✨Chapitre 56,5 - De satisfaction et d'un bain éternel

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Un sourire éblouissant illumina le visage de la souveraine.

— Je la tiens, exulta-t-elle à voix basse.

Se prélassant dans un bain bouillant, elle prit une profonde inspiration, ferma les yeux, savoura l'instant avant de relâcher l'air.

— Tu ne pouvais pas te tromper à propos du garçon, lui répondit Fergal. Tu savais qu'il remplirait sa mission.

L'endroit était sombre, seules deux boules de lumière orangées flottaient dans l'air et éclairaient la pièce. Le bassin fumait. Les murs n'étaient pas recouverts de bois, ni même polis. La pierre était à l'état brut. D'après la Grande Prêtresse, c'était ce qui donnait tout son charme à ce sanctuaire. La vapeur d'eau s'étendait contre la fraicheur des murs et sous l'effet de la condensation, ruisselait contre ceux-ci.

— C'est vrai, admit-elle, en caressant la surface de l'eau de ses doigts fins.

Le sorcier se tenait sur le bord du bassin, vêtu en tout et pour tout d'une tunique laiteuse qui aurait pu faire penser à une toge romaine. À vrai dire, la souveraine avait une passion pour les civilisations humaines. Mais cela, jamais elle ne l'aurait admis.

— Je vais pouvoir te sauver, adressa-t-elle son second, en plantant son regard dans le sien.

La bouche de l'homme se fendit en un demi-sourire. Son teint était plus pâle que d'ordinaire. Trop pâle.

— Tu es ma déesse, lui susurra-t-il, en se défaisant de son vêtement et s'immisçant dans la chaleur du bassin.

Ses mouvements étaient engourdis mais il espérait que l'élue de son cœur ne le remarquerait pas. Soleil Levant sourit à son tour.

— C'est étonnant comment les Transferts sont beaucoup plus dociles que les Innés.

— Les Transferts sont dans une recherche éternelle de reconnaissance, alors que les Innés iraient jusqu'à demander plus de privilèges qu'ils n'ont déjà, se croyant supérieurs aux autres.

La souveraine grimaça de dégoût.

— Pourquoi faut-il qu'ils soient tous si faibles ? Animés par leurs vices, incapables de voir au-delà de leur propre nombril, insensibles à l'appel des dieux ! Je les aime tellement... Mais il y a tant de jours où je questionne cet amour. Il est tellement profond, viscéral que j'en viens à l'oublier, parfois. 

— Ils savent que tu les aimes, la rassura Fergal en se rapprochant de la souveraine tourmentée.

Celle-ci sourit en secouant la tête.

— Ce serait trop beau pour être vrai. Je suis leur mère. Et les enfants ne se rendent pas compte de l'amour de leur mère avant que celui-ci vacille au fil des épreuves qui les conduisent à grandir... J'ai bien peur que mes sujets, mes Innés, mes Transferts, ne grandissent jamais...

— Mais pense à tes préférés ! s'offusqua le sorcier en prenant le visage de sa belle en coupe. Mike et May, ils ont compris !

Elle hocha lentement la tête.

— Lui, il a compris, oui. Elle, je n'en suis pas certaine. Mais elle est sur la voie. C'est tellement dommage que je doive me servir de la petite pour te sauver toi... et le monde, tout compte fait.

— En la tuant ? demanda le sorcier.

Soleil Levant soupira.

— Hélas, je ne peux pas faire autrement. Si elle vit... ce n'est pas que le C.I.S.I. qui va dépérir ! Mais personne ne saura jamais que je les ai sauvés. Ils me verront comme une Prêtresse sans cœur, ignorante des volontés des dieux... Pourtant ils m'ont prévenue et je sais que j'agis comme il se doit.

Fergal fut pris d'une violente quinte de toux. Soleil Levant fronça les sourcils. 

— Tu as toujours agis comme il le fallait, l'assura-t-il lorsqu'il s'en fut remis. Et si ce n'est que cela qui te chagrine, ma déesse, je ferai savoir à tous les peuples sorciers que tu nous auras sauvés.

— Que tu es chou. Mais ils n'écouteront pas, tu le sais. Les sorciers du C.I.S.I. sont des traîtres, n'est-ce pas ? Nous sommes ceux qui ont assassiné le roi d'Aonghasa et sommes allés nous réfugier dans le Nord pour ne pas subir le sort réservé aux traîtres...

— Ne dis pas n'importe quoi, la rabroua le sorcier, les sourcils froncés. Tu n'es pas responsable des agissements de tes aînés...

Soleil Levant soupira.

— Une fois de retour ici, May mourra, reprit-elle. Et je n'aurai avec son sang qu'assez d'élixir pour une seule personne... Tu vivras et ceux qui ne sont pas immunisés contre le Mal mourront à leur tour. Sans que je ne puisse rien faire pour eux.

La souveraine avait le souffle court. Elle ne pouvait s'empêcher d'avoir le cœur serré à l'idée d'abandonner ses sujets pour sauver celui à qui elle tenait le plus.

— Mais si tu avais pu en faire plus, tu en aurais sauvé plus. J'ai toujours su que ta bonté surpassait celle de toutes tes sœurs, lui avoua Fergal en se rapprochant de sa belle.

Elle sourit. Mais son sourire était voilé. Il remarqua la tristesse qui abondait ses traits. Il remarqua le poids que sa décision faisait peser sur ses épaules et toute la fragilité de l'être qu'il estimait le plus au monde, qu'il avait toujours admiré et qu'il pourrait, une fois l'élixir avalé, aimer jusqu'à l'éternité.

— Non, pas jusqu'à l'éternité, le corrigea-t-elle en secouant la tête. Car même en empêchant May de devenir celle que ses parents ont enfantée, il y aura d'autres porteurs de Lune... Et il y aura d'autres Gardiens...

Fergal frissonna alors que sa peau rencontrait celle la souveraine.

— Mais grâce à toi, le Gardien du Néant n'arrivera pas avant des décennies, voire des siècles ! Et le monde a encore de beaux jours devant lui. Un monde pour toi, ma belle... Un monde à nous.

Leurs visages se touchaient presque. Malgré la fragilité physique de l'un dû au Mal, malgré l'angoisse de l'autre dû à l'état de l'un, la force de leur amour s'élevait au-dessus des volutes de vapeur, au-dessus de leurs tourments, au-dessus de leur souffrance. L'instant était magique.

— Mon amour, l'appela-t-elle.

Il posa ses iris dans les siennes, d'un gris apaisant, envoûtant, amoureux. Son souffle irrégulier s'apaisa et il posa sa respiration dans celle de son amante.

— Je suis et serai pour toujours à toi, lui promit-il.

— May et ses acolytes reviendront dans quelques jours. Le lien entre elle et moi est établi mais c'est seulement lorsqu'elle se sera abandonnée à la pierre et que celle-ci aura pris possession de son corps... que j'aurai un contrôle total et divin sur elle. Alors, lorsque tout sera accompli, mon amour, lorsque nous auront la terre et le ciel pour nous... Nous nous aimerons jusqu'à ce que tout disparaisse derrière la Lune.

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*publication : 25/04/18, dernière mise à jour : 28/12/18*

Plus que deux chapitres... et ce sera l'épilogue, les amis ! Qu'en dites-vous ?

Ce chapitre est l'un de mes préférés ! N'hésitez pas à me faire part de vos remarques, suggestions et ressentis !

À bientôt ! :3

Jusqu'à ce que tout disparaisse derrière la LuneWhere stories live. Discover now