CHAPITRE QUARANTE-HUIT .5

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Elle utilisa sa connaissance des sentiers pour rejoindre la maison du meunier. Un fort bâtiment de pierre avait été construit au pied de l'arbre, un entrepôt capable d'engranger la moitié de la récolte de l'arbre sans aucune difficulté. Un autre bâtiment tout aussi solide abritait la meule.

Là aussi, Tranit vit quelques gardes armés qui surveillaient les alentours. Deux chariots étaient en train d'être chargés de farine pour le maître-boulanger d'Outre-berge.

Tranit se dirigea directement vers les habitations du personnel et trouva la vieille servante de son père qui s'apprêtait à rejoindre les cuisines. Tranit eut du mal à calmer ses jérémiades, la pauvre vieille n'en revenant pas de voir sa ville changer si brusquement.

Tranit la consola et parvint à se faire conduire aux affaires de son père. Après quelques fouilles, elle retrouva son propre nécessaire à tailler le quartz et quelques accessoires et parties de rechange. Elle emballa le tout et prévint que son père passerait peut-être d'ici quelques jours.

Elle réfréna la joie de la vieille servante et partagea quelques embrassades sonores avec elle avant de pouvoir remonter en selle. Le meunier était sorti sur le pas de sa porte, ayant eu du mal à la reconnaître.

Tranit échangea quelques mots avec lui avant de s'excuser et de reprendre son chemin. Elle rejoignit la route qui longeait le rempart. La porte ouest était fermée, comme annoncé, et fortement gardée par des volontaires ayant rejoint la milice, donnant à l'endroit l'air oppressant d'une prison.

Tranit entraîna les filles à sa suite au petit galop sur le chemin bien dégagé et elles rejoignirent la porte nord en un rien de temps, au milieu d'une circulation clairsemée.

Il n'y avait qu'aux abords de la porte, là où se trouvaient les maisons des manœuvriers de maître Landre, que des hommes et des femmes étaient réunis, désœuvrés. Probablement une partie des licenciés du meunier qui s'avérait finalement un roublard pire que les autres. Qui aurait pu croire que ce maître dont tout le monde louait le calme et l'intelligence agirait ainsi. Le père de Tranit aurait sans doute été outré par ce comportement indigne. Les miliciens de service à la porte semblaient garder un œil attentif sur eux.

Tranit fut heureuse de quitter la ville. La seconde porte passée, elle eut comme une impression de fraîcheur. Elle retrouva son escorte au moulin, où quelques villageois venus faire moudre du grain à moindres frais la saluèrent. Tranit laissa à Adacie assez de temps pour faire envoyer quelques messages par transmetteur optique, avant de faire avancer sa petite troupe.

Adacie lui apprit que Benwan viendrait à sa rencontre aux abords du camp. La colonne se mit en route et tout sembla rentrer dans l'ordre.

La route était bien dégagée et correctement entretenue, les paysans qu'elle croisait semblaient bien occupés, mais ne transpiraient pas la misère ou la saleté comme cela était le cas à quelques pas de là, à Outre-berge.

Tranit écoutait les instructions données par ses enseignes, les commentaires d'Adacie à l'attention de Suwane, tous ces bruits qui faisaient partie de sa vie.

Après une petite demi-heure de trot, elle arriva en vue du campement établi par les troupes d'Erwan et vit une longue colonne de chars rentrer de manœuvres.

Benwan vint à sa rencontre sur un dorkis de belle taille. Il était couvert de poussière, mais son visage rayonnait de bonne humeur.

Lorsque Tranit le mit au courant de l'arrangement qu'elle espérait avec Laumit et sa nécessaire participation, le jeune seigneur afficha un sourire d'une joie extrême alors que ses yeux brillaient de mille feux.

Tranit sentit ses effluves l'atteindre. Il était en rut à la seule pensée de revoir son amie ! Elle retint un sourire qui en disait long, mais Benwan se calma et reprit ses esprits en négociant une partie de la production de lamelles pour ses propres besoins.

Lui aussi avait des dépenses bien plus importantes que prévu qui n'allaient pas s'arranger avec les renforts du prince. Tranit laissa Adacie en discuter avec Killian, le capitaine servant d'ordonnance à Benwan et ils tombèrent rapidement d'accord.

Adacie fit un petit geste à Tranit lui assurant que tout allait bien, aussi prit-elle congé de Benwan sur une solide poignée de main scellant leur accord. Quelques instants après, alors qu'elles reprenaient leur chemin au petit galop, Adacie s'approcha d'elle.

— Le commandant Benwan dispose d'une presse manuelle pour les munitions de ses chars, mais pas pour les armes de poings. Il fournira à votre amie quelques tiges pour les munitions des FLAPACA et paiera quelques lingots de laiton.

— Et nous pourrons bénéficier de ses munitions pour les fusils lourds ?

— Oui mon commandant. Nous allons surtout faire des munitions pour les pistolets, les fusils et les carabines et nous fournirons le commandant Benwan.

En échange, nous récupérerons des munitions pour les fusils lourds. Nous allons en avoir énormément besoin.

Tranit resta songeuse quelques instants, laissant ses idées lui flotter dans la tête.

— Nous, nous avons aussi une presse manuelle dans l'armurerie du régiment ?

— Oui, mais uniquement pour les armes de petits calibres et les réserves sont faibles, comme l'a précisé sa seigneurie.

— Et tu sais combien de munitions nous utilisons chaque jour ? Pour une journée normale ?

Adacie eut un petit rire.

— Je n'ai jamais compté, mais avec les différentes activités, les rotations entre les différentes compagnies, nous pouvons dire un bon millier de cartouches.

— Tant que ça ?

— Votre régiment compte près d'un millier d'hommes. Plus de la moitié d'entre eux doivent savoir utiliser un fusil ou un modèle de pistolet.

Pour parvenir à un niveau satisfaisant, chaque homme doit pouvoir s'entraîner deux fois par décade et tirer au moins une douzaine de balles.

Si nous combattons, vous verrez que toutes vos munitions seront utilisées en moins d'une journée. Si vous êtes moins entraînée, vous tirerez plus vite. J'ai vu une compagnie vider ses réserves en moins de deux heures par manque d'organisation. C'est tellement facile de vider un chargeur.

Tranit resta silencieuse encore de longues secondes, repensant à ce qu'Adacie venait de lui expliquer et se remémorant l'attaque de la ferme quelques jours plus tôt.

Oui, elle avait affronté une demi-douzaine d'hommes toute seule sur le rempart, les avait tués en si peu de temps, mais en dépensant toutes ses cartouches.

Sans Adacie qui se trouvait derrière elle, Tranit savait qu'elle ne serait jamais descendue vivante du chemin de ronde. L'un des derniers combattants l'aurait eue d'une flèche ou d'un coup d'épée.

Tranit poussa un petit soupir de dépit. Il y avait tant de choses auxquelles elle devait prendre garde.

— Tu as raison Kalonig. Mais nous ne pouvons pas faire autrement. Nous avons besoin de munitions, de beaucoup de munitions.

— Nous avons le laiton, les lamelles. Je vais obtenir des rouleaux pour fabriquer les tubes. Ils sont faciles à produire et pas trop chers.

— L'intendance peut en obtenir facilement ?

— Oui, cela devrait se faire aisément. Nous irons voir demain le colonel qui supervise tout ça.

— Tu t'en chargeras avec Suwane. Je n'aurais sans doute pas le temps. Je retournerai voir Laumit, j'aurais des choses à lui demander. J'ai quelque chose en tête. Laisse-moi un peu de temps et je vais tout t'expliquer.

Adacie approuva, rassurée. Si Tranit avait une idée, c'était forcément la bonne solution.

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant