4. CADAVRE EXOTIQUE

Depuis le début
                                    

Si Darel n'avait pas été là pour moi aux funérailles de Liam, et au moment de la disparition de Keven, je ne crois pas que j'aurais été celui que je suis maintenant. Darel est un peu comme mon ange gardien. Il est ma famille. "


L'AN 2335 - PRÉSENT
Amérique du Nord - Régime Gouvernementale Sylve-Américain

Tristan avait traîné toute la journée au centre commercial, ignorant les immenses panneaux publicitaire incitant les gens à se payer une cure de jouvence, à acheter la nouvelle palette complète d'ombres à paupière Spirit Tree🅪 ou encore à se payer un voyage virtuel à Paradise Fairies🅪. Depuis que les sylves avaient pris le contrôle, il avait l'impression que l'humanité cherchait à leur ressembler. Les salons de coiffure proposaient des extensions capillaires faites à partir de cheveux sylves et les boutiques vendaient des marques dont les noms rappelaient sans détour les Autres. Même les sexshop offraient des produits basés sur la culture et l'apparence des sylves.

Il sortit du centre commercial à l'heure de fermeture alors qu'on annonçait l'approche imminent du couvre-feux général. Une pluie diluvienne recouvrait la ville d'un voile gris, assombrissant encore plus les environs et couvrant ce qui aurait pu être un magnifique ciel étoilé. Les oreilles bourdonnantes et la tête pleine de publicités mensongères, il courut, encore perturbé par son passage au centre commercial. Il n'y avait jamais vraiment mis les pieds, n'ayant pas la permission de s'y rendre les jours d'école, et la fin de semaine, trop pris pas ses cours de natation et ses amis.

Il s'était rendu compte qu'excepté les jeunes de son âge encore à l'école et les adultes ayant connu le monde avant l'arrivée des sylves, la majorité des jeunes adultes affichaient sans honte des cheveux colorés ou des longueurs capillaires étonnantes. La mode était à l'androgynie, à l'absence de pilosité, au teint parfait et aux prunelles larges. Beaucoup de gens, à peine plus jeune que Keven, avaient adhéré à la mode sylvestre, allant jusqu'aux prothèses dentaires imitant leurs canines aiguisés, en passant par des modifications corporelles permanentes comme les oreilles pointues. 

Étaient-ils donc tous bêtes? 

L'humanité allait-elle être contrôlé par un phénomène de mode? Combien d'entre eux se souciait réellement de ce que les sylves planifiaient? Combien s'intéressait à la politique? Combien se posaient des maudites questions, tout simplement? Tout n'était-il donc qu'une question d'apparence et de prestige?

Au coin de la rue, il s'arrêta sous un abri-bus afin d'épargner la noyade à sa tablette tactile et ses cahiers d'école encore dans son sac. Il fixa avec colère le portrait projeté sur l'écran hologramme au fond de l'abri qui affichait le visage souriant d'un sylve.

Dorian Knight, qu'on appelait le Régent. 

L'un des sylves les plus influents connus à ce jour. Il était à la tête du Gouvernement Sylvestre-Américain et était également la Voix du Conseil d'Astéria; le représentant du conseil en gérance de la cité-mère des sylves. Seule ville encore habitée par les sylves qui se trouvait on-ne-savait-où sous terre, Astéria était un mystère aux yeux de l'humanité. Certains affirmaient même qu'elle n'était qu'un mythe, au même titre que l'Atlantide. 

Léna aurait dit du Régent qu'il était beau avec sa longue chevelure d'un rouge grenat, presque noire, retenue en une longue natte ramenée sur son épaule. Ses yeux étaient rieurs et il se dégageait de son expression un calme serein teinté d'une étrange jovialité. La blancheur nacrée de sa peau, associée à la félinité de ses traits aurait pu lui donner un air féerique, presque féminin, s'il n'y avait pas eu cette mâchoire large, parfaitement bien découpée, et ces deux pommettes hautes et saillantes s'associant à la profondeur de son regard en amande. Ses iris, si larges qu'elles dévoraient pratiquement tout le blanc de l'œil, étaient d'un riche ambré, presque jaune, cerclé d'un violet sombre, tirant sur le pourpre. Ses pupilles fendues étaient très larges sur l'image, et Tristan compris que c'était volontaire; une façon de lui donner un regard plus humain.

SYLVES - Les Enfants d'AstériaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant