Chant 27 - Elle vint chez moi en plein hiver

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Enfin, les vacances de Noël arrivèrent, elle avait continué à faire l'autruche en occultant que le "malbarré" non plus n'avait pas cherché à la joindre.

Malgré le froid piquant il n'y eut pas de neige cette année-là. Elle n'aimait pas l'hiver à Paris, trop souvent synonyme de grisaille, de pluie qui vous glaçait les os et de végétation en berne. Seule la neige parvenait parfois, pendant quelques heures, voire quelques jours, à égayer le tout. Alors que les parisiens râlaient à propos du bazar qu'elle provoquait sur les routes et dans les transports, alors que la couverture blanche finissait toujours par se transformer en une infâme bouillasse grisâtre sous les piétinements impitoyables de la foule ; la Boulette se réjouissait toujours de sa venue. Autrement, il n'y avait que le tout début de l'hiver qui trouvait grâce à ses yeux : quand les rues se paraient de lumières scintillantes et que les vitrines des commerces arboraient leurs décorations festives rouge et or. Elle trouvait même charmantes les scénettes un peu kitch composées  de bonhommes de neige, de Pères-Noël et de paysages bucoliques. Les journées étaient grises mais les nuits étaient brillantes.
La nuit camoufle pour quelques heures la zone sale et les épaves et la laideur*. Bouclait la chanson dans sa tête.

C'est par une de ces froides nuits d'hiver que les Périgourdins arrivèrent avec armes et bagages en apportant un peu de chaleur dans le petits trois pièces de ses parents. En un instant, la calme soirée qui s'annonçait, se transforma en joyeux charivari. Les bises claquaient sur les joues rebondies, les exclamations aux accents chantants fusaient et les yeux pétillaient de la joie des retrouvailles. Et elle le vit, son ami d'enfance, son complice, son premier "amoureux". Elle eut un temps d'arrêt devant lui tant il avait changé. Il avait perdu sa bouille de gamin farceur, il avait pris des épaules et surtout, il avait beaucoup grandi.
— Alors petite ? Tu ne viens pas me faire un gâté ? lui lança-t-il en ouvrant les bras.
Elle s'y jeta avec allégresse. Comme il lui avait manqué. Il referma ses bras sur elle en une étreinte qu'elle savoura avec délectation. Le nez dans son cou, elle huma son parfum qui lui était inconnu mais enivrant, et déposa un petit bisou sur sa mâchoire qui s'ornait désormais d'un petits duvet piquant. Elle rechargeait ses batteries émotionnelles dans ce câlin qu'elle aurait voulu éternel. Mais il prit fin beaucoup trop rapidement et c'est à regret qu'elle se détacha de lui. Dans un sourire canaille qui lui rappela le garnement qu'il avait été, il lui fit un clin d'œil discret et son cœur d'artichaut manqua un battement.  
La petite sœur aussi avait beaucoup grandi, ses grands yeux bleus étaient cachés sous des lunettes à fines montures et ses boucles blondes avaient été coupées court, formant un halo autour de son visage de chérubin, même si elle était un peu plus réservée que son frère, l'accolade avait été chaleureuse.

Pendant une semaine, il faudrait se serrer un peu. Les parents pendraient leur quartiers dans la chambre de la Boulette, les "jeunes" devraient se partager à trois le canapé-lit du salon. Ce qui promettait de longues nuits blanches ponctuées de rires, d'histoires et de rattrapage de temps perdu. Cette nuit-là, longtemps après que la petite sœur se soit endormie, ils continuèrent à discuter en se racontant leur vie, la tête sur l'oreiller, les yeux dans les yeux. Il lui fit part de ses projets de s'engager dans la marine, être sur un bateau pratiquement toute l'année le faisait rêver. Il avait l'air si déterminé qu'elle garda pour elle ses appréhensions, ses parents lui avaient sûrement suffisamment fait la leçon... Elle espérait de tout cœur ne jamais avoir à aller le repêcher au fond de l'océan. Elle lui parla de son nouveau boulot, de ses nouveaux amis, de ses cours, mais, ne voulant pas entacher le peu de temps à passer ensemble, elle n'évoqua pas son histoire sordide avec le jeune réunionnais. Elle savait qu'il monterait aux créneaux comme un chevalier en armure pour sauver son honneur si elle avait le malheur d'aborder le sujet. Quand tous deux, épuisés, finirent par se taire, c'est la main dans la main sous la couverture, comme autrefois quand ils dormaient l'un chez l'autre, qu'il finirent par rejoindre les bras de Morphée.

Jolie Petite HistoireDonde viven las historias. Descúbrelo ahora