Chapitre 4 - #8

1.3K 178 42
                                    

— Xalyah !

Khenzo m'aide à me relever et examine mes pupilles pour voir si tout va bien. À part quelques nausées et l'estafilade le long de mon avant-bras gauche, je vais bien.

— Tu es complètement cinglée, lâche-t-il d'un air réprobateur.

— Un chat..., murmuré-je encore un peu fébrile.

— Quoi ?

— C'était un chat...

Khenzo me regarde d'un air furieux.

— Les autres unités ? m'enquiers-je dans un murmure.

— L'alerte est levée. Elles ne sont plus dans les parages.

— Que fait l'IPOC ici ? questionné-je en reprenant peu à peu mes esprits.

— Je n'en ai aucune idée, répond-il, toujours en colère. D'habitude, on a affaire aux troupes du NGPP et elles se contentent de tourner aux abords de la Cité. C'est bien la première fois que des soldats ennemis s'aventurent jusqu'ici. Et quelque chose me dit qu'on n'en restera pas là.

Ce n'est pas moi qui vais le contredire.

L'attroupement autour des cadavres se densifie. Les visages des gens sont partagés entre horreur, dégoût et jubilation. Comme si un tel spectacle méritait autant d'intérêt. La mort n'a rien d'excitant.

— Khenzo ?

— Oui ?

— J'ai besoin de bras pour les enterrer.

— Pardon ?! s'exclame-t-il, les yeux écarquillés. Tu plaisantes, j'espère !

Je le regarde en fronçant les sourcils. Non. Je n'ai pas du tout envie de plaisanter.

— L'unité de nettoyage passera les ramasser pour les balancer dans la décharge de la ville voisine, m'explique-t-il. Tu n'as pas à t'en soucier, ils sont là pour s'occuper de ce genre de tâche.

— Dans une décharge..., murmuré-je, estomaquée. Ce sont des hommes, Khenzo ! Tu aurais pu être à leur place... Oh, et puis merde, laisse tomber ! ajouté-je violemment.

Comment peut-on balancer des cadavres dans une décharge ? Non, je ne le supporterai pas. Je dois les enterrer, c'est comme ça. Khenzo baisse la tête pour regarder les soldats. À son attitude, je devine qu'il m'aidera. Je cherche mon manteau des yeux. Bien que nous soyons sous terre, l'hiver approche et les températures se rafraîchissent de plus en plus. J'aperçois mon manteau sur les épaules d'une femme. Je l'interpelle :

— Hey ! Mon manteau, s'il te plait !

La jeune femme serre le vêtement contre elle et hoche la tête. Soufflée par son attitude, je reste un moment sans voix avant de hausser le ton :

— Quoi ?! Si tu ne veux pas tâter de mon couteau, tu as intérêt à me le rendre !

— Je l'ai trouvé. C'est à moi, déclare-t-elle avec aplomb.

Quelques personnes se rapprochent de la femme, me défiant du regard. Je ne suis pas des leurs et ils me le font bien sentir. La tension monte d'un cran dans la galerie. Après un combat, j'ai toujours les nerfs à vif ; mes doigts jouent furieusement sur le manche de mon couteau. Khenzo pose une main sur mon épaule et se penche à mon oreille :

— Pas la peine d'empirer la situation, personne ne prendra ta défense, ici, murmure-t-il en me retenant.

— Même pas toi ? lui demandé-je, sarcastique.

— Je t'aiderai à enterrer ces hommes, mais je ne prendrai pas position contre cette femme. Je suis censé les protéger et pour eux tu es une étrangère.

Il s'interrompt pour réfléchir quelques instants.

— Je suppose que si tu lui donnais quelque chose en échange, l'affaire serait close. Et ce serait l'occasion de prouver que tu ne cherches pas à leur nuire.

— Tu te fous de moi, Khenzo ?

Le jeune homme me regarde, tout à fait sérieux.

— Attends... c'est MON manteau, que je sache ! Et puis je n'ai rien à prouver ici, je n'ai pas l'intention de rester.

— C'est toi qui vois, dit-il en se grattant le menton.

Je respire un bon coup et tente de me calmer. Mais merde ! Dans quel monde on vit ?! Je prends un air menaçant et foudroie la femme du regard en m'approchant d'elle.

— Si tu ne me rends pas immédiatement ce manteau, je peux t'assurer que tu envieras la façon dont ces hommes sont morts, menacé-je froidement en pointant du doigt les quatre corps étendus au sol.

Quelques personnes de la foule secouent la tête d'un air désapprobateur. Les yeux de la femme vont et viennent rapidement entre les cadavres et moi, pesant le pour et le contre, puis, à contrecœur, elle finit par me tendre mon manteau. Je préfère ça, car je n'aurais eu aucune pitié.

À présent, il faut enterrer ces hommes. Je fais un peu de place autour d'eux et demande si quelques âmes charitables voudraient bien m'aider. Le silence s'abat brutalement dans le tunnel. Personne ne dit mot et tout le monde s'épie avec méfiance, comme s'ils allaient se jeter sur le premier qui parlerait. Alors que la foule commence à se disperser, la voix de Khenzo s'élève :

— Les deux personnes seront payées dix YES chacune !

Les gens s'arrêtent, reviennent sur leur pas et jaugent la situation. Plusieurs mains se lèvent. C'en est trop.

— Alors c'est comme ça que ça se passe, ici ?! L'hospitalité, les affaires volées, l'entraide... tout s'achète ? Vos convictions aussi se monnayent ou il vous reste encore un peu d'amour-propre ? Si vous êtes ici, c'est que vous n'adhérez ni aux idées du NGPP, ni à celles de l'IPOC, alors élevez-vous au-dessus d'eux et de leurs pratiques, au lieu de vous abaisser à des comportements bestiaux. Vous me dégoûtez... Vous ne valez pas mieux que ceux qui vous oppressent !

La foule reste silencieuse. Je n'ai pas l'impression que mon petit discours a eu un quelconque impact. Je soupire de désespoir. Khenzo s'approche d'un des cadavres.

— Je n'ai pas besoin de ton aide.

— Mais...

— Laisse tomber, je te dis, le coupé-je, énervée. Je vais faire ce que j'ai à faire, seule. Comme d'habitude.

Sans un regard pour lui, je vais chercher un morceau de corde dans mon sac, rengaine mon Wallgon-X dans son holster et passe mon fusil d'assaut en bandoulière. On ne m'y reprendra pas deux fois.

Horizons #1 - Sombre baladeWhere stories live. Discover now