Chapitre 1-3

1.5K 270 46
                                    

Me voyant au bord du malaise, mon nouveau frère - il devra se contenter de Tintin - se dévoue finalement pour attraper le tapis à dreadlocks qui bave copieusement sur mes chaussons pour le foutre dehors

Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.

Me voyant au bord du malaise, mon nouveau frère - il devra se contenter de Tintin - se dévoue finalement pour attraper le tapis à dreadlocks qui bave copieusement sur mes chaussons pour le foutre dehors. Par dehors, j'entends sur le balcon. "Par-dessus" le balcon aurait été préférable, à mon sens, mais comme très souvent dans la vie, je n'obtiens pas ce que je veux.

Faut dire que j'ai déjà droit à la seconde vie, faudrait pas que je devienne exigeante non plus.

- Tu as de la fièvre ? me demande ma... ma... - faut vraiment que je m'y fasse... bref - Christina.

Ouais, finalement, j'ai pas besoin de m'y faire. Personne ne m'oblige à l'appeler Maman, après tout. Ou peut-être que si.

- Peut-être aux pieds, je réponds aussitôt en retirant mes chaussons poilus couvert d'une horrible substance visqueuse. Il a vomit ses fluides dessus, je vais faire de l'urticaire maintenant, c'est sûr.

On se croirait dans Aliens. Eux aussi ils sont laid et ils bavent copieusement, non? Moi j'en sais fichtre rien, j'ai jamais pu voir le film - j'ai trop la trouille pour ça. Mais je suis certaine d'une chose : si les Aliens étaient des chiens, je serais déjà entrain de perdre mes doigts de pieds.

Tintin rigole encore pendant que je descend de mon perchoir en douceur, vérifiant au passage la présence de tous mes orteils.

- On devrait lui faire passer une IRM, non ? s'enquiert l'homme de la maison avec une expression dépassée, un peu comme s'il avait affaire à pitbull enragé dans son salon.

C'est pas moi le pitbull, hein, c'est le machin dehors qui essaie de bouffer la poignée pour rentrer. D'ailleurs, je suis la seule à le voir ? Bientôt, il va faire un trou dans la vitre à force de la gratter.

- Elle en a déjà passé un, Claude, soupire la femme. Tout fonctionne parfaitement bien, d'après le médecin.

- Tout sauf les neurones, s'amuse Tintin qui s'est accoudé au bar, portant une tasse de café à ses lèvres étirées sur un sourire.

Sa mère lui jette un regard vraiment venimeux. Vous savez celui de la maman louve, prête à se jeter à la gorge de la femme qui la regarde de haut dans le supermarché parce qu'elle a osé secouer son gosse qui fait un scandale pour des haribos ? Oui, celui-là même, de regard.

Petite note à moi-même, donc : Christina ne se préoccupe pas de sa fille, mais elle la couve comme un bébé. C'est bon à savoir si, à l'avenir, je veux ramener un motard tatoué à la maison. Ou deux. Deux c'est toujours mieux.

- Si c'est pour dire des âneries pareilles, tu ferais mieux d'aller étudier, réplique Christina.

Ouf, c'est méchant ça. Et pourtant, Tintin perd pas son sourire pour autant. J'l'aime bien lui, même s'il a l'humour d'une grenouille au réveil. Réveil. Grenouille. Ah-ah, que je suis drôle !

- Tu avais dit que sa mémoire pouvait lui jouer des tours, relève le papa.

Bim, double regard de tueur de maman ours. Puis elle se tourne vers moi pour m'offrir un grand sourire. Absolument pas flippante pour deux sous, la maman.

- Assied-toi ma chérie, je t'ai fait des tartines.

Je regarde lesdites tartines. Je lui dis maintenant que je ne mange que des céréales le matin ? Évitons les yeux rayons laser dés le premier jour, sait-on jamais que ma nouvelle maman soit un genre de Super-Girl.

- Génial, merci, mens-je en m'installant à table.

Y a plus de choix de confiture que je n'ai de culotte dans mon tiroir à sous-vêtements. Moi qui mets toujours des années à choisir mon plat au restaurant, je suis farcie. Finalement, comme j'ai pas trop faim avec toute cette histoire, je grignote des cracottes 100% bio. Un truc tellement infect que j'abandonne presque l'idée de déjeuner.

- Y a pas de nutella ? fais-je d'une voix terriblement malheureuse.

Christina me regarde avec des yeux ronds.

- Ma chérie, on ne mange pas ça, tu le sais bien. Tiens, prends un kiwi plutôt.

Et sur ce, elle m'en coupe un qu'elle me glisse sous le nez. Je jette un regard de femme battue à Tintin qui esquisse un nouveau sourire.

- Bon... je dois aller travailler, on se voit ce soir ? fait Claude en se dandinant sur place comme s'il est un parfait inconnu ici.

- Déjà ? s'exclama sa femme. Tu pourrais rester un peu, on vient à peine de la ramener à la maison...

-J'ai du travail, répond-il en contournant la table pour venir poser un bisou franchement maladroit sur mon crâne, que j'éprouve bien du mal à ne pas esquiver.

Sitôt dit, sitôt fait, il s'échappe en vitesse de la salle à manger.

- Moi aussi j'y vais, fait Tintin quelques secondes plus tard.

- Toi aussi ?! s'exaspère sa mère avec l'air de vouloir arracher la tête de quelqu'un.

Si elle a des envies de meurtres, y a un machin qui se défoule sur le balcon à qui ça ne ferait pas de mal d'apprendre à voler. Je grimace en regardant mon nouveau frangin se faire la malle à son tour. Une folle envie de me barrer me prend, mais je suis coincée.

Christina s'installe à table en face de moi en soupirant.

- Tu vas bien ? demande-t-elle.

- Je suis fatiguée, lui réponds-je honnêtement.

Et c'est le cas de le dire, j'ai l'impression d'avoir épuisé déjà 80% de mon énergie juste en venant déjeuné. La suite s'annonce corsée.

- Tu peux aller te re-coucher si tu veux, me dit-elle, un sourire doux sur le visage. Je devrais peut-être m'absenter un petit peu aujourd'hui, mais si tu as le moindre problème, tu as tous les numéros d'urgence sur le frigo. N'hésites surtout pas à m'appeler.

Je hoche la tête, soulagée, et quitte précipitamment la pièce. Ma nouvelle vie s'annonce compliquée. 

Adieu Aby, Bonjour AndyWhere stories live. Discover now