Chapitre 3

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Les ténèbres de la nuits engloutissent les quatres tourelles de Winterhills. Vent, flocons et branches nues s'agitent devant l'immense fenêtre de ma chambre, plongée elle aussi dans un noir quasi complet. Une seule chandelle, posée à côté de moi sur mon bureau, me permet de lire l'énorme article que m'a donné mon mentor d'histoire. Un article fort peu passionnant, honnêtement, mais ce n'est pas comme si j'avais le choix.

Je laisse mon esprit vagabonder, rejouer en boucle cette première journée en tant que niveau 2 et surtout ma rencontre avec ce garçon, Keefe. Je ne devrais pas me faire d'illusions : il traine avec les Vackers, il doit être populaire à en mourir... tandis que moi, je ne suis que Kora Withers, une pauvre fille de douze ans sans talent ni aptitudes incroyables. Et pourtant, je ne peux m'empêcher de rêver. Ces yeux bleus glacier refusent de quitter mon esprit,sans que je puisse comprendre pourquoi. Je ne l'ai vu que quelques minutes, c'est tellement insensé ! Et pourtant...

La tempête fait un bruit infernale, dehors. Le vent semble se déchirer sur les épais murs de cristal du château, avec des hurlements dedouleur. Dans son sillage, la neige s'accroche aux fenêtres, lesgivre et fini par les briser. J'ai l'habitude. Je sais que les rafales finiront par se calmer.


La nuit est de plus en plus profonde, et l'article de plus en plus ennuyeux, pourtant mes parents ne sont toujours pas rentrés. De ça aussi j'ai l'habitude. Je pensais qu'ils feraient un effort, pour ma rentrée... mais je devrais arrêter de me bercer d'autant d'illusions. Leur travail à Eternalia avec le Conseil leur prend tout leur temps, et d'aussi loin que je me souvienne, jamais ils n'ont été très présents pour moi. J'ai appris à vivre sans eux, et ce n'est pas comme si je manquais de quoi que ce soit ici, entre les gnomes vivant dans l'immense sous-sol et les cuisines remplis, la grande bibliothèque poussiéreuse du deuxième étages, la serre, et même la forêt autours du château. Être seule ne me dérange même pas.


Après plus d'une heure de travail, je fini par laisser mon bureau en plan pour m'allonger sur la banquette, sous la fenêtre, enroulée dans une épaisse couverture. La chandelle se consume lentement, emplissant la pièce d'une odeur de feu de cheminé, et dehors, toujours, les flocons tombent. De là où je me trouve, ma chambre paraît immense, froide, vide. Je déteste ça. J'aimerais la remplir de couleurs vives, de souvenirs, de dessins, pourtant je n'ai presque jamais changé la décoration. Je ne sais pas pourquoi.


Le sommeil m'a presque emporté à force de rêver en regardant tomber la neige, lorsque j'entends des pas et des voix étouffées provenant de l'étage inférieur. À demi endormi, je me lève, garde ma couverture autours de mes épaules, et descends pieds nus le large escalier de pierre. En bas, dans la grande entrée circulaire, mes parents relèvent la tête à mon entrée. Comme à leur habitude, ils sont habillés de vêtement luxueux : grandes capes argentées et broches en or, relevées de diamants, bottes montantes aux laçages complexes, tuniques brodées. Lord Maeldan et Lady Dahlia Withers dans toute leur splendeur.

—Kora, soupire ma mère.

Ses longs cheveux bruns soyeux retombent en grosses boucles sur ses épaules nues, encadrant un visage angélique à la peau immaculée et aux lèvres écarlates. Ses yeux maquillés de paillettes bleues et bordés de grands cils noirs ont la couleur de la neige reflétant le ciel : un bleu si clair qu'il paraît presque transparent. Ses mains, gantées, jouent avec un fin bracelet en pierre précieuse qu'elle ne quitte jamais.

Elle n'ajoute rien, ce serait inutile. Son ton en dit déjà long :je ne devrais pas être debout, je suis sensée dormir, ne pas me coucher tard, obéir. Mais son silence, bien plus douloureux que les mots qu'elle pourrait prononcer, me glace le cœur. Pourquoi me faire culpabiliser, moi, alors que je ne voulais que les saluer, leur dire bonne nuit, prendre de leurs nouvelles ? Et c'est chaque fois la même chose.

—Maman.

Je me contente de cette réponse. Sans attendre davantage, je fais demi tour et remonte l'escalier quatre à quatre, ma couverture glissant sur le sol derrière moi à la manière d'une traine. La traine d'une reine au cœur givré, manquant de la flamme de l'amour maternel. Mais qu'importe. La solitude ne m'a jamais dérangé.

Ma chambre me semble plus froide encore que d'habitude. Plus vide, aussi. J'abandonne ma couverture sur le sol, et me glisse en silence dans mon immense lit à baldaquin en chêne noir, trônant au milieu de la pièce. Les rideaux glissent lentement de la cordelette qui les retiennent, et enfin, je me retrouve plongée dans le noir. Les événements de la journée me semblent bien loin, à présent, et même le doux visage de Keefe Sencen commence à s'effacer de ma mémoire. Je ne suis personne, juste une fillette frigorifiée dans on lit, rien comparé à lui qui, j'en suis sure, vit une vie à des années lumières de la mienne.





Salut !
Voila un chapitre assez court, qui fait partie de la réécriture (je vais développer ce qu'il se passe entre les anciens chapitres 2 et 3.

Vous en pensez quoi ?
À bientôt pour le chapitre 4 ;)

-Candesia

Kora - Fanfiction Gardiens des cités perduesWhere stories live. Discover now