Chapitre 5- : Interlude.

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Je ne me souviens même pas avoir crié.

Je me suis simplement crispé d'un seul coup, la douleur fusant comme un choc électrique partout dans mon corps. J'ouvris la bouche, mais seul un râle en sortit. Ma vision se brouillait tandis qu'il me laissait tomber à genoux sur le sol. Après un fulgurant coup de pied dans l'estomac, je perdis connaissance.


Une chaude lumière orangée éclairait faiblement la pièce. Je voyais complètement flou, et un mal de crâne tambourinait comme un marteau-piqueur. Je tentai de me relever, mais une douleur quasi insoutenable m'en empêchait. Je retombai sur ce qui semblait être un lit deux places en poussant un gémissement.

Je portai ma main à ma présumée blessure, pour me rendre compte que ma chemise était ouverte. Un peu surpris, je vis que ma blessure avait été pansée et bandée dans les règles de l'art. Je poussai un soupir, mêlant soulagement et fatigue. Après un court instant de repos, je me remis à réfléchir, même si mes pensées étaient brouillées par cette fichue migraine. Soit il y avait quelqu'un en plus de l'autre taré qui était vraisemblablement de mon côté, soit il était définitivement schizophrène. Dans tous les cas, je ne comprenais absolument rien de ce qu'il se passait ici.

Je devais reprendre des forces. Mes bras allaient mieux, mais je sentais tout de même une très désagréable douleur au poignet. Mon sauveur, peu importe qui, avait certainement oublié ça.

– Mon vieux, t'es dans un sale état... soupirai-je pour moi-même.

Ma tête tournait incessamment, et j'avais l'impression de devenir fou. Un miroir, situé un peu trop haut pour que je puisse voir mon reflet, me faisait de l'œil. Si j'arrivais à me redresser, je pourrais voir à quoi je ressemblais... ça pourrait quand même être un sacré soutien moral.

Le fait d'être posé, au calme, me donnait une bonne occasion d'échafauder des théories. J'avais tout d'abord pensé à une vengeance. Vengeance de quoi, bonne question. Mais ça faisait tout de même partie de mes théories les plus rationnelles... et des plus communes. J'ai aussi pensé à un maniaque, qui a décidé que faire courir un type amnésique dans les couloirs d'une usine désaffectée, ça pouvait être rigolo. Ça collait bien au personnage, dans tous les cas. Dans le même genre, une expérience où j'ai délibérément choisi de perdre la mémoire pour étudier les réflexes et l'instinct de survie humaine ? De moins en moins crédible.

Un bruit sourd me tira de mes pensées. Épuisé, je fermai les yeux et fis semblant de dormir. J'entendais des bruits de pas se rapprochant de la porte, puis, celle-ci s'ouvrit, et se referma après quelques secondes. Quelqu'un était entré ? Je ne vérifiais pas, préférant rester statique... et heureusement. Les bruits de pas reprirent, mais dans la pièce où j'étais. Il était donc bel et bien entré. Je faisais de mon mieux pour avoir une respiration naturelle, comme quelqu'un en train de dormir, mais c'était assez compliqué. Après presque une minute de silence total, il déposa quelque chose sur le lit, puis sortit de la pièce. J'attendis deux ou trois minutes, avant d'être sûr qu'il soit partit. Après m'être assuré d'être à nouveau seul, je jetai un regard dubitatif à ce qu'il avait posé sur le lit. Un journal. Je l'attrapai avec beaucoup de difficulté, chaque mouvement me faisant atrocement souffrir à cause de ma blessure. La première chose que je fis après l'avoir ouvert fut de regarder la date de parution. Dix-huit novembre deux mille quinze. La température du hangar et la neige présente à l'intérieur – je n'ai d'ailleurs toujours pas d'explication du comment est-elle arrivée DANS un bâtiment – signalant que nous étions en hiver, donc environ un, deux voire trois mois d'écart. À quoi un journal qui datait d'autant de temps pouvait m'être utile ?

– Tu sais quoi . Arrête de te poser des questions. grognais-je.Je promenai mon regard sur les articles. Rien d'intéressant, jusqu'à ce que je tombe sur un article parlant d'une « disparition inquiétante ». Ça ne pouvait pas être un hasard.




« C'est la nuit du seize au dix-sept novembre qu'un homme du nom de Conrad MacOwwen disparaît de son domicile à XX rue XXX, à XXX. Après une longue enquête les autorités locales n'ont trouvé aucun indice qui permettrait de retrouver l'homme, à part son appartement en désordre et »

J'abrège, voulez-vous ?

« [...] le suspect principal de l'affaire était un certain Camille Auswald, mais celui-ci n'a pas montré signe de vie depuis le mois dernier. La police est à cours de suspect, et a donc classé l'affaire comme « affaire sans suite ». »

Il referma le journal, et, comme à son habitude, redressa ses petites lunettes rondes sur son nez.

Qu'en pensez-vous, mon cher ? Qui pensez-vous être ?

Le regard neutre, il répondit machinalement.

Je n'en sais pas plus que vous.

Répondez, voyons. Je sais que vous en pensez forcément quelque chose... seuls les morts ne pensent plus à rien.

C'est peut-être le cas...

Il s'accouda à la table, et lança un regard mauvais à l'homme à lunettes.

– ... je suis peut-être mort. Vous en pensez quoi vous ?

Il répondit par un silence évocateur.

Vous en pensez forcément quelque chose... n'est-ce pas .

Bien, reprenons. le coupa presque l'homme à lunettes. Calmez-vous. Respirez un grand coup, faites le tri dans votre tête. Je sais que tout cela n'est pas facile à gérer.

Il ferma les yeux quelques instants, pour les rouvrir brutalement. Son regard avait changé. Il secoua lentement la tête en signe d'obtempération.

Vous vous montrez enfin raisonnable. Alors, qui ?

Il regarda pendant quelques instants l'homme droit dans les yeux, puis, baissant la tête, posa son doigt sur l'un des deux noms.

Ah ! Vous pensez ?...

J'en suis sûr, docteur. 

CAVALEWhere stories live. Discover now