L'amour qui me donna tord

160 15 32
                                    

Ma vie a été minuscule comme une tête de clou où j'ai accroché des espérances. Je ne saurais maintenant beaucoup l'étendre.

Aujourd'hui que s'avance ma dernière saison, que je me fatigue vite, que mes jours sont courts, je l'envisage plus minuscule encore. En une pointe avec laquelle, de ligne en lignes, je veux tisser le filet pour retenir quelque chose.

Et me défaire par défaite fertile.

Ce qui compte vraiment, peu semblent s'en soucier avant que le jeu finisse. Nous sommes trop absorbés à gagner ce qui jamais ne se gagne, et par défaut de fraternité nous vivons en insectes ; même si certains me paraissent lucioles. J'aurais pu, en ce chemin où presque tous me refluaient, du bord m'écarter assez pour briser, peut-être, le dernier cercle, et dériver je ne sais où. J'aurais pu et encore pourrais, mais j'ai moins peur de vivre et j'ai regoût de vous, assez pour être de nouveau tenté par la confiance.

Moins peur... si ce n'est de perdre la chaleur de Son corps, mais aussi de ne pas réaliser ce je-ne-sais-quoi qui me tourmente, de mourir comme mon père en n'ayant pas les mots. Ne laisser de moi qu'à nettoyer...

Je ne sais, sûrement, à quoi sert une vie, si ce n'est aux fruits de quelques instants. Je ne sais rien parfois. J'ai même en mon effort la défiance des mots. Et si j'ai vie, si je finis ma dernière promesse, probablement fermerais-je mon livre. Pour me donner à voir la beauté aux reflets que m'offre ce monde. Mon paysage. Sans art et sans œuvre poser des couleurs pour me les donner. Les coucher sur des feuilles comme celles des arbres emportés par le vent. M'asseoir en l'éternité de mon dernier moment.

Quelle durée avons-nous ?

Quels instants ont touché ?

Des années ? Des mois ? Des semaines ? Ou quelques heures où nous avons été ?

Je me souviens de la sécheresse de ma misanthropie, ma conviction que la plupart des hommes ne valent rien, ne sont que de circonstances, que d'autres ne sont qu'en leurs appétits, qu'il n'y a que peu d'êtres, et d'être qu'en instants.

Je me souviens de celui, à qui l'amour donna tord.

Du cahot de l'anthropieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant