Chapitre 23

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Après le départ de Willy, la vie reprit tristement son cours. Pendant une semaine, les deux sœurs étaient plus que maussades, comme si toutes les couleurs avaient été retirées de leur vie. Aucune d'elles n'osait aborder les sujets « chocolaterie », « Willy », ou de revenir sur la décision qu'elles avaient prise sans se concerter. Toutes les deux étaient inquiètes de ce que l'autre pensait. Charlotte avait peur de revenir sur le sujet parce qu'elle craignait que sa sœur pense qu'elle voulait l'abandonner pour aller à la chocolaterie, et Carlie avait peur d'avoir retenu Charlotte ici contre son gré. Cette zone de non-dit les gênait autant l'une que l'autre, étant trop habituées à tout se confier en temps normal.

Même le patron de Carlie voyait que quelque chose n'allait pas. C'est la raison pour laquelle il alla lui parler lui-même, avant la fin de sa journée.

« Quelque chose ne va pas ? » demanda-t-il sur un ton paternel. « Depuis que tu es allée à la chocolaterie, tu n'es plus que l'ombre de toi-même, ça ne te ressemble pas. Quelque chose vous y est arrivé ? J'ai entendu dire dans les médias que les autres enfants avaient eu quelque pépins … »

« Non il ne s'est rien passé. Nous avons passé la plus belle journée de notre vie Charlotte et moi, elle a été exemplaire contrairement aux quatre autres enfants. Elle avait même recommencé à parler un peu … avant de retomber dans son mutisme depuis. Mais rien de mal ne nous est arrivé. » dit la grande sœur sans oser regarder son patron dans les yeux.

« Alors quoi ? Je vois bien qu'il y a un problème Carlie … parle-moi … ça te fera du bien. » supplia presque le vieil homme.

« A la fin de la journée, Willy nous a proposé de venir habiter avec lui à la chocolaterie. Il voulait que Charlotte devienne son successeur. » céda Carlie en commençant à verser quelques larmes.

« Et alors, pourquoi tu es encore là ?! La plupart des gens sur cette Terre auraient tué mère et père pour pouvoir être à votre place … » dit-il sans réfléchir à la portée de ses paroles.

« Justement, ils auraient tué mère et père parce qu'ils en avaient encore. Nous, nous n'en avons plus. La maison dans laquelle nous vivons est la seule chose qui nous rattache à eux désormais. Je ne peux pas concevoir de la laisser derrière moi. » cria presque la jeune fille.

« Carlie, il ne faut pas vivre dans le passé, tu le sais ça … ça n'apporte rien de bon, que ce soit pour toi ou pour ta sœur. Mais il n'y a pas quelque chose en plus là-dessous ? Tu n'aurais pas oublié de me raconter un détail ? »

« Quelle perspicacité … » sourit Carlie. « Au cours de la visite, Willy s'est souvenu de moi … Toutes ces années je pensais avoir rêvé ces moments mais … quand j'étais petite et que mon grand-père travaillait pour lui à la boutique, je venais l'y rejoindre. De nombreuses fois j'ai échappé à sa surveillance, et j'allais voir Willy, j'adorais passer du temps avec lui, et ensemble nous avons travaillé sur plusieurs confiseries. Et pendant la visite je … je crois que je suis tombée amoureuse de Willy Wonka … et je crois qu'il m'aime aussi … »

« Pourquoi refuses-tu le bonheur quand il se présente à toi ? » soupira son patron.

« Je ne me sens pas le droit d'être heureuse … pas quand toute ma famille est morte il y a si peu de temps … »

« Déjà d'une toute ta famille n'est pas morte, Charlotte est toujours là, et de deux, tu ne te sens pas le droit d'être heureuse, mais est-ce que tu réalises qu'en faisant cela tu rends potentiellement ta sœur malheureuse également ? Tu l'entraines avec toi dans ta chute Carlie. Charlotte est un amour, mais en grandissant, elle pourrait t'en vouloir de ne pas t'être rendue compte de ça. Et là tu auras une raison valable de ne pas vouloir être heureuse. » moralisa-t-il. Il savait que ses paroles étaient dures, mais également nécessaires.

Les mots de son patron eurent l'effet d'un électrochoc chez Carlie. Beaucoup de doutes se levèrent, et une chose lui restait à faire : parler avec sa sœur. Elle devait savoir ce qu'elle avait sur le cœur.

Une fois qu'elles furent chez elles, Carlie se saisit d'un crayon et de papier pour que sa sœur puisse écrire ce qu'elle ressentait, car l'heure n'était ni aux devinettes, ni aux malentendus, puis appela Charlotte.

« Ecoute mon cœur, je vois bien que quelque chose ne va pas depuis … la visite de la fabrique. Dis-moi ce qui ne va pas s'il-te-plait, je ne supporte pas de te voir malheureuse de la sorte, et j'ai besoin de savoir si je suis en faute ou non … » dit-elle en la prenant sur ses genoux et en caressant ses cheveux.

« Non ce n'est pas de faute, et ce n'est rien, ça passera bientôt. » écrivit la petite.

« Charlotte parle-moi franchement, tu sais que tu peux tout me dire … tu m'as toujours tout raconté et si la moindre chose te tracasse tu dois m'en parler. »

« C'est juste que, j'ai fait comme tu m'as dit pendant la visite, j'ai tout oublié, c'était comme dans un rêve. Mais maintenant je regrette qu'il ne soit pas réalité »

« Tu as eu raison de le faire. Nous avons toutes les deux passé une journée merveilleuse. Regrettes-tu de ne pas être allée avec Willy ? »

« Je ne sais pas. Quand il l'a demandé je ne m'y attendais pas, alors la réponse était évidente. Mais maintenant que tout est redevenu normal, je n'arrive pas à être contente avec ce que nous avons. »

« Tu aurais dû m'en parler avant mon chat ».

« Je ne voulais pas que tu penses que je voulais t'abandonner. Je veux qu'on reste ensemble pour toujours. Mais la chocolaterie me manque. C'est comme si nous ne pourrions plus jamais être heureuse ici. »

« Je sais ce que tu ressens Charlotte. Moi aussi j'avais peur de t'en parler, parce que je pensais que tu pourrais m'en vouloir d'avoir pris la décision sans te demander. Mais le véritable problème, c'est qu'en allant dans la chocolaterie, nous avons vu que le bonheur existait encore, alors qu'à la maison, nous vivons dans le passé, nous avons la même routine, mais sans les personnes qui nous rendaient heureuses. Ils nous manqueront pour toujours, mais sans les oublier, nous devons arrêter de faire comme s'ils pouvaient revenir à n'importe quel moment. »

Charlotte ne pouvait pas être plus d'accord avec sa grande sœur. Elle entoura le cou de Carlie de ses bras et se serra à elle du plus fort qu'elle en était capable. Toutes leurs peurs s'étaient envolées, et le soulagement avait désormais pris place.

« Tu sais, je crois que mon patron avait raison. Le passé ne nous apportera rien de nouveau, et nous avons besoin de tourner la page, de changer de vie, et de passer à autre chose. On a choisi de s'enfermer dans une routine similaire à celle qu'on avait avant qu'ils ne partent, et ça nous a empêché de continuer à vivre, d'évoluer. Mais si tu es d'accord, j'aimerais qu'on réfléchisse à des changements. Pas forcément d'aller à la chocolaterie (même si au fond elle en avait très envie), mais au moins de changer nos habitudes, pour commencer quelque chose de nouveau. »

La petite répondit d'un hochement de tête, et avec un grand sourire. Puis elle se saisit de son petit carnet pour poser une question à sa sœur.

« Tu serais heureuse de revoir Willy ? »

« Pourquoi cette question ? » demanda nerveusement Carlie. La petite se contenta de hausser les épaules, comme si elle n'avait pas d'arrière-pensée.

« Oui, autant que toi je suppose » essaya la grande sœur. Le fait que Charlotte lui réponde d'un signe négatif de la tête, avec un sourire narquois collé au visage, lui indiqua qu'elle n'avait pas été convaincante.

« Je voyais bien comment tu le regardais »

« Oui … j'étais impressionnée … c'est normal quand on rencontre quelqu'un d'aussi brillant … »

La moue agacée de Charlotte lui prouva qu'elle n'était pas bonne menteuse.

« Bon oui c'est vrai, peut-être que je serais très heureuse de le revoir, de passer du temps avec lui ! »

« Tu l'as embrassé … »

« Tu vas me payer ça Chacha ! » cria Carlie avant d'attraper sa petite sœur et de la chatouiller le plus possible. C'était la première fois, depuis bien trop longtemps, que des rires se faisaient entendre dans la petite maison.

Cette nuit-là, toutes deux dormirent à poings fermés, certaines que les lendemains à venir seraient meilleurs, même si l'avenir était encore incertain. Cela dit, pour ça, Charlotte avait sa petite idée.

Ensemble nous adoucirons nos peinesWhere stories live. Discover now