Chant 23 - Moitié ouverte, moitié fermée

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La réunionnaise sortit la première de sa torpeur.
— Allez, maintenant qu'on t'a trouvé des fringues, direction la douche... parce que, franchement, tu ne sens pas la rose !
Sympa la copine ! Oui, bon, d'accord, elle avait déjà été plus fraîche, mais quand même, elle pouvait y mettre les formes, non ?
— Au fait, pour info, ma mère t'invite à manger.
— Cool ! Laisse-moi juste le temps de prévenir mes parents.
— OK mais dépêche-toi, c'est bientôt prêt.
Qu'elle était autoritaire aujourd'hui !
Elle s'exécuta mais non sans un grognement outragé, même si, elle devait l'admettre, une bonne douche ne pouvait que lui faire du bien. C'est donc le drap sous le bras, ressemblant à un pêcheur à pied en été, qu'elle se dirigea vers la salle de bain. Elle se sentit revivre sous le jet bienfaisant, l'oiseau qui avait fait son nid sous son cuir chevelu s'était envolé, l'odeur de la boîte de nuit qui lui collait à la peau s'évaporait. En sortant de la douche, la seule chose qu'elle ruminait encore, c'était le comportement de son pirate. Il avait été bien trop conciliant pour être honnête. Les mots qu'il lui avait susurrés à l'oreille la perturbaient un peu. Il ne semblait avoir aucun doute sur le fait qu'elle lui retomberait toute crue dans les bras.
Elle en était là de ses réflexions quand un petit coup fut frappé à la porte. Sa copine était décidément peu patiente aujourd'hui ! Elle s'habilla en vitesse.
— Oui, c'est bon, tu peux entrer, j'ai fini!
— C'est si gentiment proposé !
Elle le savait ! Elle le savait, qu'elle n'en aurait pas fini avec lui. Qu'il reviendrait à la charge ! Que mijotait-il ?
Il s'approcha d'elle à presque la toucher. L'espace confiné de la salle de bain lui sembla de plus en plus oppressant. Il était beaucoup trop près d'elle pour pouvoir lui résister bien longtemps. Elle sentait son pouls pulser contre ses tempes, et dans son estomac, un petit singe faisait des triples sauts à mesure que les effluves de son parfum musqué parvenaient jusqu'à elle. Malgré les multiples déconvenues qu'il lui avait fait subir, il l'attirait irrémédiablement. Il n'était pas indifférent non plus, sinon il ne chercherait pas sa compagnie aussi souvent, n'est-ce pas ?  Ce qui restait un mystère, c'est pourquoi il semblait subir lui aussi une attraction. Ses complexes avaient la vie dure et elle avait beaucoup de mal à admettre qu'un homme tel que lui puisse avoir envie d'elle. Elle fouilla son regard en quête d'une réponse. Son visage arborait un air sérieux qu'elle ne lui avait jamais vu jusqu'ici. Elle le connaissait moqueur, enjôleur, parfois hautain et sûr de lui mais là, le sentiment qui se lisait dans ses yeux était inédit et difficilement déchiffrable.
Alors, il plaqua ses mains de part et d'autre de son visage et l'embrassa avidement. Sa langue se fit insistante et elle se laissa gagner par son désir, agrippant à son tour la nuque de son corrupteur. Reprenant son souffle, il murmura contre ses lèvres.
— Demande-moi d'arrêter, dis-moi que tu n'en as pas envie et on en finit là.
C'était bien là le nœud du problème, c'est qu'elle ne savait pas ce qu'elle voulait.
— Qui ne dit mot, consent, continua-t-il. Cette chemise te va mieux qu'à moi mais elle est de trop...
Il entreprit d'en défaire un à un les boutons, ses doigts effleurant son épiderme hypersensible. Chaque baiser déposé sur  les parcelles de peau ainsi découvertes faisait naître un frisson électrique le long de son échine. Il dénuda ses épaules et posa ses lèvres à la base de son cou. D'empressées, ses caresses se firent plus douces, comme s'il avait senti que sa rudesse allait l'effaroucher. Il tenait sa promesse de se faire plus tendre, mais avait-elle envie de succomber si vite ? Elle n'avait encore rien décidé et sa petite voix intérieur s'indignait de la voir se laisser porter par les chaudes sensations qu'il suscitait. Le petit singe qui avait investi le creux de son ventre faisait du trapèze désormais. Mais le moment était très mal choisi, quelqu'un finirait bien par se demander pourquoi elle mettait autant de temps à sortir de la salle de bain. Elle enserra ses biceps, hésitant entre l'attirer ou le repousser. Bien malgré elle, il arrivait à la convaincre qu'elle avait du charme. Elle qui fuyait son reflet dans le miroir, se sentait désirable quand il la touchait. Elle était dopée à cette sensation et n'avait pas la force d'y échapper.
Trois nouveaux coups furent à frappés à la porte. Elle accueillit cette interruption presque avec soulagement.
— On ne peut jamais être tranquille, soupira-t-il. Sors en premier et ferme la porte, elle ne saura pas que je suis là.
Voilà qu'il voulait se cacher, maintenant. Il n'avait pas eu de scrupule, tout à l'heure, devant sa sœur. Elle lui coula un regard peu amène, mais, voulant éviter un esclandre, elle se plia à sa demande.

Jolie Petite HistoireWhere stories live. Discover now