10 : Philtre.

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« Tu t'es permise de me juger. Face aux autres, tu as simulé ta peur et ton angoisse mais je sais qui tu es. Tu es bien pire que moi. C'est parce que je savais que tu partageais ma souffrance et ma peur du jugement que c'est vers toi que je suis allé. Tu étais la femme que j'attendais désespérément. Les ténèbres t'ont avalé toi aussi. Mais j'ai cru, j'ai espéré qu'à deux nous puissions faire vivre cette petite lueur, cette lumière pour ne pas finir complètement fou. J'avais peur de finir seul. Je ne suis pas quelqu'un de bien, je suis mauvais, pourri jusqu'à la moelle mais je t'ai aimé, sincèrement et de tout mon coeur. Désormais, je ne m'autoriserai plus à aimer quiconque. Tu m'as cru mort mais j'ai rouvert les yeux, même sans ton amour j'arriverai à vivre parce que rien ne peut plus me faire de mal par ta faute... » page 287

– « J'veux qu'tu penses à moi, Sicheng. Rien qu'à moi. » souffle-t-il à l'autre bout du téléphone. En élève studieux, j'ai exécuté ses dires. Assis au bord du lit, face à la seule fenêtre de la chambre, les écouteurs dans les oreilles, je me contente de caresser mon intimité. Il est vrai que j'ai de nombreuses envies ces derniers temps. Peut-être ai-je besoin d'entendre Renjun pour cesser de me jeter sur le maître tel un animal... « Ferme les yeux...et imagine moi. J'veux que tu imagines mes doigts tirer sur ton sexe, mes lèvres lécher ton cou...j'veux qu'tu devines mon odeur, mon envie... » J'obéis, tentant vainement d'imaginer mon meilleur ami à mes côtés. Mine de rien, il me manque énormément, ce con... « Accélère le mouvement. Tu sais comme je suis brusque, j'veux t'entendre soupirer, Sicheng. J'veux qu'tu appelles mon nom, que tu... » Surpris, j'ouvre instantanément les paupières. Sans comprendre pourquoi ni comment, une main étrangère à mon corps se retrouve à pomper mon pénis. Le maître Min est là. Éternellement habillé de son pyjama en soie, mon supérieur me fait signe de me taire d'un geste rapide. Sans aucune idée de ce qu'il peut penser, je me contente de le laisser faire stupidement. Mon corps se met alors à bouillonner et ma tête à tourner. Je ne comprends absolument rien. Pourtant, Yoongi semble savoir ce qu'il fait. Il m'oblige à m'allonger complètement afin de venir me chevaucher plus aisément. Sans lâcher le regard, il vient retirer l'un de mes écouteurs pour l'enfoncer dans son oreille. Qu'est-ce qu'il fout, putain ? Il est toujours aussi stoïque, toujours aussi impassible pourtant, je sais qu'il ressent le plaisir que je ressens en ce moment. Nous sommes toujours inexplicablement liés...

– « Ah... » soupirais-je alors que mon entre-jambe ne cesse de grossir. Il le fait tellement bien... Puis l'avoir sur moi ne fait que m'exciter davantage, comme si sa présence, son contact créait en moi une certaine effervescence. Pourquoi ? Pourquoi c'est lui que je veux si ardemment ? Je le désirs tellement, putain... Je remarque alors que la couleur de ses yeux se transforme une nouvelle fois. Je ne rêve pas cette fois-ci. Ce n'est pas moi qui hallucine. Son regard noir est désormais submergé d'un marron vif et fascinant. Qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce que ce n'est qu'un effet secondaire de son traitement, un effet sans aucune signification apparente ou bien...est-ce la traduction d'un ressenti, de quelque chose qu'il éprouverait en lui ?

– « T'aimes ça, Sicheng ? Est-ce que t'aimes quand j'te caresse le périnée ? » me demande sensuellement mon meilleur ami. A la fois gêné et transporté par le plaisir, j'admire simplement mon supérieur. Pourquoi est-il intervenu ? Pourquoi a-t-il pensé que se mêler à ça était une bonne idée ? Min Yoongi accompli les dires de Ren avec précision m'obligeant même à m'accrocher à la couverture du lit pour ne pas gémir. J'ai toujours aimé ça mais étrangement, savoir que c'est le maître qui s'occupe de mon plaisir en cet instant rend les choses bien plus délicieuses. J'ai soif de lui, comme si d'une minute à l'autre, j'allais mourir de ne pas le ressentir en moi. C'est presque comme si c'était vital d'avoir son sexe entre mes fesses, sa langue dans ma bouche. Je le veux. Je le veux tout à moi. « Maintenant allonges-toi sur le ventre. Je ne t'autorise plus à toucher ta queue. Tu peux onduler contre un oreiller ou ton matelas mais ne pose plus les mains sur ta queue, compris ? Il faut t'occuper de c'petit cul. Il meurt d'envie de se faire pénétrer, pas vrai ? » Mon supérieur se soumet aux ordres de mon meilleur ami avec sérieux. Il relâche alors mon intimité contre mon gré, me faisant soupirer de frustration. J'ai à peine le temps de me demander ce qu'il compte faire de moi qu'il me retourne brusquement sur le ventre. Bordel...est-ce qu'il va vraiment...me prendre ? « Un doigt, Sicheng. Un seul. J'veux que tu viennes caresser ton orifice, torture-toi... » murmure autoritairement Ren. Et le maître agit, encore une fois. Je suis dans un état second, le coeur sur le point d'exploser. J'ai tellement envie que Yoongi me fasse sien, qu'il s'enfonce profondément en moi au point de me faire pleurer de joie. Il caresse avec brutalité mon entrée, malaxant ma paire de fesse de son autre main. « Imagine...imagine ma langue léchouiller ton entrée, bébé...imagine-moi, totalement à ta merci, prêt à te... » Je n'arrive même plus à entendre ce que me raconte Renjun, je suis juste tout simplement stupéfait de constater que Min Yoongi exécute toujours tout ce qu'il dit, comme s'il cherchait à me prouver qu'il peut faire beaucoup mieux que ce que m'offrait mon meilleur ami en Chine. Sa langue forçant sur mon orifice, je ne peux m'empêcher d'appeler mon maître d'un murmure sourd. Je devrais me sentir gêné, ne plus savoir où me mettre, craindre pour ce qui se passera demain mais non... Je me surprends même à prier pour qu'il ne s'arrête pas là.

– « Ah, putain... » me plaignais-je lorsque le maître introduit deux de ses doigts en moi. Cette fois, l'initiative vient de lui. Il n'a même pas attendu que Renjun ne le demande. Est-il si envieux qu'il ne peut même pas se retenir ? Pourquoi est-ce que mon coeur s'emballe ? C'est comme s'il était en train de brûler intérieurement, comme si l'appétence sexuel que je ressentais en ce moment était justement en train de prendre possession de chacun de mes membres...c'est tout simplement sensationnel.

– « Sicheng, tu vas trop vite. T'es déjà en train d'te pénétrer ? Tu vas avoir mal si tu fais pas les choses correctement... » me gronde sérieusement Ren. S'il savait ce qui est réellement en train de se passer en ce moment... Le maître Min continue de me torturer l'arrière-train, écartant ma paroi pour me préparer le plus rapidement possible. Pitié, qu'il se dépêche... Mon supérieur retire alors ses doigts. Je le ressens bouger au-dessus de moi mais rien. Je ne ressens plus aucun contact de sa part. Que fait-il ? S'est-il ravisé à aller plus loin ? Pourquoi est-ce que je me sens si vide et apeuré tout à coup ? « Attrape-le maintenant. Il faut que tu le lubrifies. Je veux que tu le lèches comme si ta vie en dépendait...je veux t'entendre saliver sur cette bite, Sicheng... Alors... »

– « Ah, maître ! » m'écriais-je par surprise lorsque je ressens finalement l'intimité de mon supérieur en moi. Putain de bordel de merde...c'est tellement bon. Ses deux mains appuyées contre le matelas, le maître cogne brusquement contre moi. De toute son énergie, je le ressens taper contre mon point sensible. Le plaisir me submerge alors complètement. J'en pleurs tellement le moment me semble irréel et magique. Jamais, jamais je n'ai connu de jouissance aussi immense et délicieuse.

– « Maître ? C'est quoi ton dél... » Maître Min s'est empressé de raccrocher à Renjun, m'arrachant par la même occasion mon écouteur. Je suis incapable de dire ou de penser quoique ce soit, je suis bien trop préoccupé par l'exaltation qui me consume de l'intérieur. L'ardeur qu'il y met, la puissance de ses coups de hanches, la vitesse à laquelle il vient buter contre mon corps. Jamais je n'aurai imaginé qu'il puisse trouver autant de force en lui pour m'offrir ce genre de satisfaction. Je tente de contenir mes gémissements mais c'est beaucoup trop dur pour moi de le faire lorsqu'il vient s'allonger de tout son long contre moi. Le résonnement de son souffle contre ma nuque, la froideur de sa peau qui fait contraste avec la mienne, l'odeur de ses cheveux encore humides, tout, absolument tout rend cet instant sublime. J'aimerai tellement pouvoir le voir, admirer l'expression de son visage se transformer, passer du neutre et rigide à cette expression de frustration sexuelle et de bien-être immense. J'aimerai pouvoir l'embrasser, aspirer ses lippes, caresser sa langue de la mienne, lécher sa bouche de convoitise. Mon désir ne cesse de s'agrandir au fil des secondes. Je veux qu'il se vide en moi, qu'il me fasse entièrement sien comme si la fin de ce moment prodigieux marquerait le début d'une toute autre relation. La tête tournante, je perds presque connaissance. La vision brouillé, le coeur qui tambourine à toute vitesse contre ma poitrine, mon souffle qui se coupe à chaque fois que sa queue frappe contre ma prostate, je m'abandonne complètement à lui. C'est la fusion totale. Mon plaisir se décuple, je m'unis entièrement à lui, doutant même de la personne que je suis. J'ai cette impression illusoire d'être au-dessus de mon propre corps, d'être celui qui se dévoue corps et âme à pousser entre cette paire de fesse. Mes yeux s'ouvrent et se ferment rapidement, me faisant halluciner à chaque vision. Puis cette envie démesurée de connaître la fin s'estompe. Nous y sommes. Dans un orgasme simultané, le maître et moi-même explosons de plaisir. Je savoure alors pleinement cette sensation de bien-être intense. Je veux me souvenir de cet instant, pouvoir me ressasser ce moment encore et encore. J'ai peur de ne jamais avoir la chance de revivre ça... Le maître se détache de moi pour venir s'allonger à mes côtés. Toujours étalé sur le ventre, je l'admire discrètement reprendre son souffle. Il est si beau...même dans ce genre de situation... Je tente de me recouvrir l'arrière-train de la manière la plus discrète possible en remontant mon boxer. Le maître s'est curieusement perdu dans ses pensées, rendant la situation bien plus gênante et pesante que je ne l'aurai imaginé. Pitié...qu'il dise quelque chose, n'importe quoi...

– « Tu veux aller courir ? » propose-t-il subitement, en reposant son regard hypnotisant sur ma personne. La couleur de ses iris n'est toujours pas revenue à la normale. Et bien que cela soit toujours autant étrange à mes yeux, j'avoue adorer pouvoir admirer le marron de ses yeux. Pourquoi suis-je incapable de détacher mon regard de lui ? « Alors ? » souligne-t-il après quelques secondes. Je suis tellement inondé par toutes ces émotions que je n'ai même pas écouté un mot de ce qu'il vient de dire.

– « Oui. » répondis-je de mon sourire béat. Le maître se lève alors pour atteindre la sortie.

– « On se retrouve dans le hall d'entrée dans cinq minutes. » dit-il avant de disparaître. Attendez...il a bien dit courir ? Est-ce qu'il est sérieux ? Après qu'on ait...tous les deux ? Il a vraiment encore la force d'aller courir ? A cette heure-ci ? Épuisé je me dirige à contre coeur jusqu'à la salle de bain. Pourquoi est-ce que j'ai accepté stupidement ? Ce n'est pas comme si j'attendais quelque chose maintenant... Enfin...j'imagine que si le maître demande à aller courir à une heure pareille, c'est qu'il souhaite certainement parler de ce qui vient tout juste de se passer... Mais courir quand même...je déteste ça moi. « T'es prêt ? » me demande-t-il sérieusement, en tenue de sport. J'ai enfilé un jogging et un gros pull après être passé sous la douche à la vitesse de l'éclair. J'aurai préféré qu'il propose qu'on discute sur la terrasse, dans le petit salon ou même dans sa chambre mais il faut croire que le maître Min préfère se trouver en terrain neutre. Je sens la discussion gênante flotter au-dessus de nos têtes...

Nous avons tranquillement marché jusqu'au grand portail de la demeure avant que le maître ne lance le top départ pour notre footing nuptiale. Et nous voilà donc en train de courir sous ce ciel étoilé et cette pleine lune immense, à travers ce froid d'hiver. J'ai les mains et les pieds gelés, il doit bien faire 2° en ce moment. Je n'espère qu'une chose, c'est que le maître s'arrête. Le calme de la nature est presque affolant. Il n'y a aucun bruit, aucune voiture mais surtout aucune conversation. Je pensais qu'il voulait qu'on parle tous les deux mais visiblement, il n'avait que pour ambition de dépenser le reste d'énergie qu'il avait. Moi, je suis tout simplement au bout de ma vie, à cracher mes poumons. Cela doit bien faire plus d'une demi-heure que nous courrons le long de cette route. Je ne suis même pas sûr de pouvoir rentrer seul jusqu'au château tellement nous sommes loin...

– « Attendez...maître...je... » marmonnais-je tout compte fait. Je ne pouvais plus tenir la cadence. Essoufflé, je prends appuis sur mes genoux pour reprendre mes esprits. Mes jambes tremblent sans que je ne puisse les contrôler. Ma gorge me fait souffrir et malgré le fait que je ne sente plus mes doigts, je transpire d'absolument partout. Pourquoi me fait-il souffrir en pleine nuit ? Surtout après m'avoir donné tellement de plaisir juste avant ? C'est presque de la torture venant de lui, je ne serai même pas surpris qu'il soit en train d'essayer de me punir pour l'avoir laissé me prendre... Je me laisse tomber sur le bord du bitume, contre un arbre. Je vais tomber dans les pommes si je ne me pose pas un peu...

– « J'étais ailleurs. Je...je n'avais pas fais attention à l'heure. » regarde-t-il sa montre. Quoi ? Il n'est même pas un peu fatigué d'avoir couru tout ce temps ? C'est un mutant ou quoi ?

– « Ça fait rien... » avançais-je, la tête posée contre le tronc. Je pourrai presque dormir sur place si je le pouvais. Le maître prend place à mes côtés sans prononcer un mot de plus. Il semble préoccupé. Peut-être que ce que nous avons fait le travaille plus qu'il ne le voudrait... J'essaye tant bien que mal de calmer mon coeur mais c'est presque impossible pour moi de le faire à chaque fois que je pose le regard sur lui. C'est indéfinissable. Je ne sais pas ce qui m'attire tant chez lui. Ni même pourquoi il m'arrive de le détester et de le maudire pour finir par le désirer et le convoiter. C'est la première fois que je vis une telle situation. J'ai déjà eu quelques petits coup de foudre mais rien de bien sérieux alors je ne sais pas comment réagir face à tout ça. C'est déconcertant. « A quoi vous pensiez ? » osais-je demander. Le maître revient à la réalité, admirant les alentours sans vraiment d'intérêt pour moi.

– « Ce n'est pas important... » déclare-t-il froidement. Je vois...bonjour l'ambiance... « Sicheng... » m'appelle-t-il doucement. « Les loups-garous...tu crois vraiment qu'ils existent ? » se moque-t-il légèrement. J'arrive presque à deviner son sourire narquois sous cet air stoïque. L'enfoiré...il se fout vraiment de moi ? Maintenant, là, tout de suite ? « Je sais que je t'ai encouragé à chercher des réponses à tes questions mais...les loups-garous, sérieusement ? » Je ne sais pas comment le prendre. Cette histoire de loup-garou n'était qu'un test, je voulais analyser sa réaction, savoir si j'étais sur la bonne voie. Il est vrai qu'il est un peu démentiel de penser que mon supérieur puisse être l'une de ces créatures surnaturelles mais aux vues des nombreux doutes que je lui porte, il me faut envisager toutes les solutions. Même si pour cela, je dois passer pour un fou aux yeux des autres.

– « Je ne sais pas si les loup-garous existent. Peut-être qu'ils existent. Après tout, je suis certain qu'il y a d'innombrables secrets en ce monde. Je suppose juste l'idée qu'un mythe peut être ou peut avoir été réel. L'homme est ignorant. Certains se donnent du mal pour avoir la plus haute connaissance possible mais en réalité, je ne doute pas sur le fait que beaucoup de choses nous échappent. » déclarais-je avec assurance. Je ne sais pas d'où me vient cette obsession pour le maître. Ni même pourquoi j'ai l'intime conviction que lui et moi, nous ne faisons pas parti du même monde. Son comportement, celui des autres, le mode de vie qu'ils ont tous, les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres...tout, absolument tout me force à croire qu'il se passe quelque chose. Qu'un énorme secret se trouve caché dans cette maison...ou peut-être même...en lui.

– « Je ne dis pas que je suis d'accord avec toi mais...oui, il y a énormément de chose que l'humanité ignore. Tous les hommes ne sont pas ignorants, seulement la plus grande majorité. Pour autant, ça ne veut pas dire que tout ce que tu ignores doit être d'ordre imaginaire. Il est vrai que parfois, ça peut avoir un aspect surnaturel. Les gens vont définir quelque chose de nouveau et d'inédit comme étant magique ou satanique. Mais ce n'est pas surhumain pour autant. La définition même d'un mythe, c'est une histoire fabuleuse, racontée par les gens du peuple pour se divertir voire s'effrayer. Tout n'est pas forcément faux. Mais la plupart des détails donnés sont erronés, totalement inventés. Je ne comprends pas que tu puisses avoir des doutes sur cela... » rétorque-t-il froidement, comme s'il était blasé d'avoir à m'apprendre la vie. Que je crois en certaines choses alors que la plupart des gens n'y croient pas ne fait pas de moi un imbécile pour autant. Peut-être que mes doutes sont fondées...que les preuves que je continue d'accumuler à son propos me poussent à croire que j'ai raison, ces incertitudes me poussent à croire qu'il y a définitivement quelque chose d'inhumain et d'extraordinaire en lui. Même si je suis encore incapable de définir quoi.

– « Vous n'avez pas envie de croire en la magie ? Les sorcières, les vampires, les loups-garous ou ce genre de chose... Ça ne vous intéresse vraiment pas ? Je ne dis pas que je suis adepte de ces choses, juste que...parfois c'est bien de se laisser croire qu'on ne nous dit pas tout. » Pourquoi m'incite-t-il à creuser les pistes sur mes doutes qu'ils soient insensées, complètement fous ? Pourquoi me dit-il que tout ce qui est faux à mes yeux devient vrai aux siens s'il n'est même pas capable de croire un minimum en ce qui révèle de l'imaginaire ? Pourquoi m'oblige-t-il à me poser toutes ces questions ridicules sur sa nature et ce qu'il est vraiment s'il se fout de moi de la sorte lorsque l'une de mes suppositions devient un peu trop débile ?

– « C'est à cause des gens comme toi que des femmes et des hommes sont morts noyés, brûlés, torturés, accusés d'être des sorciers ou des créatures diaboliques. Ces gens ont soufferts parce qu'ils étaient différents et qu'on leur collait un rôle sans qu'ils ne puissent rien y changer. Les loups-garous n'existent pas, tout comme le reste. » me lance-t-il sèchement. Je l'ai visiblement énervé... Est-ce qu'il a autrefois été blessé par l'étiquette que les autres lui collait ? Est-ce qu'il sous-entend qu'il est réellement différent de ce que nous sommes, nous autre ? Vexé qu'il me réponde aussi méchamment, je détourne le regard pour tenter d'atténuer mes émotions. J'avale difficilement ma salive et reprend la conversation sur un ton plus apaisé et moins violent. Je ne voulais pas qu'il se sente agressé, ni même qu'il se referme sur lui-même alors que nous étions clairement en train d'avoir une conversation sérieuse...

– « Peut-être bien que c'était ainsi au Moyen-âge ou par le passé. Mais les mentalités ont changé. Je pense qu'aujourd'hui...tout ce qui est différent a un côté magique et fascinant. C'est cette différence qui les rend spéciaux et précieux. Être comme tout le monde ça n'a plus vraiment d'intérêt. » tentais-je d'expliquer. Peu importe ce qu'il est, ce que je découvrirai ou non sur lui. Peut-être qu'il se joue tout simplement de moi, peut-être qu'en réalité, il n'y a rien de bien différent chez lui mais c'est déjà trop tard pour reculer. Qu'il soit totalement ordinaire ou non, le maître Min aura toujours cette prestance ensorcelante, cet aura féerique qui me pousse inconsciemment à vouloir de lui, à vouloir me rapprocher de lui. « Un peu comme vous... J'veux dire que...vous êtes différent, clairement unique. C'est ça qui vous rend si troublant et envoûtant. Vous attirez parce que vous ne faites rien comme les autres... » risquais-je à dire. Peut-être qu'il ne comprendra pas le message que j'essaye de lui faire parvenir, peut-être qu'il ne se doute même pas une seconde de tout ce que je peux ressentir pour lui. Je ne dis pas que je suis amoureux, je ne suis pas vraiment sûr de savoir ce que ça fait de l'être mais...je suis terriblement obsédé par lui. Mis à part son intérêt, son regard, son toucher, je n'ai jamais rien désiré aussi ardemment. J'éprouve des choses pour lui. Mais je ne saurai dire si c'est de l'amour...

– « Si tu l'dis... » bougonne-t-il en arrachant une feuille juste au-dessus de sa tête. Min Yoongi donne toujours cet impression de froideur et d'autorité, comme s'il n'avait plus le droit de paraître chaleureux et amusé. J'imagine que sa maladie l'a rapidement obligé à devenir plus mature qu'il ne devrait l'être pour son âge. Mais...en ce moment, malgré le fait qu'il soit toujours aussi sérieux, j'ai réellement l'impression d'avoir affaire à un gamin de vingt-et-un ans. Pour la première fois depuis que je suis ici, j'ai vraiment l'impression d'être au même niveau que lui. Comme si cette conversation, cette nuit entière l'avait rendu plus accessible.

– « Vous ne croyez pas en ce genre de chose pourtant vous êtes le premier à prier et remercier Dieu pour ce qu'il vous offre... Je ne dis pas que c'est comparable. Ma mère me tuerait si elle m'entendait supposer ce genre de chose. J'dis juste que...si vous arrivez à croire en quelque chose que vous ne pouvez pas prouver, c'est que votre vérité personnelle est bien plus importante que la vérité universelle. » soumettais-je, curieux. Min Yoongi fait mine d'être fermé d'esprit mais je ne le crois pas. S'il était vraiment si stricte vis-à-vis des convictions et des mœurs de la société, il n'agirait pas ainsi. Il ne laisserait pas un étranger dormir chez lui, il ne chercherait pas à s'expliquer, à comprendre mon point de vue. Puis surtout, il ne s'abandonnerait à prendre plaisir avec moi. Il n'en fait qu'à sa tête. Il fait absolument tout ce qu'il veut, il se fiche de ce que les autres peuvent bien dire ou penser. Je pense que c'est sa manière à lui de prendre sa revanche sur la vie, la maladie. C'est son doigt d'honneur bien dressé au reste du monde. Alors pourquoi s'énerver lorsque je dis croire en l'existence des créatures surnaturelles ?

– « J'ai été élevé avec lui. J'ai grandi entouré de Dieu. Des Églises, des prières, des promesses, des supplications, j'en ai connus des centaines, Sicheng. Je ne crois pas en toutes ces conneries de vampires et de zombies mais...j'arrive tout de même à garder foi en quelque chose que je ne peux pas voir ou prouver. Je ne me suis jamais posé de question. Même lorsque je n'ai plus espoir pour aucun miracle, je prie. Je prie parce que c'est ce que ma mère aurait fait. » C'est la première fois que le maître évoque sa mère avec moi. Je suis tellement reconnaissant et heureux à la fois que je ne sais même pas comment me saisir de cette opportunité. Il s'ouvre à moi...encore un peu plus... Apparemment embarrassé d'avoir parlé de sa mère sans le vouloir, le maître se tait.

– « Elle...elle vous manque, pas vrai ? » l'interrogeais-je timidement. Le maître se redresse sur ses jambes tout en laissant échapper un soupire que je traduis immédiatement comme de la colère. J'ai encore merdé, on dirait...

– « On aura certainement d'autres occasions d'évoquer ma mère... Rentrons, maintenant. » commande-t-il implacablement. J'obéis sans même me plaindre, bien que mes jambes me fassent terriblement souffrir. C'est ma faute, j'aurai dû éviter. Je sais bien qu'il déteste évoquer sa vie personnelle, je ne sais pas pourquoi je continue d'insister stupidement. Les mains dans les poches de son jogging, juste devant moi, le maître marche silencieusement. Il ne prend même pas la peine de m'attendre, cet idiot... « Sicheng... » me sollicite-t-il après près de dix minutes de silence pénible. Mon supérieur ne s'arrête pas pour autant d'avancer. « Tu dis que tu as du mal à dormir à cause des rêves que tu fais...qu'est-ce que tu y voies ? » me questionne-t-il finalement. Il veut vraiment savoir de quoi est-ce que je rêve ? Pourquoi ?

– « Et bien...je ne sais pas vraiment comment les décrire. Ils sont tellement précis et brouillons à la fois... » pensais-je. Il est vrai qu'ils n'ont pas toujours énormément de sens. Malgré tout, je sais qu'ils sont extrêmement détaillés. Bien plus que tous les rêves que j'ai fais jusqu'ici... « Je rêve souvent de sable...de beaucoup de sable...comme si j'étais perdu en plein désert. Je rêve aussi d'une route...une route perdue au beau milieu d'un endroit que je n'arrive même pas à discerner. Je rêve d'une piscine abandonnée, d'un liquide vert, d'un papillon et puis parfois mes os se brisent, je me sens mourir puis revivre, je me sens différent... Il y a des gens autour de moi, des occidentaux, je pense...ils parlent une autre langue et s'activent tout autour de moi. Je rêve aussi de votre mère. » Le maître se stoppe catégoriquement avant de se retourner vers moi, visiblement surpris. « Elle m'appelle. Elle me parle comme si...comme si j'étais vous. Et alors, je me retrouve en larme, je pleurs endormis, sans même comprendre pourquoi la voir en rêve me fait souffrir. » Je sais que tout cela n'arrive pas sans raison. Ce sont ses rêves à lui, ses souvenirs...mais alors comment fait-il pour me les transmettre ? Comment se fait-il que j'arrive à lire en lui de manière inconsciente ? « Je rêve souvent de vous aussi. De vos mains...de vos lèvres... C'est comme si je passais mes nuits à vous laisser me satisfaire sexuellement. Et tout me semble terriblement réel. A tel point que je ne contrôle même plus mon corps... » Yoongi, se retrouve là, face à moi, sans savoir quoi dire. J'aimerai qu'il m'explique ce que tout cela signifie mais j'ai l'impression que lui-même ne trouve pas d'explications à toute cette histoire. Il semble surpris, choqué d'apprendre que quelque chose lui échappe. Déterminé à avoir une réponse, je m'avance rapidement vers lui et dépose mes lèvres sur les siennes. C'est la première fois que je l'embrasse. Jusqu'ici, je n'avais jamais eu l'occasion de le faire... Une chose étrange se produit alors. C'est presque comme si mon coeur s'était mis à grossir sous l'effet de son contact. Mouvoir mes lèvres contre les siennes m'apporte une énergie dont je ne définis pas la provenance... Bien vite, le maître me repousse, furieux.

– « Tu...Tu ne peux pas faire ça, Sicheng ! Je ne t'autorise plus à le faire ! » hurle-t-il hargneusement. Pourquoi ? Pourquoi ne puis-je pas l'embrasser alors que nous avons déjà tous les deux franchis la limite du raisonnable, cette nuit ?

– « Je suis désolé. Je ne sais pas c'qui m'a pris. » Humilié, je ne trouve même pas la force de rechigner. De toute manière, il est clair qu'il n'est plus apte à discuter avec moi, alors pourquoi tenter de comprendre sa réaction ? Le maître reprend sa route, sans même se soucier de moi. C'était surprenant et à la fois bizarre. Quand je l'ai embrassé, j'ai eu l'impression que quelque chose d'important venait de se produire, comme si ce geste avait eut une certaine signification sans même que je ne le sache...

Nous avons continué de marcher, sans qu'aucun de nous deux ne reprennent la parole. Je n'avais qu'une seule envie, c'était de me déshabiller et de foncer sous ma couette. La rage de son rejet, la gêne de son comportement injustifié envers moi m'avait tout simplement rendu amer et désagréable. Je n'avais même plus envie de poser les yeux sur mon supérieur... Nous nous sommes rapidement déchaussés puis, dans le plus grand calme, nous sommes remontés à l'étage. Ce n'est que lorsque je me suis retrouvé face à la porte de ma chambre que le maître a daigné s'adresser à moi.

– « Il y a deux choses que tu ne dois pas oublier, Sicheng. La première, c'est que toute conséquence a une cause. Rien n'arrive par hasard... La deuxième, c'est que... Te regarder, c'est comme regarder dans un miroir. Je devine parfaitement comment tes intentions se construisent. » prononce-t-il d'un ton noble, comme s'il s'était soudainement remis à me prendre de haut. Sans chercher à comprendre, je suis entré dans ma chambre, le laissant seul à seul avec ses jeux de devinette à la con. Je me suis simplement laissé tomber sur mon lit pour trouver le sommeil. Et pour la première fois depuis mon arrivée ici, je n'ai pas rêvé.

Beside me |sugawinwin|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant