Chapitre 2 - #8

1.6K 218 33
                                    

— Tu n'es pas la bienvenue ici. Alors, je ne te le dirai pas trois fois, prends tes affaires et barre-toi !

— Je ne suis pas là pour...

— J'en ai rien à foutre ! Ferme-la ! Je t'ai dit de te casser !

Tim resserre son étreinte. Ma main glisse sous mon manteau pour se saisir du manche de mon couteau de chasse, mais Khenzo décide d'intervenir pour nous séparer et m'épargne par la même occasion le risque de sortir mon arme. Son chef rechigne à me lâcher, si bien que le jeune homme est obligé de l'empoigner de force pour l'éloigner. À se demander qui est vraiment le patron ici. Tout le monde semble craindre Tim et respecter ses décisions, sauf Khenzo. Pourquoi un tel traitement de faveur ?

— Tu fais chier Tim. Elle a sauvé la peau de Camélia et c'est comme ça que tu la remercies ?

— J'aime pas cette gonzesse. Elle va nous attirer des ennuis, je le sens, crache-t-il en pointant un index accusateur dans ma direction.

Lui et moi ne sommes décidément pas faits pour nous entendre.

— Arrête ta paranoïa. Elle restera ici aujourd'hui, si elle le souhaite. La nuit a été rude pour tout le monde, alors n'en rajoute pas.

— Non... je...

— Arrête, je te dis !

Khenzo repousse Tim vers le feu et lui fait signe de s'asseoir.

— Les Balayeurs ne sont pas encore venus ramasser les cadavres. Tu veux qu'elle se fasse prendre ? Tu veux qu'ils remontent jusqu'à nous ? Jusqu'à eux ?! s'exclame le jeune homme tandis que Tim baisse la tête. Si tu veux jouer à ça, on va tous y rester et tu le sais très bien. Alors arrête de nous faire chier.

— Tu m'emmerdes, réplique son chef d'un ton cassant.

— Je sais.

— Ce n'est pas à toi de prendre ce genre de décision.

— Certes.

Tim et Khenzo continuent de se disputer quelques minutes pour statuer sur mon sort. Les autres se tiennent à bonne distance des deux hommes, attendant qu'ils prennent une décision. Au premier abord, il me semblait que c'était l'aîné du groupe qui dirigeait tout ce beau monde, mais après ce à quoi je viens d'assister, il y aurait de quoi douter. Tim finit par rendre les armes, s'inclinant devant les nombreux arguments de son cadet. Et vexé, il se laisse choir sur une cagette.

— Tu sais gamin, mon flair me trompe rarement, conclut-il en posant son index sur son nez. Cette fille ne nous apportera rien de bon, je le sens.

— On en reparlera quand tu te seras reposé. Tu auras peut-être les idées plus claires.

C'est presque comique de voir le doyen du groupe se faire rabrouer de la sorte et je dois à nouveau me retenir d'esquisser un sourire. Son regard de braise m'en dissuade et, les bras croisés sur sa poitrine, il continue de fulminer à voix basse.

Khenzo se passe une main dans les cheveux d'un air désabusé, puis revient vers moi. Je n'ai pas bougé, attendant de voir comment les choses allaient tourner. Il s'arrête à mon niveau et me dévisage quelques minutes en silence.

Je finis par prendre la parole :

— Écoute, j'ai mieux à faire que de m'embrouiller avec un vieillard, alors je vais ramasser mon sac, reprendre mes armes et m'en aller. Ce sera plus simple comme ça.

— Non, je ne pense pas. Les Balayeurs devraient être sur place dans moins d'un quart d'heure. Ça ne te laissera pas assez de temps pour partir d'ici.

— J'en ai vu d'autres, ne t'en fais pas. Je saurais les gérer et les détourner de cet endroit, affirmé-je avec aplomb.

— Il est hors de question de courir ce risque, déclare-t-il d'un ton tranchant. Et puis vu ta tête, une journée de sommeil ne te ferait pas de mal. Ici tu ne risqueras rien, je te le promets.

Je jette un coup d'œil à Tim qui nous épie derrière son air renfrogné. Sans risque, vraiment ?

— Il ne faut pas lui en vouloir, reprend Khenzo qui a suivi mon regard. Tim est un bon chef d'escouade, seulement ces derniers jours ont été un peu éprouvants.

— Sans doute.

Ma tête roule en arrière et je me laisse glisser contre le mur pour m'asseoir. Il a raison. Je ne peux pas refuser son offre, je suis bien trop fatiguée pour cracher sur quelques heures de sommeil. Les Balayeurs n'excellent pas dans l'art du combat, mais vu mon état, je risque de ne pas réussir à tenir tête face à une de leurs unités. D'autant plus qu'avec vingt cadavres à ramasser, ça va en faire du monde dans le coin. Je n'ai pas souvent l'occasion de pouvoir souffler de cette manière, alors autant profiter de celle-là.

Je pose mon front sur mes genoux et me passe les mains dans les cheveux. Ils sont encore humides le long de ma nuque, ce qui me fait frissonner. Soudain la fatigue accumulée me rattrape au galop. Il n'y a pas si longtemps que ça, j'étais encore sur les bancs de l'école, réfléchissant aux différents concours que je voulais tenter. À ce moment-là, ce n'était pas vraiment de cette manière que j'imaginais mon avenir. D'ailleurs, je ne pense pas me tromper en disant qu'aucun d'entre nous ne s'imaginait vivre ce putain de cauchemar, dans lequel nous avons tous sauté à pieds joints.

Je soupire et jette un œil en direction de Camélia. Réveillée, la jeune femme s'est redressée sur la paillasse et me regarde avec curiosité, les yeux encore rouges de fièvre.

— Comment tu t'appelles ? demande-t-elle, doucement, pour ne pas attiser davantage la colère de Tim.

— Xalyah. Comment te sens-tu ?

— Ça... ça va... Merci.

— Ne me remercie pas, tu en aurais fait autant à ma place.

Elle lève un sourcil perplexe et je ne sais pas comment je dois prendrecette réaction. 

Horizons #1 - Sombre baladeWhere stories live. Discover now