Chapitre 2 - #3

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La moitié de la distance qui me sépare de ce carrefour à peine parcourue, l'homme me rattrape et se jette sur moi. Nous roulons à nouveau au sol et j'arrive à prendre le dessus en me positionnant à califourchon sur lui. Malgré l'obscurité, il dévie sans difficulté mon crochet du droit, me repousse sur le côté et se relève d'un bond. Il m'attrape sans ménagement par les épaules pour me redresser et me plaque contre le mur le plus proche. Grand et bien bâti, il me dépasse d'une bonne tête. Sa main large et calleuse trouve ma gorge et son manteau en cuir grince légèrement tandis qu'il me soulève du sol.

Pour la première fois, je croise son regard. Sombres, ses yeux ne transpirent ni la cruauté ni la violence. Juste de la colère et une once d'anxiété. Je lâche la sangle de mon sac, pour attraper son poignet et soulager la pression qu'il exerce sur ma gorge. Mes pieds sont à quelques centimètres du sol et je commence à manquer d'air. Si je n'envisage pas une solution radicale, je suis fichue. Mais je vais lui donner une chance.

— Qu'est-ce que tu nous veux ?!

Il a le souffle court et rauque. Le coup que je lui ai donné dans les côtes continue de l'incommoder. Je tente de répondre, mais ses doigts se resserrent. Il donne un coup de poing dans le mur, à quelques centimètres de mon visage.

— Tu travailles pour qui ? Réponds !

Il relâche légèrement son étreinte et mes pieds touchent à nouveau le sol. L'air s'engouffre dans mes poumons et je manque de m'étrangler pour de bon. Je reprends mon souffle et, par la même occasion, mes esprits, puis mon regard quitte le sien pour balayer les environs à la recherche d'une solution qui ne serait fatale à personne.

L'aube approche et l'obscurité se dissipe peu à peu. Un mouvement attire mon attention en direction du carrefour. Je plisse les yeux pour me concentrer sur les silhouettes qui se détachent dans la rue. Cette fois, pas de doute, c'est bien une patrouille du New Generation Political Party qui s'approche. Pas cadencés. Uniformes tirés à quatre épingles. Armes étincelantes. Grâce à la pénombre, ils ne nous ont pas encore vus, mais ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils se rendent compte de notre présence. Bordel, ça craint.

Paniquée, je fais signe à l'homme qui me tient toujours par les épaules de regarder derrière lui. Intrigué par mon agitation, il jette un regard par-dessus son épaule. Sa poigne s'affermit un peu plus encore. Lentement, il se retourne vers moi.

— Tu es avec eux ? murmure-t-il d'un ton menaçant.

Je fronce les sourcils et la panique se transforme en colère. Il se fout de moi ? Comme il attend toujours une réponse, je fais signe de la tête que non. Il baisse les yeux sur mon semi-automatique, à moitié caché par mon manteau et rangé dans son holster sur ma cuisse droite.

— Pourquoi tu n'as pas essayé de me tirer dessus ?

Je peux sentir l'intensité de sa fureur. Visiblement, il n'est pas pote avec le NGPP et c'est peut-être ce qui va nous sauver. Mes yeux descendent sur la bosse de son blouson.

— Je pourrais te retourner la question.

— Une intuition, grogne-t-il.

— Alors, il faut croire que nous avons eu la même.

Il hoche la tête, dardant son regard noir sur moi. Je sais qu'il pèse le pour et le contre. À deux, nous multiplions nos chances de survie face à la patrouille et rien ne m'empêchera de l'abattre ensuite. Lentement, je lève les mains en l'air, en signe de paix.

— Tout ce que j'ai pour te convaincre, c'est ma parole. Je ne suis pas à la solde de ces enfoirés.

Il me dévisage intensément, puis, après quelques hésitations, il finit par me libérer de son emprise. À croire que ce qu'il a vu en moi lui a suffi. L'homme s'écarte légèrement, détache la lanière de son holster et sort son arme.

Horizons #1 - Sombre baladeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant