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— T'as faim ? demande Coline au blond.

— Oh oui putain.

Isidore soupire lamentablement en mimant une faim terrible avec son ventre.

— On va manger ? demande-t-il en grimaçant.

— Let's go.

Les deux descendent les escaliers du lycée, fatigués par les cours et le BAC imminent.

Au deuxième étage, Isidore joue avec les cheveux de la blonde et Co' essaye d'éviter la main moite du blond.

En y repensant, elle ne cessera jamais de le taquiner à ce sujet. C'est un tue-l'amour que Coline trouve drôle avec Isidore. Une main gauche qui transpire plus qu'une main droite quand il stresse. Hier soir, il lui a encore confié ses histoires gênantes et elle, ses idées les plus farfelues. Co' lui a raconté ses rêves d'enfant, comme manger ou nager dans les nuages, et écrire des lettres au père Noël. Elle appelait même le 36 30, bernée par les pubs de la télé. Isidore s'est beaucoup moqué, mais n'a jamais cessé de la contempler.

Le blond s'est confié sur une période d'insécurité de sa vie liée à un trouble qu'il a réussi à dépasser cette année. Trouble de dépersonnalisation. Rien ne lui a semblé familier en entendant ce terme. Pourtant, elle s'est renseignée, et jusqu'à présent, elle n'arrive pas à croire que le sourire d'Isi' a été par le passé, un néant d'idées. Il lui a avoué que sans elle, il ne serait pas aussi bien qu'il l'est aujourd'hui et que c'est aussi pour ça qu'il n'arrive pas à ne pas tenir à elle.

Parfois, Coline se demande si ça aurait été mieux s'ils étaient restés amis. S'ils n'avaient pas eu cette ambiguïté étrange à cette soirée-là, précise. Elle se demande ce qui se serait passé s'il n'était pas descendu la retrouver. Peut-être qu'ils auraient été comme avant. Peut-être qu'elle aurait toujours été aussi attendrie par tous ses efforts, mais que le déclic serait arrivé un peu plus tard, à un autre moment.

Co' sait qu'ils vont bien ensemble. C'est Angèle qui l'a dit.

Au fond, rien n'a vraiment changé. Ils passent leurs vies à se faire rire, à découvrir des choses, réviser, critiquer des personnages de série et essayer de résoudre des énigmes. La dernière fois, ils ont brûlé des cookies.

Ils s'embrassent et se touchent un peu plus qu'avant, s'ouvrent l'un à l'autre sur d'autres plans. De temps en temps, c'est encore un peu gênant, quand l'intime lui fait rendre compte qu'elle est avec son meilleur ami. Mais leur amour charnel n'est qu'une extension de cette facette de leur relation. Parce que c'est la personnalité d'Isidore qu'elle aime le plus intensément.

Ils ont d'abord été meilleurs amis. Et Co' le considère toujours ainsi, même avec un cœur qui bat la chamade et un bonheur avide. Elle espère l'avoir avec elle pour la vie.

C'est la première personne à lui avoir offert du courage et donné envie de s'exprimer dans un monde où moins communiquer rend tout superficiellement plus facile. Communiquer, c'est ce qu'elle fait toujours avec Isi', en plus de se sentir bien. Et jamais elle n'arrêtera vraiment de lui parler, même s'ils se disputent ou ont un malentendu.

Toutefois, cette histoire ne se terminera pas sur cette note romantique. Parce que Coline a aussi faim qu'Isidore et qu'il est en train de rater des marches en descendant ces fameux escaliers. Alors qu'il est sur le point de tout dégringoler, elle lui attrape le bras pour ne pas le laisser tomber. Mais elle tombe elle aussi.

Leur chute est comme un écho à l'autre.

— T'es con ! s'exaspère-t-elle.

Vautrée sur les marches, elle croise les doigts pour n'avoir rien de foulé ou cassé. La blonde ne veut plus jamais avoir affaire à ses béquilles. Heureusement, elle a l'air de pouvoir remarcher.

Isidore la regarde, yeux ébahis, en tentant de se relever, avant de lâcher :

— Désolé, j'étais pas foncedé.

Et Co' éclate de rire, suivie par le blond. Encore d'autres excuses bidons en écho à celles de la première fois. Parce que c'est de là qu'a éclos leur histoire d'amitié, un peu beaucoup ambiguë vers la fin, mais plus forte et intense après chaque chute et moment d'embarras. Entre chutes, cornichons, emoji immeuble, pistolet à eau, coups de béquilles, élastique bleu ciel, plaid et vélo. Entre tout ce qu'il y a de plus frais et authentique grâce à l'autre idiot.

Mais pour l'instant, elle décide d'arrêter de divaguer pour se concentrer sur les escaliers, car Angèle et Selim arrivent pour les aider à se relever.

Oups.

Des fois, dans la vie, Coline a vraiment autant envie de pleurer de joie que de rire de douleur.


FIN.

OupsNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ