9 -Héria

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J'ai la sensation de tomber dans le vide. Mon souffle se bloque dans ma gorge alors que j'ouvre les yeux avec violence.

Je suis assise sur mon lit, dans ma chambre. Je me lève précipitamment et inspecte mon environnement : tout est à sa place. Ma respiration s'emballe tandis que mes yeux s'embuent.

Je suis revenue chez moi.

La petite pièce est plongée dans la pénombre de la nuit, et la chaleur ne me paraît plus aussi écrasante que d'habitude. Au contraire, il fait presque frais. J'inspecte mes habits tachés et déchirés, encore marqués par mes récentes escapades. Je dénoue le sweat de mes hanches, frictionnant machinalement le tissu en treillis. Les larmes menacent une nouvelle fois de couler alors que je repense au volcan, aux bois de cerf, au marais, et au lézard dans la lave... Je suis encore vivante, et je ne m'explique pas ce miracle. Me souvenant subitement de ma blessure à l'épaule, je lâche le pull qui tombe au sol, et inspecte ma peau avec appréhension. Mes doigts rencontrent le contact râpeux d'un tissu. Je me dévisse la tête pour tenter de regarder, parvenant à voir le reflet blanc d'un bandage entourant proprement mon épaule. J'appuie un peu dessus, déclenchant une sensation douloureuse d'une probable plaie en dessous.

-Aïe... Je marmonne.

Ma voix me parvient comme un écho, ce qui me surprend. Je lance un regard timide à la pièce, cherchant la source de la distorsion... Mais n'en vois aucune.

-Nous avons fait ce que nous avons pu, résonne une voix féminine.

Je sursaute violemment en me retournant vers la silhouette sombre tapie dans l'ombre de ma chambre. Le soubresaut me déclenche une décharge dans l'épaule, et je grimace.

Assise sur une chaise près de la porte d'entrée, je reconnais Héria à sa chevelure noire aux reflets verts. Les coudes posés sur ses genoux et les mains jointes, elle est courbée vers l'avant, regardant le sol.

-Les créatures que vous avez rencontré n'avaient rien à faire là-bas, poursuit-elle. Nous sommes intervenus aussi vite que nous avons pu, mais tu avais déjà été blessée.

Elle redresse enfin la tête, et je reste sans voix devant ses yeux : couleur d'émeraude, ils brillent de façon surnaturelle dans la pénombre. Un spectacle à la fois magnifique et effrayant.

Je me laisse tomber sur le lit sans la quitter des yeux, sentant une grande fatigue m'envahir.

-Qu'est-ce que c'était ? Je demande à demi-voix.

La réponse m'effraie, mais ma curiosité est plus grande. Elle pousse un bref soupire.

-Ce sont des Manisamirgas, littéralement « Hommes Cerfs » en népalais. Ce sont des créatures éthérées qui ont besoin d'aspirer un élément physique pour apparaître dans notre monde.

Devant mon air d'incompréhension, elle s'explique :

-Ils peuvent utiliser n'importe quoi pour s'incarner... Du bois, de l'eau, de l'air, ou du métal par exemple. Il leur suffit de le toucher, mais sitôt qu'ils rompent le contact, ils disparaissent de nouveau. Ils se nourrissent de sang pour apparaître de façon définitive.

Je frissonne à l'entente de cette dernière information.

-S'ils parviennent à boire suffisamment de sang, ils s'incarnent et font en général des ravages. Des villages ont disparus au Népal par leur faute.

-Nous étions au Népal ? Je m'étonne soudain.

-Non, tranche-t-elle. Vous vous trouviez dans les Sundarbans, l'une des mangroves...

-... du Bangladesh, je complète en soufflant.

Elle lève un sourcil surpris tandis qu'une sensation de vertige me fait tourner la tête. Il n'y a pas de volcan au Bangladesh, comment avons-nous pu être transportés si vite ? Est-ce l'un des pouvoirs de ces gens ?

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 05, 2018 ⏰

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