage, et, j'avais beau forcer sur mes poumons, l'air avait beaucoup de mal à circuler. Arrivé sur les passerelles, je me mis à ralentir progressivement, le temps d'analyser l'étage. Les passerelles faisaient le tour du hangar, et certaines d'entre elles étaient équipés d'une échelle. Juste en face de moi se trouvait une porte en métal. J'avais trouvé mon objectif.

 Un sifflement retentit à quelques centimètres de mon oreille. Je me stoppai net, et me rendis compte que c'était une très mauvaise idée quand la lame s'enfonça dans mon épaule. J'étouffai un cri de douleur en portant ma main à ma blessure, et tombai en avant. Mes jambes n'arrivaient plus à soutenir mon corps. Deux mains me saisirent brutalement, une au col de ma chemise, et une autre sur mon autre épaule. Il me souleva brusquement, et me colla contre son torse, plaçant la lame sous ma gorge. 

 J'étouffais complètement. Des sifflements saccadés sortaient de ma bouche que je n'arrivais plus à fermer. Mes yeux s'emplirent de larmes, et je portai ma main à ma gorge, bloquant la lame du fou furieux. Celui-ci se stoppa net, et, après quelques secondes de latence, se mit à farfouiller dans ses poches. Ma vision commençait à se troubler, et plus aucun son ne sortait de ma bouche. Finalement, il retira sa main de sa poche, et en sortit un petit objet bleu clair qu'il porta à ma bouche. Je serrai les dents contre extrémité de l'objet, et sentis qu'il était en plastique. Une odeur singulière s'en dégageait. Puis, il pressa un bouton, ce qui produisit un bruyant soufflement, et je sentis une vague de froid m'envahir l'intérieur de ma bouche. De la ventoline.

 En quelques minutes, mon souffle reprit. Ses bras, jusque-là crispés contre moi, se détendirent. Il me prit doucement par les épaules, et me fit m'asseoir. Complètement confus, je me laissais entièrement faire, ma main toujours sur mon épaule sanguinolente. Il défit le premier bouton de ma chemise, et approcha son visage du mien. Je pouvais apercevoir, à travers les trous des yeux de son masque, deux iris d'un bleu profond.

 - Cours tant que tu peux. Déclara-t-il avec un fort accent anglais.

Puis, il se releva, ramassa sa machette, me jeta la ventoline et, après avoir redescendu les marches, disparut dans l'obscurité du hangar.

Je restai confus pendant un certain temps. Mes deux bras me faisaient maintenant souffrir, l'un à cause du tas de métaux, l'autre à cause du coup de machette porter à mon épaule. 

- Pourquoi il avait une ventoline ?... Murmurai-je.

«  Cours tant que tu peux ». Cette phrase était aussi rassurante que menaçante. Pourquoi me sauver d'une crise d'asthme sûrement mortelle juste après m'avoir planté l'épaule ? Pourquoi prendre la peine de m'asseoir et de me laisser respirer en déboutonnant ma chemise juste après m'avoir menacé de décapitation ? Ce type ne tournait clairement pas rond, et j'avais la désagréable impression que je commençais à perdre la tête également. 

 Cela faisait au moins deux heures que j'étais assis là, dans la neige, la main contre l'épaule – qui ne saignait presque plus-, la chemise à moitié déboutonnée, le regard dans le vide. J'avais terriblement froid. Peut-être qu'en essayant de me souvenir de quelque chose, un souvenir, même le plus insignifiant, pourrait me donner un indice de la raison de ma présence ici ....




Il se massa l'épaule.

- Vous savez, commença l'homme face à lui, vous ne me faciliter pas la tâche. J'ai comme l'impression que vous n'avez aucune envie de vous souvenir.

CAVALEWhere stories live. Discover now