3 : Combattre.

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« Quand tu auras l'impression d'être sur le point de découvrir la vérité, souviens-toi. Souviens-toi qui je suis, ce que je suis mais surtout ce dont je suis capable. Souviens-toi que je suis le prince de ce monde, le chef des anges de la rébellion, que je suis porteur de la lumière du mal et que jamais tu n'auras la chance de pouvoir me comprendre. Le dragon que je suis, le serpent, le tentateur, l'adversaire du bien ne te laissera jamais gagné face à lui. Je ne peux être vaincu et c'est ce pourquoi je suis encore ici aujourd'hui. Le mauvais génie triomphe toujours tandis que ceux qui se retiennent d'être envoûtés sombrent dans la folie, se noient dans l'amertume et souffrent dans le désespoir. Tout, absolument tout ce que tu avais m'appartiendra. Tu ne peux pas comprendre. » page 102

Les rayons du soleil m'extirpent de mes songes à huit heure précise. La lumière de l'extérieur est presque aveuglante mais me met rapidement de bonne humeur lorsque je remarque qu'aujourd'hui, la pluie ne viendra pas assombrir l'intérieur du château. Après m'être réveillé en pleine nuit, j'ai dû tourner sur moi-même au moins une vingtaine de fois avant de pouvoir réussir à me rendormir. Je ne sais pas vraiment ce qui m'a prit mais la nuit à été plus longue que prévue. J'étais frustré de ne pas réussir à me souvenir de mon rêve. Mon état était tellement surprenant que je doutais même de la réalité qui était pourtant si frappante... Je descends les marches de l'immense demeure après avoir rapidement enfilé une tenue plus convenable. Au rez-de-chaussée, une légère musique classique résonne de la cuisine. Une odeur d'omelette émane de celle-ci, me menant presque sans aucun effort vers la nourriture.

– « Sicheng ! Bien dormi ? » me sourit joyeusement Jaehwan, toujours et indéfiniment assit sur le plan de travail. Jinyoung est toujours devant la gazinière, s'appliquant à nous faire un petit-déjeuner digne des plus grands chefs. Quant à Monsieur Park, il s'applique à préparer un plateau, sûrement pour le porter au maître.

– « La nuit a été longue...mais le lit est confortable. » répondis-je d'un soupir de fatigue avant de m'asseoir sur l'un des tabourets, près du blond.

– « C'est ta première nuit, c'est sûrement le temps que tu t'habitues. » suppose Jinyoung, dos à moi. Les trois hommes présents sont tous déjà parfaitement habillés, à croire qu'ils dorment même avec leurs vêtements. Je me souviens donc qu'il faut que je parle de mes horaires de travail au maître, histoire de ne pas être toujours le seul à la ramasse.

– « Tenez. Apportez-lui son petit-déjeuner. » me surprend soudainement le majordome Park en me tendant le plateau de nourriture. « Vous mangerez avec lui. Comme ça, vous pourrez faire connaissance. » explique-t-il simplement comme si mon expression d'anxiété traduisait toute ma volonté à passer un moment seul à seul avec lui. Je le regarde, perplexe. Est-ce une bonne idée ? Et si Yoongi décidait que j'exagère à prendre mes aises aussi rapidement ? Après tout, je ne saurai par où commencer pour développer une quelconque relation avec lui.

– « I-Il déjeune toujours dans sa chambre ? » demandais-je curieux, en analysant toute la nourriture sur le plateau. Ça m'a l'air tellement appétissant que je m'en lèche déjà les babines. Monsieur Park quitte la cuisine, nous laissant tous les trois à notre conversation, parce que sois-disant, il a du ménage à faire devant l'entrée du château.

– « Non. Mais il est huit heure passée, et il n'est toujours pas descendu. J'en déduis donc qu'il ne se sent pas très bien. » m'apprend Jaehwan, l'air assez inquiet. « Mais ne t'inquiète pas. C'est souvent comme ça après son injection. Il n'a pas mangé grand-chose hier soir et il n'arrivait pas à trouver sa place puisqu'il est venu nous réprimander d'aller nous coucher. Cela signifie qu'il ne va pas bien... » Ils le connaissent tellement bien. Pourquoi demander à un parfait inconnu de s'occuper de lui ? C'est vraiment une question qui me torture l'esprit. J'hoche lentement la tête, comme perdu et attristé à la fois. J'ai de la peine pour le maître, vraiment.

– « Je vois... Je voulais...je voulais te demander, Jaehwan. Pourquoi...pourquoi ce n'est pas à toi qu'il a demandé d'être à ses côtés pour l'aider ? » osais-je prononcer. Au regard que m'a lancé Jinyoung au même moment après qu'il se soit rapidement tourné vers moi, je suppose que j'ai merdé. Jaehwan cesse de sourire comme s'il venait de faire face aux faits qui se présentent. Je suis vraiment le pire des idiots. J'espère ne pas l'avoir blessé ou pire...avoir créé une tension quelconque entre le maître et lui. Je ne serai pas en mesure de l'endurer alors que je viens tout juste de débarquer.

– « J'aurai aimé en être capable. » murmure-t-il de manière presque inaudible. Alors, est-ce que ça signifie que le maître ne le lui a pas proposé ou bien...qu'il n'en a réellement pas les capacités ? Alors pourquoi les aurais-je moi ? C'est complètement absurde...

– « Oh, désolé. Je voulais pas... »

– « Dépêches-toi avant que ça ne refroidisse. Le maître n'aime pas manger froid. Tu n'as pas envie qu'il s'en prenne à toi pour ton premier jour, si ? » plaisante promptement Jinyoung même si dans le fond, je suis sûr qu'il est sérieux. Je jette un dernier regard à Jaehwan avant de m'en aller pour monter les escaliers. J'ai vraiment dis quelque chose qu'il ne fallait pas... Une fois devant la porte du maître Min, je frappe difficilement contre le bois de l'unique entrée pour l'avertir de ma présence. « Maî... »

– « Entre. » s'écrit-il autoritairement. Pourquoi suis-je aussi stressé à l'idée de passer du temps avec lui, seul à seul ? Après tout, ça ne sera certainement pas la dernière fois, je devrais donc faire en sorte de m'y habituer. « On dirait que Park Bonhwa a encore pris des initiatives... » remarque-t-il visiblement déçu, alors qu'il est toujours allongé dans son lit, sous sa couverture. J'aperçois alors qu'une télévision est accrochée au mur, ce qui me rassure assez. Au moins, nous ne serons pas obligés de manger l'un face à l'autre sans aucun bruit, ni aucune conversation. « Installes-toi. » me dit-il même si cela ressemble fortement à un ordre. Je dépose le plateau sur la petite table basse qui se trouve dans le coin de la pièce, avant de me planter droit comme un piquet, attendant patiemment qu'il daigne me rejoindre. Le maître Min finit par attraper sa télécommande pour éteindre l'écran, réduisant à néant tous mes espoirs. Celui-ci disparaît alors dans le mur, refermant deux portes en bois derrière lui. Cette maison est loin d'être aussi vielle et démodée qu'elle n'y paraît finalement... Le brun se lève de son lit, laissant la lumière du soleil me rendre compte de son pyjama noir en soie. Il vient lentement mais distinctement s'asseoir sur le petit fauteuil, me faisant signe d'un mouvement de tête d'en faire de même. Embarrassé par ce calme déplaisant, j'obéis sans pour autant prendre mes aises. « Mange. Je ne vais pas le faire pour toi. » dénote-t-il froidement. Que faire ? Que dire ? J'ai même peur de respirer trop fort tellement tout cela me déconcerte. « Tu... » Subitement, une musique se fait entendre du rez-de-chaussée. Je reconnais immédiatement la voix de la très célèbre Céline Dion, me faisant discrètement sourire. C'est sûrement Jaehwan ça... « Un jour je vais vraiment finir par le tuer... » murmure-t-il, les dents serrées. « Il faudra t'y habituer. Jaehwan est incapable d'être utile s'il n'écoute pas de musique lorsqu'il s'attaque au ménage de la bibliothèque. Heureusement pour nous, il ne le fait qu'une fois toutes les deux semaines. » m'explique-t-il toujours aussi sèchement, le visage plus crispé qu'hier. Est-ce que ça lui arrive de sourire un peu ? Ou bien...est-ce à cause de son traitement qu'il ne trouve même pas un peu d'énergie pour se rendre plus agréable ?

– « Je vois... Je...je voulais vous demander, concernant les horaires que... »

– « Il n'y en a pas. Si je te demande de venir me voir à quatre heure du matin, tu le fais. Pour ce qui est du matin, tu n'as qu'à te lever à l'heure que tu veux. Si j'ai besoin de tes services, je viendrai te réveiller. » me répond-il implacablement alors qu'il commence enfin à se servir. Se faire réveiller par le maître ? Ça jamais. Je m'assurerais de me réveiller avant lui. J'en parlerais avec Bonhwa ou Jaehwan pour connaître ses habitudes.

– « Bien... » me contentais-je de murmurer en m'attaquant à mon petit-déjeuner. Le maître se sert un bol de riz et quelques accompagnements tandis que moi, j'avale tout ce qui me passe sous la main. J'avais...étrangement faim ce matin. Alors que je joue avec mes pieds, patientant qu'il termine de manger, le maître pose finalement les yeux sur moi, m'obligeant à lever le regard vers lui. Dix secondes se sont certainement écoulées pendant que nous nous perdions une nouvelle fois dans les iris de l'autre mais curieusement, je ne me suis pas senti intimidé, loin de là. J'ai même pensé que ce contact visuel me permettait d'apprendre à le connaître. C'est intriguant de ne pas comprendre pourquoi ce genre de chose nous arrive. Nous ne sommes que des inconnus et j'ai pourtant la sensation qu'un je ne sais quoi m'attire magnétiquement vers lui. C'est comme si j'étais tout simplement aspiré par sa présence, bien qu'insensible et glacial.

– « Tu as mal dormi ? » m'interroge-t-il, me contraignant à baisser les yeux. Le visage échauffé, je reste simplement de marbre. Trop honteux de succomber à son charisme à chaque fois. Min Yoongi est un être très étrange mais tellement fascinant. Bien qu'il semble très macabre et sans vie, la couleur de ses yeux m'hypnotise avec tant d'intérêt. « Moi aussi. Aujourd'hui, je ne te demanderai pas grand-chose. Juste de rester ici. » m'apprend-il alors qu'il repose sa tasse de café. Lorsque j'observe son assiette et son bol de riz, je remarque qu'il n'a presque rien mangé alors que moi, inconsciemment, je me suis régalée. N'est-ce pas une torture pour lui de ne même plus être capable de se nourrir comme il l'entend ? Jinyoung est un cuisinier hors pair alors...n'est-il pas douloureux de ne même pas pouvoir savourer son talent ?

– « Si vous avez fini, je vais déba... »

– « Laisse ça ici. Bora débarrassera quand elle viendra à midi. En attendant...j'ai besoin de me reposer. » me coupe-t-il promptement. Le maître Min se lève, faisant dignement le tour du fauteuil pour venir s'engouffrer sous sa couverture. Il rallume rapidement la télévision avant de me faire signe de refermer les volets. J'agis maladroitement, ne sachant plus où me mettre. Il veut que je reste...ici ? A le regarder dormir ? « Tu peux t'installer là. » rétorque-t-il en tapotant le matelas d'une main alors que l'autre s'active à changer de chaîne. Là ? Il veut dire...sur son lit ? A côté de lui ? Si je m'attendais à ça...

– « Non, ça ira, je vais... »

– « Tu ne vas pas rester debout comme un idiot. » me contredit-il m'astreignant à céder à son caprice. Presque plongé dans le noir, je viens m'asseoir au bord du lit alors que le maître s'intéresse finalement au film sur lequel il vient de tomber. Ce travail est vraiment très déconcertant. Min Yoongi est très énigmatique, tellement que l'angoisse ne me quitte plus. Une fois ses paupières fermées, j'ai pris l'initiative de m'allonger complètement, appuyant ma tête dans le creux de ma main pour mieux pouvoir l'observer. Encore une fois, me voilà en train de l'admirer. C'est plutôt étrange lorsque je réfléchi à ce que je suis en train de faire alors qu'il dort profondément mais le maître est réellement ensorcelant. C'est comme si on m'avait jeté un sort pour ne plus jamais quitter son visage des yeux. Paniqué à l'idée de me faire prendre, je tente de me relever de manière la plus douce possible pour ne pas le réveiller mais sans que je ne m'y attende, sa main vient retenir mon avant-bras. « Je t'ai dis de rester ici. » susurre-t-il de sa voix rauque et endormie, sans même ouvrir les yeux. Ayant pensé une seconde que j'allais faire une crise cardiaque, je me réinstalle lentement à ses côtés, trop effrayé par son comportement de domination. Si captivant...cet homme est si captivant mais déchirant et effrayant. Comment peut-il m'intriguer autant et me faire trembler de terreur en même temps ?

– « Aish...est-ce que j'en ai quelque chose à foutre qu'il dorme ? Il a pas d'chambre, peut-être ? Il est bien moins attentif que j'le pensais... » chuchote une voix féminine que je n'ai même pas entendue entrer. Encore endormi, je somnole entre la réalité et le rêve. Pourtant, je n'ai pas envie de bouger ou d'ouvrir les yeux. Je n'ai ni trop chaud, ni trop froid. Le dessus-de-lit me recouvre complètement le corps et la lumière de l'extérieur n'altère pas mes projets de sommeil. Tout est absolument parfait pour moi...comme si chaque détail avait été pensé pour ne pas me distraire, comme si cet instant de paix m'avait été offert par les Dieux. Je suis si bien en ce moment...

– « Et j'en ai quelque chose à foutre moi de ton avis ? Si je te dis de ne pas le réveiller, tu ne le réveilles pas. C'est tout. C'est encore moi qui décide ici, non ? » renchérit une voix plus virile. Une voix plus...froide et distante...une voix comme celle du maître Min. La nature des faits me revient. Je suis dans le lit de mon supérieur à dormir paisiblement comme si j'en avais tous les droits... La honte... Mon ouïe se fait directement plus attentive à la conversation même si je n'ose faire le moindre mouvement de peur de me faire repérer. Pourquoi est-ce qu'il m'a laissé dormir ? C'est carrément gênant pour mon premier jour de travail ! Ils vont me prendre pour qui les autres ?

– « Sérieusement...juste parce que Sicheng est ton... Quoi ? Pourquoi tu m'dis d'me taire ? » demande Bora, apparemment perdue. Son quoi ? Je suis son quoi ? Merde, pourquoi est-ce qu'il s'inquiète autant de pouvoir me réveiller ? Je suis tellement gêné que je n'oserai certainement plus ouvrir les yeux. Si je lui fais face et qu'il me réprimande pour mon manque de professionnalisme, je suis censé faire quoi, moi ?

– « Tu as fini, non ? Alors sors maintenant. Je suis vraiment à bout d'énergie... » lui quémande le maître sèchement. Je perçois son corps se déplacer autour du lit, cherchant sûrement à revenir à sa place précédente.

– « Peut-être que si tu sortais un peu prendre l'air, tu pourrais... D'accord, d'accord...j'me tais ! » ronchonne-t-elle avant de refermer la porte derrière elle. S'ils essayaient de ne pas me réveiller, c'est raté. Yoongi se rallonge à mes côtés, relevant la couverture jusqu'à son cou. La télévision est toujours allumée mais le son est à peine audible. Alors que je retiens mon souffle, que j'attends impatiemment qu'il se rendorme pour que je puisse fuir librement de cette chambre, le maître s'approche délicatement de ma personne, venant se coller complètement contre moi. Il est tellement gelé que mon corps frissonne lorsque nous nous touchons. Censé être endormi, je ne fais et ne dis rien, priant simplement pour que tout cela ne soit que mon imagination. Pourquoi devient-il aussi tactile tout à coup ? C'est presque comme si une autre personne venait de prendre possession de son corps...

– « J'ai froid... » frémit-il à voix basse, cherchant certainement à expliquer son geste. C'était sûrement idiot de ma part de réagir aussi vite après son commentaire alors que je suis visiblement complètement endormi mais par réflexe et clairement par pitié, j'ai entouré son torse pour le tenir contre moi. Cherchant là à le réchauffer. Le maître n'a rien dit. Il s'est simplement laissé faire pour pouvoir se rendormir. Si c'est de cette façon que je peux apporter mon aide, que je peux rendre sa vie moins compliquée et douloureuse, alors je le ferai. Je vais veiller sur vous, Min Yoongi. Comme si vous étiez mon hyung, comme si vous étiez le frère que je n'ai jamais eu. Pour vous mais aussi pour mon grand-père qui vous aimait tant...

J'ai ouvert les yeux et ai découverts le visage fermé de mon supérieur. Malheureusement pour moi, celui-ci ne dort plus. Il est assit, le regard furieux à frotter ses bras. N'a-t-il pas réussi à se réchauffer ? J'y ai pensé une vingtaine de fois avant d'être capable d'émettre un mouvement. J'essayais de chercher une solution, une excuse, une conversation pour justifier mon éternelle sieste. Il est vrai que je n'ai pas dormi de la nuit mais est-ce que cela excusera réellement mon manque de compétence ? Je suis foutu.

– « Maître... » appelais-je pour lui indiquer mon réveil. Yoongi ne prend même pas la peine de détourner le regard vers moi, comme s'il n'avait même pas entendu ma voix. Est-ce qu'il va bien ? Hâtivement, je me redresse et dépose ma main sur son front. Il est complètement gelé. « Maître Min. » sollicitais-je son attention une nouvelle fois. Cette fois-ci, ses yeux se plongent dans les miens. Ses doigts s'avancent lentement dans ma direction pour venir se poser sur ma joue.

– « C'est de pire en pire chaque jour... Il avait dit que tout irait mieux...que tu arriverais à m'apaiser. Pourquoi ne puis-je pas tout simplement mourir ? » murmure-t-il à bout de force. Ses lèvres abîmées, brûlées par le froid se teintent rapidement de rouge. Comment fait-il pour avoir aussi froid alors qu'il est emmitouflé dans cette épaisse couverture ? Il est tellement pâle, tellement mal qu'on aurait presque l'impression qu'il souffre d'hypothermie. Le maître laisse faiblement sa tête s'appuyer sur mon épaule, signe qu'il n'a plus aucune énergie. La frigidité de son corps m'offre presque quelques frissons. Il faut que je réagisse. Rapidement, j'hurle après Jaehwan ou Monsieur Park. J'ai peur d'être resté là à dormir tout l'après-midi sans rien faire pour lui. Comment puis-je être aussi idiot et insensible à ce qu'il ressent ? Paniqué, j'attrape le corps presque sans vie du maître pour le mener jusqu'à sa salle de bain. Heureusement, pour moi, nous y avons directement accès depuis sa chambre. Difficilement, je le tiens du mieux que je peux jusqu'à l'installer dans la grande baignoire installée au beau milieu de la pièce.

– « Sicheng ! Qu'est-ce qui se passe ? » cri Jaehwan, choqué de me voir agir de la sorte. Arrivé en trombe après m'avoir entendu hurler après lui, Jaehwan analyse la situation, complètement perdu. Bonhwa ne tarde pas à nous rejoindre suivit de Jinyoung.

– « Il meurt de froid. Il faut le réchauffer ! » tentais-je d'expliquer mes actions. J'allume l'eau à température la plus élevée tandis que Monsieur Park essaye de capter l'intérêt du maître. Les yeux mi-clos, il se laisse faire sans répondre, trop affaibli pour pouvoir donner son avis sur la question.

– « Bonhwa, qu'est-ce qu'on fait ? » s'interroge Jinyoung, les larmes aux yeux. Pourquoi semblent-ils tous aussi surpris ? Est-ce la première fois que le maître Min perd presque connaissance ? Pourquoi a-t-il fallu que cela arrive aujourd'hui, alors que j'étais loin d'être attentionné envers lui ?

– « Appelle Bora, dis-lui qu'il est froid et que c'est bien pire que la dernière fois ! » lui répond Monsieur Park alors qu'il tapote toujours la joue de notre maître pour le réveiller. Apeuré de perdre ne serait-ce qu'une seconde pour lui venir en aide, je retire mon pull et entre dans la baignoire à mon tour.

– « Mais qu'est-ce que tu fais ? Tu vas te brûler ! » proteste le blond, toujours aussi confus.

– « Il faut qu'il se réchauffe rapidement. » expliquais-je en me positionnant au-dessus de Yoongi. Bien que l'eau sois extrêmement brûlante, je viens ouvrir la chemise de son pyjama pour plaquer son torse contre le mien. La chaleur corporelle n'est sûrement pas aussi efficace que le bouillonnement de l'eau mais je suis bien trop angoissé pour ne pas agir et attendre que quelque chose se passe. « Maître... Maître Min, vous m'entendez ? » réclamais-je après lui. Yoongi finit par ouvrir les yeux délicatement. Jaehwan a éteint l'eau, créant inconsciemment un silence alarmant. Seul le résonnement de nos souffles inquiets emplit la salle d'eau. Merde...j'ai vraiment eu peur qu'il lui arrive quelque chose...

– « Bora est sur la route, elle arrive ! » revient Jinyoung, tout en suffoquant. Le maître, la tête appuyé sur le rebord du bain m'observe muettement, le regard vitreux. Pourquoi est-ce que j'ai l'impression de ressentir sa douleur tout à coup ? Une légère pression fait son retour à l'intérieur de moi. Comme si quelque chose m'oppressait de l'intérieur, au niveau de la poitrine. Puis, alors que j'étais concentré sur cette force profonde sortie de je ne sais où, le regard du maître s'est transformé. Des yeux ternes et sans aucune vie qu'il arborait, il prend soudaine un air surpris, signe que quelque chose vient de lui faire face.

– « Qu'est-ce que tu fais ? » me questionne-t-il méchamment en me repoussant d'un geste brusque. Mon corps se fait éjecter de l'autre côté de la baignoire, se faisant même stopper par le robinet de celle-ci. Il doit sûrement me prendre pour un fou. Yoongi se repli sur lui-même tout en prenant le soin de reboutonner son pyjama comme si j'avais franchi la limite de son intimité.

– « Je voulais juste...vous étiez complètement...j'ai pensé que... » Les mots ne me viennent pas. J'ai honte. Honte d'avoir été aussi loin, de l'avoir mis dans un tel état. J'aurai dû rester à ma place, attendre Bora ou laisser les autres agir plutôt que de faire vulgairement sans savoir. Son attitude est tout à fait légitime, pour qui est-ce que je me prends ?

– « Maître, vous aviez perdu connaissance. Sicheng essayait de vous réchauffer. Est-ce que vous allez bien ? Bora ne devrait pas tarder... » intervient Bonhwa alors que les deux autres sont toujours là, à me regarder, presque choqué.

– « Sortez. Sortez tous. » commande-t-il rudement. Sans même oser croiser son regard, je me lève et ressors du bain. Le jean noir tout trempé, je me contente d'attraper mon pull et de faire profil bas jusqu'à ma chambre. Jaehwan et les deux autres ont eux aussi obéit aux ordres de Min sans penser broncher un seul instant à sa décision. Je suis entré sous ma douche après m'être débarrassé de mes vêtements. J'avais l'impression d'être complètement vidé, desséché de toute vie. Je ne sais pas si c'était sa réaction excessive et froide qui me valait ce comportement si désespéré ou bien si c'était autre chose, comme la mélancolie, le fait de ne pas se sentir entouré et compris. Peut-être même que j'avais le mal du pays...

– « Sicheng... » Surpris, je me retourne promptement vers la porte de ma salle de bain que je pensais pourtant avoir bien fermé à clé. Je sais que personne n'est censé entrer mais c'est une habitude que j'ai prise étant plus jeune. Alors que je pensais avoir entendu quelqu'un prononcer mon prénom, je remarque qu'il n'y a personne. Perplexe, je ressors rapidement de la cabine de douche pour aller vérifier dans ma chambre. Personne... Tellement parano, je vais même vérifier dans le couloir que personne ne soit là à attendre que je réponde. Il n'y a définitivement personne. Peut-être est-ce moi qui ai rêvé... J'étais tellement perdu dans mes pensées, que j'ai certainement dû m'évader un instant. Malgré tout ça, j'observe l'heure sur mon portable. Il est dix-sept heure trente. La journée a défilé sans même que je ne m'en rende compte.

– « Sicheng ! » Jaehwan a toqué à ma porte une demi-heure plus tard. Trop gêné pour sortir d'ici et trop blasé de ne rien avoir à faire, j'avais allumé mon ordinateur pour fuir un peu le temps... Je saute énergiquement de mon lit, comme si cette journée de sommeil m'avait remis sur pied avant d'aller ouvrir la porte. « J'te dérange pas ? Je peux entrer ? » me sourit-il chaleureusement. Le blond entre sans même prendre le temps d'attendre ma réponse pour venir s'asseoir sur mon lit. « Viens-là. » dit-il tout en tapotant la place à ses côtés. J'obtempère sans questionner son comportement.

– « Bora est arrivée ? Comment va-t-il ? » m'empressais-je d'obtenir des informations. J'avais vraiment envie de courir hors de cette pièce pour aller questionner Bora. Mais à vrai dire, j'avais terriblement peur de l'humeur massacrante du maître alors je me suis retenue.

– « Tu t'inquiètes vraiment pour lui ? » plaisante-t-il avant de me caresser les cheveux. Bien sûr que je m'inquiète pour lui. Il était tellement mal et j'étais seul avec lui. Je ne savais pas quoi faire, ni comment agir. J'étais tellement effrayé à l'idée de le perdre dans mes bras... « Bora est là, ne t'en fais pas. Il a toujours aussi froid mais avant demain, il devrait avoir beaucoup plus chaud. Retire ton t-shirt. » annonce-t-il subitement. Mon t-shirt ?

– « Pourquoi ? » reculais-je, surpris.

– « Fais c'que j'te dis, idiot. J'vais pas te sauter dessus, non plus... » ricane-t-il face à mon expression d'incompréhension. Je retire mon haut puis attends que Jaehwan m'explique. Je remarque alors qu'il détient une sorte de crème entre ses mains. Il en retire un peu pour la mettre sur ses doigts avant de me faire signe de me mettre dos à lui. « Tu vas sûrement avoir un bleu... » Je comprends alors ce qu'il fait. Je me suis cogné contre le robinet de la baignoire tout à l'heure, il essaye certainement de minimiser la douleur. « Tu as mal ? »

– « Non. Je ne ressens pas la douleur. » racontais-je.

– « Alors il disait vrai ? » marmonne-t-il tout en malaxant mes omoplates. « Je veux dire... Il me semble que ton grand-père nous en avait parlé... » révèle-t-il. Grand-père parlait vraiment de moi avec eux ? Cela me fait extrêmement plaisir de savoir qu'il pensait tout de même à moi lorsqu'il travaillait ici. Je me sens plus proche de lui lorsque j'entends Jaehwan parler de lui.

– « J'ressens pas la douleur physique mais sentimentalement parlant, il m'arrive de souffrir comme n'importe qui. » ricanais-je pour détendre l'atmosphère. Jaehwan avait l'air ailleurs en évoquant mon grand-père. Peut-être tenait-il beaucoup à lui, lui aussi. Mes parents ont découvert que je ne ressentais aucune douleur lorsque j'étais encore tout jeune. J'agissais parfois trop brusquement avec les autres élèves alors ils se sont questionnés. Ce n'était pas parce que j'avais mauvais fond, juste parce que je ne comprenais pas les avertissements qu'on pouvait me donner et pourquoi est-ce qu'on me les donnait. Les premiers médecins que j'ai consulté ne comprenait pas d'où cela pouvait venir. D'après ce que je sais, il a fallu que je me fasse ausculter en Russie pour que mes parents aient enfin une réponse. De ce qu'il disait, nous n'étions que très peu à avoir de tels dons dans le monde. Entre dix et quinze. Non seulement je ne ressens aucune douleur physique mais il est aussi inexplicablement impossible pour moi de tomber malade. Je n'ai jamais eu de rhume ou de maux de tête. Je ressens parfois quelques douleurs au plus profond de moi mais cela ne m'empêche pas d'aller travailler ou de sortir. C'est incompréhensible mais j'ai appris à vivre avec sans pour autant relâcher ma prudence. En fait, c'est même l'inverse. J'appréhende l'imprévu plus que la normale parce que je ne me sens pas pour autant plus invincible.

Beside me |sugawinwin|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant