DEGRADATION Tome III

Chapitre vingt

"Néant. Tristesse. Dépression. Suicide. Mort. Mort. Dépression. Suicide. Néant. Vide. Néant. Tristesse. Suicide. Suicide. Suicide. Malade. Néant. Mort. Peine. Douleur. Douleur. Néant. Tristesse. Dépression. Suicide. Mort. Mort. Dépression. Suicide. Néant. Vide. Néant. Tristesse. Suicide. Suicide. Suicide. Malade. Néant. Mort. Peine. Douleur. Douleur. Néant. Tristesse. Dépression. Suicide. Mort. Mort. Dépression. Suicide. Néant. Vide. Néant. Tristesse. Suicide. Suicide. Suicide. Malade. Néant. Mort. Peine. Douleur. Douleur."

C'est pratiquement une page sur cinq. Il a écrit entre bien sûr, mais ces mots reviennent tout le temps et se répètent dans tout le journal. Ça me serre le ventre. Je reviens en arrière, je lis sans réellement lire jusqu'à apercevoir mon prénom.

"J'ai acheté une brosse à dents à Louis. J'ai vraiment eu du mal à la choisir, je ne pensais pas que c'était quelque chose d'aussi compliqué à acheter. Il y avait beaucoup de choix, j'espère qu'elle lui plaira. J'ai aimé la soirée qu'on a passée hier. Quand je suis avec lui plus rien ne compte autour de moi et je me sens important."

Je souris malgré moi, je me rappelle de ce jour-là, de ce soir-là. C'était la première fois qu'on allait manger au restaurant tous les deux. Je me souviens parfaitement de la serveuse qui le regardait comme s'il était la quatorzième merveille du monde. Je me souviens de la crêpe chocolat-chantilly-beaucoup-et-pépites, qu'on a mangée après le dîner. Mais surtout je me souviens du moment où il m'a offert cette brosse à dents, à quel point j'avais été touché.

Je change de page. Je ne lis pas dans l'ordre et seulement des passages.

"Louis ne me parle plus. Je sais que ce n'est pas à moi qu'il en veut réellement, mais ça reste dur à vivre. Je comprends sa réaction, je ne sais pas comment j'aurais réagi à sa place. Son père n'avait pas le droit de le gifler comme ça, ce n'est pas juste. J'ai eu peur de perdre mon sang-froid, quand je l'ai vu le frapper, j'ai vraiment eu peur. Peur de moi-même, peur de perdre le contrôle. Je ne supporte pas que quelqu'un s'en prenne à lui, il ne mérite pas qu'on lui fasse du mal. Six jours que je ne l'ai pas vu, il me manque. J'ai l'impression que tout est vide sans lui, je passe mon temps à surveiller mon téléphone, à espérer avoir des nouvelles de sa part. Pourquoi les gens ne m'apprécient pas sans même me connaître ? J'ai l'impression de revivre la même chose encore une fois. Le père de Samantha me détestait lui aussi. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Pourquoi les gens me repoussent tout le temps ? Louis me manque, j'ai peur qu'il ne revienne pas."

Je réalise que j'ai les larmes aux yeux, quand je n'arrive plus à lire. Je me souviens de ce moment-là, j'avais passé une semaine et demie sans le voir ni même lui parler. Ça avait été une période très dure pour moi. Après cette gifle de mon père, j'étais en colère contre la terre entière et sans le vouloir, c'était Harry qui en avait fait les frais.

Je tourne plusieurs pages. Je reviens en arrière.

"Je n'y arrive pas, j'essaie de toutes mes forces mais j'en suis incapable. Je pars chaque nuit, à chaque fois. Je le regarde dormir, il est beau quand il dort, il a une telle douceur dans ses traits, je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi magnifique que lui. Je tombe amoureux, j'en ai conscience. C'est dur à accepter parce que je pense encore souvent à Samantha, mais pourtant je tombe amoureux de lui, c'est plus fort que moi. Je le sens au fond de moi. Chaque jour il prend une place un peu plus importante dans ma vie. Je sais que je devrais avoir peur, en être effrayé, mais ce n'est pas le cas. J'ai confiance en lui. Louis est une personne entière et honnête. J'aime ce sentiment de sécurité qu'il m'apporte. J'aime sa gentillesse. Il est tellement patient avec moi que je m'en veux encore plus. J'aimerais me réveiller à ses côtés, j'aimerais réellement y arriver. Je ne le mérite pas. Je ne mérite pas d'avoir quelqu'un comme lui dans ma vie, il est trop bien pour moi et j'ai peur du jour où il s'en rendra compte. J'ai peur du jour où il partira."