Chapitre huit

Depuis le début
                                    

"Hey..."

Toujours pas de réponse. Je l'observe, mon cœur se serre à m'en faire mal. Il est blanc, vraiment blanc, il a des cernes sous les yeux, ils sont creux, autant que ses joues. Il a perdu du poids, mais le pire c'est son regard, il est vide. Totalement et complètement vide. Il est absent, son corps est là mais lui est ailleurs. Je sens mes yeux se voiler, je dois me mordre les lèvres pour ne pas pleurer. C'est encore pire, quand je prends sa main et que je vois ses ongles coupés. Il ne les a jamais eu longs car il les ronge, mais là ils ont été coupés à la pince, à tel point que la peau autour est rouge. Ça doit lui faire mal... Pourquoi ils lui ont fait ça ? Pour ne pas qu'il se griffe ou qu'il griffe les personnes qui s'occupent de lui ? Je ne sais pas. C'est tellement dur de le voir comme ça, j'ai l'impression de me briser encore plus que je ne le suis déjà. Je porte sa main à mes lèvres, je l'embrasse doucement comme si ça pouvait effacer sa douleur. Il n'a aucune réaction, il ne bouge pas, il reste immobile à regarder par la fenêtre. Je ne suis même pas certain qu'il regarde réellement quelque chose, ou qu'il réalise ma présence. Je remarque son journal posé sur la table de chevet, son père a réussi à lui transmettre ou alors il lui a donné lui-même. Je n'en sais rien.

"Tu as ton journal..."

Toujours rien, le vide. Je reste silencieux à mon tour, je garde sa main dans les miennes. Je ne le quitte pas des yeux, j'en suis incapable. Depuis ce soir-là, je n'arrête pas de revoir dans ma tête son corps étendu au sol, cette image me hante. Tout le temps. "Tu es vivant." C'est sorti tout seul, ma voix s'est complètement brisée, je n'ai pas réussi à la contrôler. Je ne sais pas s'il m'entend mais j'ai besoin de lui dire.

"J'ai tellement eu peur de te perdre..."

Il ne réagit toujours pas. Je porte encore une fois sa main à mes lèvres et je me tais à nouveau. J'ignore combien de temps passe, je crois que je me perds dans mes pensées. Je réalise réellement la chance que j'ai qu'il soit encore en vie. Même s'il est complètement absent, même si c'est dur de le voir comme ça, son cœur bat toujours. La machine à laquelle il est relié affiche chacun de ses battements. Il est vivant, il est encore vivant, il est toujours là. Les bandages qui entourent ses poignets me montrent que j'aurais réellement pu le perdre. Pour de vrai. Je réalise la chance que j'ai d'être dans cette chambre à lui tenir la main et non pas dEthant une tombe dans un cimetière. J'ai tellement mal à l'intérieur que je suis incapable de parler, pourtant j'ai tellement de choses à lui dire. J'ai tellement de choses en moi qui ont besoin de sortir, mais qui restent coincées et c'est douloureux. Son regard est tellement vide... je ne sais pas si ce sont les médicaments qu'ils lui donnent qui font ça. Je donnerais tout pour rentrer dans sa tête et soigner tous ses maux.

"Harry..."

La porte s'ouvre à ce moment-là sur une infirmière. "Il va falloir y aller." J'écarquille les yeux, quoi déjà ? Je regarde ma montre, il est 11h. Ça fait déjà une heure que je suis ici, je n'ai pas vu le temps passer. J'ai l'impression qu'une seule seconde s'est écoulée et à la fois l'éternité. "Juste cinq minutes de plus s'il vous plaît." Je la regarde suppliant, elle hoche la tête et referme la porte. Je reporte mon attention sur lui, en serrant un peu plus fort sa main que je n'ai pas lâchée un seul instant.

"Je ne sais pas si tu m'entends, mais si tu m'entends..."

Je ferme les yeux, c'est difficile de parler tellement ma gorge est serrée. J'aimerais le supplier d'aller mieux, le supplier de revenir à lui, de revenir à moi, mais je n'y arrive pas. Je sens mes larmes monter, je lutte pour ne pas qu'elles coulent. Sa main dans les miennes, je n'arrête pas d'embrasser sa paume, je ne le contrôle pas, je crois qu'inconsciemment je me raccroche à ce seul contact que j'ai avec lui. "Si tu ne vas pas mieux les médecins ne me laisseront pas revenir." Je lui murmure presque comme une supplication. "J'ai besoin de toi... s'il te plaît Harry..." Mais j'ai beau attendre, prier intérieurement, il ne se passe rien. Il ne réagit pas. La porte s'ouvre à nouveau derrière mon dos, je ne me retourne pas. Je le regarde lui, en espérant une dernière réaction mais rien, il n'est pas là. Je sors le petit carnet noir de la poche de ma veste.

DEGRADATION Tome IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant