Chant 34 - La tête vers le ciel, campé

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— Alors, tu as replongé ? Il a suffit qu'il te fasse les yeux doux et c'est reparti comme en quarante ?
À peine rentrée chez elle, malgré l'heure tardive, la Boulette s'était ruée sur le téléphone. Elle devait en parler à quelqu'un, garder ça pour elle allait la rendre folle. Sa main était restée un instant suspendue au dessus du combiné avant de décrocher. Qui allait-elle appeler pour partager la nouvelle ?

Pour un soutien sans faille, ce serait la petite Réunionnaise, celle-ci manquerait sans aucun doute d'objectivité, elle plaiderait fait et cause pour son grand-frère. N'avait-elle pas implicitement encouragé cette relation ? Sa grande bringue de confident se ferait plaisir de lui porter un coup de pied dans le fondement sans ménagement si elle avait le malheur de lui raconter les derniers événements, mais elle n'était pas maso à ce point. Le choix le plus neutre serait sa nouvelle amie du centre de loisir, mais il lui faudrait raconter une nouvelle fois son histoire par le menu, rien que cette idée la décourageait. Il restait sa copine de lycée, la fleur-bleue intransigeante. Elle était suffisamment au parfum pour avoir un avis objectif, son goût pour les histoires d'amour romanesques la rendrait peut-être plus indulgente face à sa faiblesse, et son intransigeance envers le sexe opposé la remettrait sans hésitation sur le droit chemin si besoin. La réaction ne s'était pas faite attendre. Son côté intraitable avait pris le dessus sur son côté sensible et la Boulette s'en mordait déjà les doigts. Pour la compassion elle pourra repasser.
— J'ai pas "replongé", répondit-elle, un poil exaspéré, je lui laisse une chance, j'arrête quand je veux avec lui !
— Il prend ton cœur pour un hôtel de passes !
— Mais... non... il a été adorable ces derniers jours, il s'est excusé, il a quitté sa copine...
— Pourquoi tu me demandes mon avis, si tu as déjà pris ta décision ? Si tu attends seulement mon approbation, vas-y, c'est ta vie, fais ce que tu veux.

Ce n'était pas vraiment la réponse qu'elle espérait mais cela ne l'étonnait pas plus que ça venant d'elle. La Boulette aurait dû s'y attendre. Sa copine n'avait pas pour habitude de faire dans la demi-mesure. Sa répartie avait au moins eu le mérite de la fixer sur ce qu'elle désirait vraiment. Elle irait jusqu'au bout de cette aventure, quitte à s'y brûler les ailes. Si elle ne sortait jamais de sa zone de confort, autant s'enfermer dans un cercueil de verre et attendre que passent les années complètement anesthésiée. Il était loin du Prince Charmant, il ne viendrait pas la sauver d'un chaste baiser mais d'une manière assez bizarre, il semblait tenir à elle. Alors, malgré son discours sur les sentiments qu'elle éprouvait ou non pour lui, elle était loin d'être insensible. Elle pensait que, pour une fois, l'histoire qu'elle vivait était bien réelle, qu'elle n'était pas issue de son imagination. Pour une fois, elle avait franchit le pas avec un garçon, elle ne s'était pas contenté de le regarder à distance. Peut-être qu'elle ne retrouverait jamais plus quelqu'un pour la serrer dans ses bras comme il l'avait fait. Si elle n'était pas vraiment amoureuse, si son coeur ne se serrait en sa présence que parce que ses attentions la touchait, ça lui épargnerait, au moins, la douleur vive de la séparation quand elle arriverait. Parce que forcément, elle arriverait, on ne restait pas à vie avec son premier "petit ami".
— Oui, t'as raison, je sais ce que j'ai envie de faire. Assena-t-elle, prise d'une nouvelle détermination. Elle s'était enfin désembourbée de son indécision.
— J'espère que tu ne vas pas le regretter... soupira-t-elle, ayant deviné son intention.

Elle ne voulait rien regretter alors elle avait mis de côté ses appréhensions et s'était de nouveau jetée à corps perdu dans cette liaison. Dès qu'elle avait un peu de temps libre, elle l'appelait, et il répondait presque toujours présent. Comme le froid s'installait, la petite Toyota avait remplacé leurs balades nocturnes à pied. Ils roulaient sans but précis, s'arrêtant quand ils dénichaient un endroit propice aux étreintes. Elle n'avait attendu que quelques semaines avant de lui céder à nouveau. Jusque là, Il l'avait laissé prendre les rênes, ne la brusquant jamais, il semblait apprécier qu'elle prenne les initiatives, ne s'enhardissant que lorsqu'elle lui en laissait la latitude. Elle lui en laissait beaucoup car elle devenait de plus en plus avide de ses caresses, de ses baisers. Elle poussait le flirt chaque fois un peu plus loin, ayant de plus en plus de mal à se séparer de lui.

Jolie Petite HistoireOn viuen les histories. Descobreix ara