Aux congés qui ont suivi, je me suis perdu sans l'avoir clairement décidé dans une ville du sud, foyer de Sa famille, dont Elle m'avait raconté le soleil de ses vacances d'enfance. J'ai parcouru, et encore, toutes ses rues qui ondoyaient tels les anneaux des arbres et s'emmêlaient comme leurs branches. Labyrinthe courbe. J'ai tourné ainsi, longuement sur moi-même, avant de comprendre que, désespérément, je La cherchais en un lieu d'avant où tout pourrait recommencer. J'ai rejoint mon amie infirmière dans une ville voisine, sans savoir non plus pourquoi. Ce n'est qu'à la voir que j'ai réalisé que j'y venais pour m'y réconforter. Et je me suis éloigné d'elle pour ne pas la piéger.
Je suis entré dans ma seconde première année sans le vouloir non plus, juste comme ça venait. Spectateur de la même pièce de théâtre avec d'autres figurants et mêmes rôles principaux. Et parfois comme ça, en sursaut de mémoire, me revenait une ancienne réplique.
Le soir, je buvais jusqu'au sommeil. Le week-end, je marchais sans but à la recherche d'un lieu où je n'aurais plus mal. Je rencontrais parfois ceux d'avant à qui je demandais "comment vivre ?" mais ils ne le savaient pas, ils vivaient c'est tout.
Un soir une fille m'écarta ses cuisses et j'y suis entré comme ça, tout surpris de bander encore. J'ai connu le lieu où s'apaisait mon mal, et n'eus de cesse d'y revenir en chacune. Sans état d'âme car la femme n'était plus pour moi qu'un mec comme un autre. Je leur disais pourtant, par fair-play, comme on se dit entre mâles "je vais te cogner", je leur disais "je vais te baiser", mais elles n'entendaient que la façon plaisante que j'avais de le dire, l'esprit.
L'esprit est facile sitôt que l'on consent au jeu.
Dès qu'elles évoquaient l'amour, ne fut-il qu'en murmure au coït, je fuyais, parfois même un peu avant si je capturais un con plus juteux.
J'étais ce salaud-là, et les femmes étaient séduites.
Dans les bars où je traînais entre deux, j'entendais parfois des conversations où l'on parlait de moi, du sale type. En propos très imaginatifs, venus d'inconnus qui ne me reconnaissaient pas. J'avais maintenant une réputation.
Il fut ce salaud-là, en même temps qu'il était l'écorché.
Dans les services, je n'essayais plus de lutter contre les tragédies, je n'avais plus d'idées, plus d'histoires, plus d'élans. Pourtant, quand certaines venaient à moi, je recevais toutes leurs douleurs. Elles le percevaient et se vidaient pendant que, sans rien dire, je les écoutais. Je pleurais leurs malheurs sans larmes et sans réponses, les soulageais en buvard.
Si écorché que parfois certains éclats de rire furent pour lui éclats de verre. Et qu'il partait dans la nuit, le silence, tendre la nuque à la lune.
