A l'Encre des mots

Isaac - 56

Lundi 04/01/2016

Cette fois-ci, mon écharpe reste à la maison, je fais la rentrée seul.

C'est un peu le feu à la maison ce matin, le ton s'est élevé dans tous les sens, des engueulades, des je te l'avais dit !, des c'est toujours comme ça de toute façon !, des yeux noirs qui crient plus fort que la voix. Et soudain, un silence pesant s'est abattu dans la cuisine, les pas se sont faits plus distants, les portes plus sonores et un blanc abyssal a tout emporté. J'ai appris en grandissant que dans ces moments-là, il vaut mieux ne pas en rajouter et se faire petit.

On n'asperge pas d'alcool un feu qu'on espère éteint.

Olivier m'envoie des SMS alors que je n'ai pas encore quitté la maison. Je lève les yeux au ciel en lisant son dernier message. Une histoire de multiprise. Ils ont oublié de la ramener à Noël.

Et ça continue : une autre fête est prévue dans huit jours. « On y va ?! » m'écrit-il, suivi d'une émoticône qui tire la langue. Aucune chance !

Ma mère me rappelle l'heure et je me précipite dehors. Elle tourne la clé dans la serrure. Plus rien.

Au lycée, je retrouve Olivier assis sur notre banc.

— Tu n'as pas répondu à la quest...

— Tu connais la réponse, le coupé-je dans son élan.

Il tapote la brique et m'invite à m'asseoir.

— Elle en est où, l'affaire Tessa ?

— Aucune idée. Avec un peu de chance, elle aura lu les lettres.

— Je pense que oui, il y avait quelque chose dans son regard la dernière fois. J'ai eu l'impression que ses yeux appelaient à l'aide, mais que son corps continuait de fuir comme si...

— ...elle refusait de croire que quelqu'un puisse avoir envie de l'aider.

— C'est ça...

— Je m'en suis rendu compte aussi.

La sonnerie retentit, on dévale les escaliers jusqu'à notre première salle de cours. La porte était déjà fermée : on slalome discrètement entre les tables. Le professeur nous remarque mais continue comme si de rien n'était.

Aucune autre voix ne s'élèvera plus aujourd'hui. J'ai fait le plein ce matin.