Partie 1

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« Plus que trois heures... » pensa l'homme. Dans trois heures, il commettrait l'irréparable. « Mais est-ce utile ? N'y a-t-il pas une autre manière de faire ? » L'homme essaya de chasser les doutes de son esprit mais ceux-ci revenaient tout aussi vite. Mais il le savait, il n'avait pas le choix, ou plutôt il ne l'avait plus, il devait le faire, pour la justice. Mais laquelle ? La sienne ? Non sa vie était injuste.

          Il parcourut sa maison pour ce qu'il savait être la dernière fois. Il n'habitait pas une maison luxueuse, la plupart des meubles étaient de seconde main et couverts d'une épaisse couche de poussière qui se soulevait lorsque l'on passait à côté. Une lampe projetait une lumière blafarde sur les murs aux nombreuses fissures. Divers objets y étaient accrochés, des cadres sans intérêts sentimentaux, une horloge, des meubles de rangements bancals et une hache. Cette dernière était en bois et semblait neuve. La lame était bicolore et marquée par un logo en forme d'œil. Ce dernier avait des contours bleus et une pupille noire, un peu comme à la manière des yeux égyptiens de l'antiquité.

           « Il se souvient que son père lui avait offert la hache pour son quinzième anniversaire, ce qui avait soulevé une vague de protestations chez sa mère. Mais ces reproches avaient enragé son père, saoul à l'époque qui avait saisi la hache et qui l'avait asséné sur sa femme. Plusieurs fois même. Vingt-deux précisément, à chaque coup, le corps de la femme frémissait et du sang giclait sur les murs de l'appartement, les couvrant d'une peinture pourpre que le garçon avait, à l'époque, trouvée sublime. Il avait compté les coups, regardant la scène sans émotions, chaque contact de la hache sur la chair de sa mère produisait un bruit sourd. Une fois les vingt-deux coups assénés, l'homme dont les effets de l'alcool s'étaient dissipés, contemplait la scène avec des yeux horrifiés. Malgré qu'il était dos au garçon, ce dernier remarqua tout de même des larmes de son père tomber sur le corps de sa mère en charpie. Il se tourna vers son fils et murmura un désolé. Il posa la hache couverte de sang sur le sol, en face du gamin et se rendit dans la cuisine où, il se donna la mort en s'enfonçant un couteau dans le cœur. Le garçon n'avait pas bougé lorsque tout cela c'était passé, il n'avait pas bougé non plus quand la voisine le vit debout au milieu d'une mare de sang et qu'elle hurlait d'horreur. Il ne bougea toujours pas lorsque des agents de police entrèrent dans la pièce et que les médecins constataient la mort des parents. Il était toujours debout. Une femme s'approcha de lui et s'agenouilla devant lui pour se mettre à sa hauteur. Elle prit un torchon et lui effaça les taches de sang qu'il avait sur le visage. Elle lui parlait mais il n'entendait rien, son regard était vide et ses oreilles étaient comme bouchées. Le garçon était orphelin à partir d'aujourd'hui. A partir de maintenant il était seul... »

           L'homme sortit de ses songes et se rendit compte qu'il fixait la hache depuis maintenant au moins une demi-heure et qu'il était assoiffé.

          Il se rendit dans la cuisine. Il s'agissait là d'un bien triste spectacle, des meubles délabrés, de la vaisselle sale empilées dans l'évier, la table était cassée et il manquait un pied à une chaise. Une porte d'un vaisselier, branlante, laissait échapper une légère plainte. L'homme se plaça devant l'armoire et entreprit de la remettre correctement. Mais malheureusement, celui-ci ne fit qu'empirer les choses, la porte se détacha de ses charnières. Pris d'une rage folle, il lança la malheureuse à travers la pièce. Et celle-ci alla se fracasser contre le mur du salon, juste sous la hache. Un chien se mit à aboyer dehors, alerté par le bruit soudain. Une fois la rage retombée, l'homme se laissa glisser contre le mur et s'assit au sol. Des larmes coulèrent le long de ses joues chauffées par la colère. Les doutes l'assaillirent de nouveau. « Que diraient les autres en le voyant ? Le prendrait- il pour un colérique qui ne sait pas maitriser ses pulsions ? Le compareraient- ils à son père abattant sauvagement sa colère sur sa femme innocente et donc décideraient-ils de l'exclure du coup ? Non ! Il n'était pas son père ! ». L'homme chassa une fois de plus les doutes de son esprit, mais il sentait bien qu'ils le rongeaient de l'intérieur...

La peur du Ritz [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant