PROLOGUE

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Magnus fixa une dernière fois sa silhouette dans le miroir, la mâchoire crispée du dégoût qu'il ressentait pour lui-même. Il examina ses cheveux impeccablement coiffés, le tracé parfait de son khôl, le sur-mesure de sa veste et ses ongles joliment peignés d'un noir de jais. Demandez à n'importe : il n'avait jamais été aussi beau, aussi ténébreux, aussi attrayant. Et pour qui ? Pour son père. Celui dont il avait, à son plus grand regret, hérité la beauté. Le noir de ses yeux respirait l'empire infernal dont Asmodée était le prince, sa bouche tentatrice pour laquelle bon nombre de personnes avaient déjà succombé, relevait de la luxure propre à ce même géniteur et ses iris dorées si similaires à ceux d'un chat, prônaient la fourberie et le charme que l'on retrouve dans les maisons de jeu.

Oui, c'était indéniable. Magnus Bane ressemblait à son père. Et c'est sûrement ce qui le poussa a envoyé son poing dans le miroir, brisant son reflet en même temps que le morceau de verre en une cinquantaine d'éclats. Il se détestait pour s'être laissé aller à se préparer ainsi pour le simple plaisir d'un homme qui ne l'avait jamais vu autrement que comme un trophée. Le fruit de ses entrailles, l'accomplissement même de sa puissance, l'héritier de son royaume. Il aurait dû jouer la carte de la provocation, apparaître aussi peu soigné que possible. Et c'est ce qu'il aurait fait s'il n'avait pas eu la certitude que demander de l'aide à Asmodée était leur seule chance de s'en sortir. Il était très rare que Magnus s'abaisse à de tels extrêmes, mais avait-il réellement le choix ?

Il observa sa main en sang, ses phalanges entaillées Il lui serait aisé de dissimuler les dégâts sous un coup de magie, mais il n'en fit rien. Il allait se rendre aux Enfers, il aurait besoin de toute son énergie et la douleur de ces coupures, aussi futile pouvaient-elles être, lui rappelleraient qu'il était en partie humain. Et que, contrairement à ce qu'essaiera sans doute de lui faire croire son père, il n'avait pas à s'abandonner à sa part démoniaque pour jouir pleinement de sa condition de sorcier et de sa vie d'immortel.

Il quitta le couloir de l'entrée sans se soucier des morceaux de miroir qui gisaient sur le sol et crissaient sous ses bottes. Il rejoignit la petite pièce où il recevait ses clients et qu'il avait réaménagé pour désencombrer le cœur de l'espace. Il prit une profonde inspiration, autant pour se mettre en condition que pour ravaler les larmes qui lui montaient aux yeux.

Alexander allait le détester.

Mais si c'était le prix à payer pour le savoir en sécurité, lui et les personnes qu'ils aimaient, alors Magnus s'y plierait sans hésiter. Les bras contre ses flancs, il ouvrit les mains et commença à concentrer sa magie vers ses paumes.

- Tu comptais me le dire quand ?

La voix qui résonna derrière lui le fit sursauter. Il n'aurait pourtant pas dû être surpris. Il n'avait répondu à aucun des trois appels qu'Alec lui avait passé dans la matinée, ni aux sept textos qu'il lui avait envoyés. Mais naïvement il avait espéré que le chasseur d'ombres se satisferait de ce silence jusqu'à ce soir. Le temps pour lui de partir. C'était sans compter l'obstination légendaire d'Alec.

Magnus eut tout le mal du monde à se retourner et pendant une seconde, il s'imagina même poursuivre son sortilège sans se soucier de la présence de son petit ami. Il n'était pas prêt à lui dire au revoir, à faire face à ses grands yeux clairs pour lesquels il allait, littéralement, se damner. Mais ce fut pour ces mêmes iris envoûtantes qu'il se retourna, incapable de résister à l'envie d'y plonger.

Il découvrit Alec dans l'encadrement de la porte, les cheveux en batailles, les yeux noircis par la colère et les poings serrés. Tout son corps tremblait mais Magnus ignorait si cela été dû à la course rapide qu'il avait dû faire depuis le centre de New York jusqu'ici ou à la peur, la rage d'avoir été trompé.

Only One || MalecDonde viven las historias. Descúbrelo ahora