3 ; accent et convoitise.

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— Salut Amanda.

Amanda redresse instantanément la tête, et elle manque presque de faire tomber le plateau de beignets qui se trouve entre ses mains. Leroy se tient devant le comptoir avec un sourire qui lui retourne le cœur. En le voyant dans son long manteau bleu et son col roulé marron, les commissures de ses lèvres s’étirent tout naturellement. Cet homme est tellement élégant qu’il ferait passer tous les mannequins de cette planète pour des contrefaçons. Car il est indéniable que son charme et sa beauté sont eux de véritables œuvres d’art.

— Salut Leroy, Amanda prononce avec un peu trop d’entrain—comme presque à chaque fois qu’elle s’adresse à lui, en fait. Un cappuccino ?

Leroy ascquiece tandis qu’elle range soigneusement toutes les pâtisseries dans les vitrines.

— Tu commences à bien me connaître à ce que je vois.

Ils ont laissé tomber le vouvoiement au moment où ils se sont rendus compte qu’ils avaient à peu près le même âge.

— Et oui, bientôt je saurai tout de toi, Amanda plaisante en essayant de prendre un ton menaçant.

Leroy éclate de rire comme si elle venait de faire la vanne du siècle, et ses yeux se teintent d’une lueur particulière. Ils ne cessent pas de blaguer et discutent de tout un tas de choses pendant que Amanda prépare la commande. Elle se trouve vraiment chanceuse, parce que les clients ne sont pas très nombreux le samedi matin alors ils peuvent bavarder plus longuement qu’à l’accoutumée. Ils sont en train de débattre au sujet du papier peint immonde qui recouvre la salle lorsque Leroy s’interrompt. Il plante ses yeux noisette dans les siens et penche légèrement la tête.

— Au fait, ça fait longtemps que tu travailles ici ?

— Presque presque six mois, Amanda avoue en continuant de verser le mélange de mousse au lait et de lait chaud aéré sur le café. Depuis que j’ai emménagé à Manchester pour mes études, en fait.

— Ah, Leroy hoche la tête, puis il se mord l’intérieur des joues. Je peux te demander où est-ce que tu vivais avant ou c’est trop bizarre ? T’as le droit de ne pas me répondre si tu ne veux pas.

Amanda ne peut s’empêcher de sourire tandis qu’il passe une main dans ses cheveux. Elle a remarqué que Leroy fait preuve d’une mobilité excessive lorsqu’il est nerveux—ce qui est pratiquement toujours le cas—et elle trouve ce trait de sa personnalité vraiment mignon. Sans oublier que sa complaisance la touche beaucoup.

— Non, tout va bien, Leroy, Amanda sourit pour le rassurer. J’habitais en France. En fait, je suis française. Enfin, juste à moitié parce que mon père est britannique.

— Ouah, Leroy rit, agréablement surpris, puis il ajoute en français. Je ne pensais pas que je trouverai une amie française dans un café anglais.

— Tu es français aussi ? Amanda écarquille les yeux, et le sourire qui incurve ses lèvres ne la quitte plus.

Elle se fiche bien de paraître niaise devant Leroy à présent. Elle continue d’écrire son prénom sur le gobelet en polystyrène—car elle a suspendu tous ses gestes sous le coup de l’étonnement—tandis qu’il effectue une petite grimace. Et bon sang, même cette expression sur son visage lui donne l’air attirant.

— Pas complètement non plus, Leroy répond. Je suis allemand, mon père est français. Mais j’ai des difficultés à bien m’exprimer dans cette langue.

— Allemand ? Amanda arque les sourcils, puis elle secoue la tête avec un petit rire. J’aurai dû m’en douter.

Face à son regard interrogateur, Amanda se voit obligée de lui révéler ce à quoi elle a réfléchi pendant des jours entiers, au risque de passer pour une psychopathe obsessionnelle. Et alors qu’elle lui tend son cappucino fumant et qu’il la remercie chaleureusement, elle se contente de hausser les épaules.

— Je veux dire, tu as un petit accent. Il n’est pas très perceptible, mais je l’ai quand même remarqué.

Le sourire de Leroy s’agrandit aussitôt à son commentaire, et Amanda se maudit intérieurement. Elle vient en quelque sorte de lui faire comprendre qu’elle fait même attention à la manière dont il prononce les mots, et il peut interpréter sa phrase comme étant du flirt—et ça l’est peut-être, mais de façon tout à fait involontaire. Son regard amusé pétille, mais l’intensité qu’il contient perturbe tellement Amanda qu’elle se sent rougir. Et avant de porter son gobelet à ses lèvres, Leroy laisse échapper un léger rire :

— La prochaine fois, je ferai en sorte de passer inaperçu.

Comment lui dire que même s’il gommait son délicieux accent, il ne pourrait jamais échapper aux regards de convoitise qu’il suscite ?

CAPPUCCINO┃l.sané (✓)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora