VIII

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Lucie

Je m'amusais avec l'une de mes mèches lilas tout en prenant distraitement des notes sur le cours d'Histoire. La prof était intéressante, mais sa voix rendait le tout soporifique et bien des élèves de ma classe peinaient à garder les yeux ouverts. Certains ne faisaient même plus d'efforts, s'était le cas de notre très chère Mélanie. 

Affalée sur sa table solitaire dans le fond près de la fenêtre, les cheveux éparpillés tout autour d'elle tel un soleil enflammé avec ses beaux reflets roux que je lui enviais à une époque. Je la fixais en soupirant. La voire dormir en cours sans aucune discrétion était devenu quelque chose de plutôt banal à vraie dire. Au moins elle rattrapait plus ou moins sa nuit, peut-être qu'elle passerait d'un teint cireux à un teint juste un peu plus pâle que la norme, rien que du fond de teint et un peu de blush ne pourrait corriger. Si elle me laissait m'occuper d'elle et lui donner des conseils aussi, mais elle avait le maquillage en horreur. Son style vestimentaire laissait aussi fortement à désirer, tout comme sa chevelure à la fois sombre et flamboyante qu'elle n'avait pas coupé depuis l'an passé. Ses cheveux raides et épais lui arrivait désormais à la taille et elle ne les attachait que pour le sport et ne se les brossait peut-être que tous les deux jours tant le tout ressemblait de plus en plus à un nids d'oiseaux. Quant à ses vêtements, elle ne mettait que des jeans sombres et des pulls informes. En début d'année elle avait tenté de faire des efforts, mais Mélissa et quelques autres filles de la classe s'était beaucoup moqué de son corps. De la jalousie sûrement. 

Si elle faisait un peu plus attention et qu'elle s'offrait un relooking complet et surtout de bonnes nuits de sommeil et une alimentation équilibrée, Mélanie pourrait révéler tout le potentiel qu'elle avait. Son visage ovale et fin avec ses pommettes hautes et ses lèvres fines était assez joli, ne parlons même pas de ses yeux que beaucoup lui envie. Elle est certes petite de taille, mais elle est très fine, voir un peu trop en ce moment, mais elle a une taille fine et marquée. Les reproches des autres filles se portaient enfaîte sur ses formes qu'elles trouvaient inexistante. Les moqueries avaient fusées rapidement pendant des semaines. Mélissa était d'ailleurs l'une des plus véhémente à ce sujet, balançant à la pauvre Mel que sans poitrine et fesses elle ne plairait jamais, ne serait jamais désirée, ne pourrait rien faire dans la vie, qu'elle n'avait même pas le corps d'une femme et que ça la rendait beaucoup moins belle que les autres. 

Alors elle avait rangé ses hauts un peu moulants et un peu décolleté pour se rabattre sur des tissus beaucoup trop large pour elle. 

Le regard des autres l'avait toujours beaucoup trop inquiété, je m'en étais rapidement rendue compte au fil des années. A la moindre remarque on la voyait se cacher, se renfermer sur elle même et se mettre en position de victime au lieu de contre-attaquer. Elle ne le faisait plus non plus, pas après ce qu'il s'était passé les précédentes années. Je crois qu'elle est fatiguée de tout ça. 

Assise à côté de Mélissa avec qui je m'étais trouvé pas mal de point communs, comme notre amour pour la mode, je ne me concentrais plus du tout sur le cours se déroulant en face de moi. La jeune fille se pencha alors vers moi, remettant au passage ses cheveux châtain clair méchés de blonds en place. Elle me fixait de ses yeux bleus perçants à travers ses lunettes et un grand sourire confiant prit place sur son joli visage parfaitement maquillé. 

-Je sortirais bien faire du shopping demain, ça te dirait? 

Elle m'arracha un sourire heureux et j'acquiesçais, toute excitée à l'idée d'aller faire les boutiques avec elle. 

-Je me disais qu'on pourrait peut-être inviter Mélanie aussi, on pourra s'amuser à essayer de lui faire porter des trucs de femmes sur son corps d'enfant. 

Elle pouffa et me lança un clin d'oeil complice par lequel je répondis par un sourire un peu crispé. Elle ne s'y attarda pas pour autant et commençait à ranger ses affaires, la cloche ayant sonnée. 

Hypocrite au possible avec notre petit zombie, Mélissa se faisait pourtant passer pour sa meilleure amie depuis le début de l'année. Elle la rabaissait constamment, se moquait de son corps, de ses goûts, de ses problèmes plus qu'évident et surtout du non-succès qu'elle avait avec les garçons. Pourtant, elle savait profiter de la faiblesse sentimentale de la brunette et se montrer assez gentille avec elle quand il le fallait pour que Mélanie ose dire quelque chose. Et moi dans tout ça? Je restais spectatrice. Mélissa avait toujours fait partie de ces filles populaires que tout le monde envie et enfin j'étais remarquée par elle et considérée comme une proche, je ne comptais pas tout gâcher pour Mel qui pouvait très bien se défendre seule au lieu de jouer à la victime en permanence. 

De sa démarche féline, balançant ses hanches en rythme et faisant voler ses cheveux presque entièrement blonds d'un geste de la main, Mélissa s'approcha de Mélanie qui venait juste d'émerger de sa sieste. 

-Mel-Mel, j'ai l'honneur de t'annoncer que je te convie à notre séance shopping demain avec Lucie! Bien sûr les filles vous venez dormir chez moi ce soir pour qu'on se prépare demain, il ne faut pas sortir n'importe comment; ça vaut surtout pour toi Mel-Mel. 

Mélanie ouvrit la bouche, sûrement pour décliner l'offre, mais Mélissa ne demandait pas, elle ordonnait. 

-Et je ne veux pas de tes excuses Mel-Mel, j'ai déjà envoyé un message à ta mère et elle est ravie qu'on te sorte un peu. Et ne me sort pas l'excuse de ton argent de poche, elle m'a aussi confirmé qu'il te restait de l'argent de Noël. 

Et Mélissa s'en alla, toujours en se déhanchant comme si elle était mannequin dans un dféilé de haute couture. J'interceptais des regards de garçon de notre classe se retourner sur son passage, certains la sifflèrent même. Mais au lieu de s'énerver, elle ne fit que pouffer et leur sourire en coin avec des sous-entendus. 


Face CachéeWhere stories live. Discover now