Marie Sarda était parti depuis trois bonnes heures et son cadran était sur le point de sonner. Il n'arrivait cependant pas à ne serait-ce que fermer les paupières malgré ses yeux bouffis. Lorsqu'on l'avait emmené au Département des Affaires Sylves, après la découverte du cadavre, il avait compris qu'il n'avait pas été témoin d'un meurtre humain. Il leur avait répété une bonne vingtaine de fois son histoire, puis au moins le double de fois qu'il ignorait la raison de la présence de sa photographie dans la poche du manteau de ce sylve. Là-bas, on l'avait traité, non pas comme un témoin ou une victime, mais comme un criminel. D'ailleurs, ses poignets portaient encore les marques rouges des menottes qu'on lui avait passées. Il avait pensé que ses parents viendraient le chercher, puis au bout d'une demi-heure, il avait renoncé à les voir surgir.

Lorsque la porte s'était ouverte sur cette grande sylve mince au style vestimentaire pour le moins surprenant, il avait cru à une blague. 

Avec son tailleur blanc rayé de fines ligne oranges, sa courte crinière rousse et son air patibulaire, qui aurait pu la prendre au sérieux? D'autant plus qu'elle était monté sur des talons hauts si vertigineux, qu'il s'était demandé comment elle arrivait à ne pas se rompre une cheville. Et ses chaussures étaient blanches... Blanche et vernis à la pointe dorée. Une bien étrange femme qui, au final, s'était faite obéir au doigt à l'œil sitôt qu'elle avait montré son bague et annoncé qu'elle travaillait pour le gouvernement. 

Tristan ignorait par quel coup du sort cette sylve s'était retrouvée là, à prendre sa défense. Il avait été encore plus ébahis lorsqu'elle l'avait écouté attentivement et qu'elle avait semblé croire à son histoire.

Il en était encore à se demander ce que cette sylve lui voulait réellement lorsque son cadran sonna. Il l'éteignit avant de lui laisser le temps de lui annoncer l'heure, puis se rendit d'un pas lourd à la douche. La cabine se ferma derrière lui et le et se mit en marche lorsqu'il pressa un petit bouton, l'eau s'ajustant automatiquement à sa température corporelle. Il prit plus de temps dans la douche, cherchant à nouveau des réponses. Il avait bien tenté d'écouter la conversation entre ses parents et la sylve, mais même en tendant l'oreille et en restant près des escaliers, il n'était pas parvenu à saisir ne serait-ce qu'un mot de la discussion. C'était à n'y rien comprendre! 


Lorsqu'il sortit de chez lui, il était en retard. S'attendant à devoir courser le bus à nouveau, il fut surpris de retrouver stationnée dans l'entrée de la maison, une magnifique sportive... orange. Marie Sarda en sortit nonchalamment et lui fit signe de monter.

Il la détailla, éberlué. 

Aujourd'hui, elle portait une jupe crayon grise taille haute, une chemise translucide orange brûlé et un veston blanc. Ses chaussures... Ses échasses, se reprit Tristan en écarquillant les yeux tandis qu'il s'approchait de la sylve, était en velours blanc. La sylve portait sur le nez d'immenses lunettes de soleil argenté, assorti à sa montre faite du même métal. Une sylve... étonnante. Il avait l'impression de contempler une fashionista plutôt qu'une agente du gouvernement.

- Monte, je n'ai pas toute la journée.

Tristan s'exécuta maladroitement et dès qu'il eut refermé la boucle de la ceinture, elle démarra sur les chapeaux de roues, faisant peu de cas des limitations de vitesse.

- Où va-t-on? Demanda-t-il.

- À ton lycée.

- Heu.... Vous me conduisez à mon lycée? Demanda-t-il.

Était-il tombé dans un univers parallèle? Avait-il manqué un épisode de sa vie?

- Je te baby'sitt, dit-elle, ennuyée. J'ai un horaire surchargé, une montagne de dossiers à compléter, et pourtant, mon employeur m'a chargé de te servir de chauffeur, ce matin.

SYLVES - Les Enfants d'AstériaWhere stories live. Discover now